Mgr Jacques Perrier

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Prière Eucharistique III : "Il est grand, le mystère de la foi"

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Dans cette 27e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (9e volet) : il médite sur l’anamnèse. 

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Après la double consécration, toutes les Prières eucharistique se poursuivent par « l’anamnèse », mot savant désignant la mémoire. C’est une acclamation adressée au Christ lui-même. Elle prolonge la brève adoration qui accompagne, d’habitude silencieusement, l’élévation du Pain et de la Coupe. Dans les paroles de l’Institution, le Christ parle à la première personne (« mon corps ») et, par-delà les disciples du Jeudi saint, s’adresse à l’assemblée (« pour vous »). L’anamnèse est la réponse de l’assemblée : c’est elle, maintenant, qui s’exprime à la première personne (« nous ») ; elle s’adresse directement au Christ (« Gloire à toi »).

Dans la version française, le dernier mot prononcé par le prêtre avant le récit de l’Institution était le mot « mystère » (voir la chronique 17). Maintenant, le prêtre précise que ce mystère est « le mystère de la foi ». Il invite, selon les formules, soit à reconnaître qu’il est « grand », soit à le « célébrer », soit encore à le « proclamer ».  

A toi, la gloire !

Les trois introductions ont des tonalités un peu différentes. Dire que le mystère est « grand » fait penser à l’épître aux Ephésiens : ses trois premiers chapitres rendent gloire à Dieu pour « l’insondable richesse du Christ » et « mettent en lumière la dispensation du Mystère ». Cette première partie de l’épître s’achève par une doxologie : « A Lui, la gloire, dans l’Eglise et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles – Amen ! » (3, 21).  Le Mystère est vraiment « grand » !

La deuxième formule (« quand nous mangeons ce pain et buvons à cette coupe…») est une citation presque littérale de saint Paul, juste après les paroles de l’Institution (1 Corinthiens 11, 26). « Célébrer » est un mot caractéristique de la prière liturgique, alors que la première introduction invitait plutôt à une profession de foi.

Quant à la troisième introduction (« Proclamez le mystère de la foi »), elle montre que, dans la vie de l’Eglise, la célébration eucharistique est « la source et le sommet » (Vatican II), mais qu’elle n’est pas une fin en soi : l’Eglise est envoyée pour annoncer, proclamer : transposé en français, le mot grec correspondant à la « proclamation » est « kérygme ». Le kérygme, c’est ce que proclame saint Pierre le matin de la Pentecôte : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié » (Actes 2, 16).

Mémoire, Présence et Avenir

Avec les mots du psaume 117-188, repris par la foule le jour des Rameaux, le Christ avait déjà été acclamé, à la fin de la préface : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » L’acclamation qui suit la consécration est différente. Elle se réfère aux événements du salut : la mort de Jésus-Christ, sa résurrection, sa venue dans la gloire ; le passé, le présent, l’avenir.  

Effectivement, les trois directions du temps se croisent dans l’Eucharistie et en oublier l’une ou l’autre, à plus forte raison en oublier deux, la vide de son sens.

Saint Paul, après les paroles de l’Institution, écrivait aux chrétiens de Corinthe : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Corinthiens 11, 26). Est-ce à dire que saint Paul oublie la Résurrection ? Evidemment, non. « Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort ? Que dis-je ? Ressuscité » (Romains 8, 34). « Seigneur » est le titre que Jésus-Christ reçoit « par sa résurrection des morts » (Romains 1, 4) .Comme reviendrait-il, d’ailleurs, s’il avait disparu à jamais ?  

Cependant, l’Eucharistie nous renvoie d’abord à la Croix. C’est la veille de sa Passion, quelle que soit la chronologie exacte, que Jésus donne à ses disciples ce signe d’une mort offerte pour eux et pour la multitude. Les évangiles racontent de nombreux repas. Mais celui-ci est tout-à-fait particulier. Ce n’est pas un repas d’adieux. C’est une annonce : le crime qui va se commettre sera votre salut. Oublier cette dimension de l’Eucharistie est ruineux.

Mais l’Eucharistie est aussi le Pain de la route, pour aujourd’hui. Ainsi, Elie avait été nourri quand il désespérait d’arriver jamais à la Montagne de Dieu. « Prends ma vie », demandait-il à Dieu (1 Rois 19, 4). Ainsi, le Peuple avait reçu la manne durant sa longue marche au désert : dans le Discours sur le Pain de vie (Jean 6), Jésus rappelle que ce pain quotidien n’a jamais fait défaut. A plus forte raison, par son Eucharistie, le Ressuscité accompagne-t-il son Peuple au long de l’Histoire. « Il est ressuscité des morts le troisième jour» (Credo) mais il est ressuscité aujourd’hui. L’Eucharistie est la forme suprême de sa promesse : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

L’Eucharistie est enfin une anticipation de l’avenir. Par le baptême, nous sommes entrés dans la vie éternelle. Mais ce germe a besoin de s’épanouir. Avec le Christ, dit saint Paul, nous sommes déjà ressuscités et assis dans les cieux (Ephésiens 2, 6). Mais, si la Mort n’a plus de pouvoir sur le Christ, elle en garde dans le monde. Nous attendons le Retour du Christ dans la gloire pour qu’éclate son triomphe sur son « dernier ennemi, la Mort » (1 Corinthiens 15, 26).

Dans Saint Jean, quand Jésus parle du Pain de vie, c’est à la fois au présent et dans la perspective de la résurrection finale : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6, 54). « Amen, viens, Seigneur Jésus ! », dit le Voyant de l’Apocalypse pour clore son livre, le dernier du Nouveau Testament (Apocalypse 22, 20). Ces mots sont repris, tels quels, dans la troisième formule d’anamnèse, précédés de la profession de foi de saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu », devenus dans la Prière eucharistique « Notre Sauveur et notre Dieu » (Jean 20, 28). 

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