Quand le pape François devient un voyageur

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Deuxième anniversaire de l’élection, bilan du P. Lombardi

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Le cardinal Jorge Mario Bergoglio n’aimait pas trop voyager et voici que le pape François découvre l’importance de ce ministère itinérant, dont l’année 2014-2015 a été riche: c’est l’une des constatations du P. Lombardi qui a dressé un bilan d’un an de pontificat au micro de Radio Vatican en italien, le 12 mars.

Trois “photos”, l’Asie, le dialogue interreligieux et l’oecuménisme, la médiation de paix du pape et du Saint-Siège, la réforme de la curie et le synode sur la famille, les pauvres, la dignité humaine et le rapport aux media: autant de thèmes abordés par le P. Federico Lombardi SJ, porte-parole du Saint-Siège, à la veille du second anniversaire de l’élection de Jorge Mario Bergoglio comme Successeur de Pierre, le 13 mars 2013. Jour férié au Vatican.

Trois “photos” de l’année

La première image que le P. Lombardi retient est l’accolade fraternelle, à Jérusalem, au pied du Mur des Lamentations, du pape François, de son ami le rabbin Abraham Skorka et de son ami imam argentin également, Omar Abboud, le 26 mai 2014. Une photo, des photos, désormais entrées dans l’histoire. Pour le P. Lombardi il s’est agi d’“un moment symbolique fondamental de dialogue et de paix pendant le voyage du Pape en Terre Sainte, un point crucial pour la paix dans le monde”.

La deuxième est la rencontre fraternelle du pape François et du patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomaios Ier, dans la cathédrale orthodoxe d’Istanbul, avec ce geste du pape qui s’incline et “dans un certain sens demande la bénédiction  du patriarche et s’incline devant lui”. Le P. Lombardi décrypte ainsi la rencontre: “Le moment de la fraternité, et du dialogue oecuménique, le grand désir de l’unité des chrétiens.”

La troisième image est en fait une “série d’images”, comme aux Philippines, des “foules de personnes pleines d’affection, désireuses de voir le Pape, de l’aimer, de manifester leur enthousiasme, qui lui présentent leurs enfants”. Elles transmettent “la joie, l’espérance devant le Pape, d’un peuple qui regarde son avenir avec espérance, en lui présentant les enfants, les nouvelles générations de l’Asie et de l’humanité”.

L’Asie, de la Corée au Sri Lanka et aux Philippines

L’Asie a été en quelque sorte un “continent privilégié” en cette seconde année de pontificat, avec la Corée (en août 2014) et le Sri Lanka et les Philippines (en janvier 2015).

“Lorsque le pontificat a commencé, ce n’était pas clair que le pape François aurait donné une grande place aux voyages dans son ministère. Au contraire, il semblait même qu’il avait un peu de méfiance, un peu de crainte, parce que le Pape n’était pas un “voyageur” ”, avoue le P. Lombardi.

“Puis, en vivant son ministère, le Pape lui-même a intensifié cette dimension de son service pastoral en en saisissant la grande importance , en accueillant l’attente des peuples du monde qui veulent le voir, l’attente des Eglises locales qui veulent être encouragées”, explique-t-il.

Il fait aussi observer que l’Asie est le “continent principal du point de vue démographique, et des perspectives de développement de l’humanité, et du continent dans lequel d’une certaine façon, le christianisme est moins connu, est une petite, petite, minorité” et que de ce point de vue, “l’annonce du salut du Christ est particulièrement important pour l’avenir de l’humanité”.

Le dialogue interreligieux et l’oecuménisme

Le P. Lombardi rappelle que Le dialogue interreligieux et l’oecuménisme sont des “dimensions permanentes de l’Eglise”, spécialement à partir du Concile.

Du point de vue du dialogue entre chrétiens, il cite les “rapports très intenses” avec l’Orthodoxie et la visite à Istanbul, en novembre 2014, pour la fête de saint André, frère de l’apôtre Pierre et saint patron du Phanar. Mais aussi les relations “très intéressantes et originales” du “dialogue” et de la “rencontre” avec les Pentecôtistes et les communautés chrétiennes “qui ne font pas partie des Eglises classiques, traditionnelles” : ils représentent “une des dimensions les plus dynamiques du christianisme dans le monde d’aujourd’hui”.

Pour ce qui est du dialogue interreligieux, le P. Lombardi rappelle “la grande tradition de rencontres, d’amitiés personnelles, du pape François avec les juifs mais aussi avec les responsables musulmans: “Cette attitude de dialogue, de dialogue pacifique, d’encouragement pour toute forme de compréhension entre les religions, est extrêmement précieux”.

La médiation de paix du pape et du Saint-Siège

Le P. Lombardi rappelle les très nombreux appels lancés par le pape pour la paix, notamment, mais pas seulement au Moyen Orient et en Ukraine.

Il rappelle ce moment privilégié de la prière pour la paix des deux présidents israélien et palestinien dans les jardins du Vatican en juin 2014, et dû à la “personnalité” du Pape.

Un moment de prière “original” et “personnel” qui a “ouvert une porte afin de chercher de nouveaux horizons de paix dans une situation très difficile”.

Une autre “surprise” est venue des présidents Barack Obama et Raul Castro lorsqu’ils ont remercié le pape “pour sa contribution au renouveau des relations entre les Etats-Unis et Cuba”, rappelle le P. Lombardi: une “contribution personnelle” apportée avec “beaucoup de discrétion”.

Le P. Lombardi souligne que l’Eglise a ce “rôle de paix” au niveau international, comme le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin l’a affirmé à la Grégorienne le 11 mars: un “service diplomatique du Saint-Siège au service de la paix entre les peuples”.

Mais il met en avant aussi la “contribution personnelle”, en quelque sorte le “charisme” du pape François qui parle toujours de la “culture de la rencontre” dont il vit, “personnellement” lorsqu’il rencontre les leaders internationaux et “essaye d’établir avec eux un rapport de confiance, de partage, qui va au-delà des problèmes objectifs, dans leur complexité”: “aider à faire un pas en avant implique beaucoup la personne, avec son courage, son espérance”.

“Je crois, insiste le P. Lombardi, que le pape François a le don de pouvoir donner une impulsion grâce justement à sa personnalité, et ses capacité de relation avec les chefs des peuples, les chefs religieux, les grands leaders qu’il rencontre et qui trouvent en lui la force d’une personnalité qui fait faire des pas en avant dans le concret de la vie”.

On a donc vu à l’oeuvre à la fois le “charisme personnel du pape” et “le service diplomatique” du Saint-Siège, au service d’une paix dont le monde a un “besoin extrême”.

La réforme de la curie

Pour ce qui est de la réforme de la curie, le P. Lombardi rappelle qu’elle a été demandée par les cardinaux avant le conclave de mars 2013.

Sa marche n’est pas “hâtive”, mais elle “progresse à un rythme régulier de réflexion et de consultations”: “le pape manifeste son désir d’élargir le consultation” pour que ce chemin soit “partagé”.

Pourtant, le P. Lombardi insiste sur le fait que la vraie réforme selon le pape François “part du coeur, de l’esprit”. Il cite son grand discours à la curie de décembre 2014 à ce propos: “Toute réforme est une réforme de conversion personnelle. Le Pape a alors invité à se confesser à la veille de la grande fête de Noël, en s’examinant en conscience et en profondeur. Il le disait aux personnes de la curie qui étaient présentes, mais toutes les personnes du monde qui appartienne à une institution, ont compris que ce discours pouvait très bien valoir pour elles aussi, de faç
on adaptée et analogue. Ce qui donc importe au Pape c’est que la réforme ne soit pas simplement une question de logistique, d’organisation, mais qu’elle soit avant tout un renouveau dans l’attitude, ce que l’Evangile demande continuellement à chacun”.

Le porte-parole du Saint-Siège souligne un autre “indice”  du “renouveau intérieur” que le pape attend: “l’importance que le pape accorde à la semaine de retraite d’entrée en carême pour laquelle il invite ses plus proches collaborateurs à sortir du Vatican, dans une maison pour retraites spirituelles, à Arricia pour “prier ensemble”.

La méthode du synode, “sans peur”

Le synode “est en chemin” fait observer le porte-parole du Saint-Siège qui fait une remarque sur la nouveauté de la méthode Bergoglio: “Je suis convaincu que ce renouveau du synode comme méthode de mise en route de la communauté de l’Eglise de façon plus ample – qui ensuite mûrit dans les rencontres avec les évêques – est l’un des aspects importants de la façon dont le Pape François voit son service de l’Eglise. C’est une tentative de vraiment faire vivre à l’Eglise l’expérience d’une communauté qui chemine ensemble, en écoutant ensemble la voix de l’Esprit qui l’accompagne sur son chemin, sans peur, en regardant avec une grande honnêteté les problèmes du monde qui nous entoure, les signes des temps et sans peur, justement, aller vers des terres nouvelles parce que l’humanité marche vers des terres nouvelles.”

Il faut, explique-t-il, “entendre ce que l’Esprit dit à l’Eglise, avec une solide foi dans le Christ, et un solide enracinement dans l’Evangile,  pour répondre adéquatement aux situations nouvelles qui se présentent”.

Le pape François a ainsi diagnostiqué la famille comme un thème crucial: “La famille est liée à la vie concrète de la majeur partie des personnes dans ce monde, et le fait de réfléchir à cette dimension vivante, à ces problèmes fondamentaux de la vie des personnes et de la société, à la lumière de l’Evangile, constitue aussi une grande contribution au bien de l’humanité, une façon pour l’Eglise de servir l’humanité d’aujourd’hui”, explique encore le P. Lombardi.

Les pauvres et la dignité humaine

Le porte-parole du Saint-Siège rappelle les raison du choix du nom de “François”: le pape «  a voulu s’appeler François parce que les pauvres étaient au centre de son attention, et nous savons que ce sont les « pauvres » dans un sens très large : ce sont toutes les personnes violées dans leur dignité, non seulement du point de vue économique, mas aussi du point de vue spirituel, de la pauvreté des rapports sociaux, et ainsi de suite ».

« En cela, ajoute-t-il, François manifeste une grande attention et il porte à l’attention de l’opinion publique de nombreux aspects significatifs pour la dignité de la personne : les problèmes des migrants, des réfugiés, les problèmes des nouveaux esclavages, le problèmes du trafic d’organes, et de personnes, les problèmes de la marginalisation des personnes âgées et des malades… On voit que toutes ces choses lui tiennent à cœur, et il les rappelle avec une grande spontanéité, par des gestes et par des paroles. »

Le P. Lombardi cite comme faisant partie de cette « attention aux pauvres » le thème des abus sexuels, « dans un contexte plus vaste et avec beaucoup de cohérence » : « Les mineurs « abusés » sont typiquement des personnes humaines violées dans leur dignité et dont il faut par conséquent s’occuper. Et le fait d’avoir lancé une nouvelle Commission pour la protection des mineurs, dans la perspective non pas tant tournée vers le passé, et les erreurs du passé – tout en faisant certainement trésor de l’expérience du passé – mais en regardant surtout les problèmes de la prévention et des abus, même en dehors de l’Eglise, dans el monde d’aujourd’hui est une grande intuition, et donc cela me semble un pas important de plus dans la continuité avec l’engagement du pape Benoît, mais en élargissant l’horizon et l’insérant dans cette lutte pour la vraie dignité des personnes. »

Le rapport aux media

Enfin, le P. Lombardi répond à une question sur le rapport du pape François aux media qu’il évalue comme « largement positif ». Il confie qu’il reçoit presque tous les jours des demandes d’interview de la part de media plutôt importants, du monde entier. Il y voit un « très grand désir, un très grand intérêt, parce que d’une certaine façon les media reflètent les attentes, les intérêts des gens » : « Pour moi, c’est un indice que les gens regardent vers le pape avec une grande attention, désirent une parole de lui, ils sont saisis par la crédibilité et par l’efficacité de son témoignage comme leader moral – religieux – pour le monde d’aujourd’hui, avec un grand désir de s’orienter, de personnes se trouvant dans des situations très disparates, dans différentes régions du monde. ».

Le P. Lombardi salue l’intérêt des media qui, dit-il, « peuvent avoir – doivent avoir – une fonction très positive dans le monde pour la formation de l’opinion publique, par l’information : ils doivent être aidés à trouver de bonnes causes, des nouvelles positives, les vrais préoccupations à présenter au monde d’aujourd’hui ».

« Le fait, explique-t-il, qu’ils se sentent stimulés et intéressés par une figure comme le pape François – qui certainement a au cœur de toutes ses attentions le bien de la personne humaine et le bien de l’humanité dans sa relation à Dieu et dans les relations avec toutes les personnes et la coexistence entre les peuples, est quelque chose de très beau. J’espère que cela dure, que cela continue. »

Il convient que parfois, des parties « un peu marginales du monde médiatique » sont frappées « par la liberté, l’originalité avec lesquelles le pape François aborde certaines situations, et en sont un peu désorientées, un peu confuses, et elles mettent en relief cet aspect ».

« Mais cela dépend du fait, suggère le P. Lombardi, que peut-être elles n’ont pas cette perspective positive du point de vue de la foi et du point de vue du regard vers l’avant, qui est importante pour comprendre et accompagner un pontificat comme celui de François. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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