Mgr Jacques Perrier

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Prière Eucharistique III : « Et maintenant, nous te supplions… » (1/2)

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Dans cette 34e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III, sur la supplication de l’Église pour le monde entier.

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« Et maintenant, nous te supplions… » (1/2)

La prière d’intercession évoque, successivement, en phrases brèves, le monde, l’Église, clercs et fidèles, l’assemblée et les enfants de Dieu « dispersés ». Viendront ensuite les défunts.

 

Pour le monde tout entier

Dans le dialogue qui introduit la Prière sur les offrandes, les fidèles avaient répondu au prêtre qu’ils étaient prêts à offrir le sacrifice de toute l’Église « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Le Sanctus et le début de la Prière eucharistique avaient invoqué le Seigneur, « Dieu de l’univers », lui qui « sanctifie toutes choses ». Il n‘est donc pas étonnant que le « salut » du monde soit, de nouveau, évoqué. Ce sont des mots chers à saint Jean : Dieu a envoyé son Fils « pour que le monde soit sauvé » (Jean 3, 17).

Incidemment, la première épître à Timothée (2, 4) nous assure que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». Juste avant, l’épître recommandait « qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible » (1 Timothée 2, 1-2). Le salut éternel des personnes et le bien-être de la cité temporelle ne sont donc pas totalement étrangers l’un à l’autre.      

Mais le « salut du monde entier » ne se limite, ni à l’horizon temporel, ni à la seule humanité. Le chapitre 8 de l’épître aux Romains associe toute la Création au salut final que nous espérons : elle « espère être libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Romains 8, 20-21).

Le gage de cette espérance nous est donné dans l’Eucharistie : en elle, le pain et le vin, « fruits de le terre, de la vigne, et du travail des hommes », servent de support à la présence réelle de Celui « en qui sont réconciliés tous les êtres, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » (Colossiens 1, 20). Le « salut » et la « paix » s’embrassent, comme, dans le psaume 85 (verset 11), la Justice et la Paix.

Dans la prière chrétienne, il ne faut jamais opposer l’immédiat et l’ultime, le physique et le plus spirituel. Le « pain » que nous demandons dans le Notre Père est aussi bien celui dont manquent tant d’affamés que le Pain de la Parole et de l’Eucharistie. De même pour le salut et la paix.

 

Pour l’Église pèlerine

De la prière pour le monde entier, nous passons à l’Église, « au long de son chemin sur la terre ». Pour elle, nous demandons qu’elle soit « affermie » dans la foi et la charité. Pourquoi pas dans l’espérance ? Parce que l’espérance est incluse dans le terme traduit par « chemin ». La Prière III, nettement marquée par le concile Vatican II, emploie un mot fréquemment utilisé par le concile quand il parle de l’Église : peregrinans, en pèlerinage. Il se trouve, en particulier, dans les quatre textes majeurs : L’Église, L’Église dans le monde de ce temps, La Révélation, La Liturgie.

Pour les Latins, un « pèlerin » est quelqu’un qui voyage à l’étranger. Il n’est pas dans son pays. Il est, en quelque sorte, en exil. C’est le statut du chrétien, tel que le décrit l’Épître à Diognète (IIe siècle ?) : « Les chrétiens  résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés… Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. » Saint Paul avait déjà dit : « Notre cité se trouve dans les cieux » (Philippiens 3, 20).

Quand le concile parle de l’Église en pèlerinage, il n’envisage pas la mission à travers l’espace, sur la surface du globe. Le texte qui a inspiré le concile est une phrase de saint Augustin dans la Cité de Dieu : « L’Église avance dans son pèlerinage, entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu. » 

Le chapitre 7 de la Constitution sur l’Église a pour titre : « Le caractère eschatologique de l’Église pérégrinante et son union avec l’Église du ciel ». Logiquement, le chapitre suivant de la Constitution est consacré à Marie. L’Église est en pèlerinage vers la cité céleste, vers le Royaume où Marie se trouve déjà. Selon une formule en vogue à l’époque du concile, le temps de l’Église est celui « du déjà là et du pas encore ».

Saint Paul dit que Dieu nous a fait asseoir avec le Christ dans les cieux (Ephésiens 2, 6). Mais il dit aussi que « demeurer dans ce corps, c’est vivre en exil (la traduction latine dit : ‘pérégriner’) loin du Seigneur ». Le verset suivant éclaire la Prière eucharistique : « Car nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision » (2 Corinthiens 5, 6-7).

Pour son pèlerinage, l’Église doit être affermie dans la foi et dans la charité. Dans la foi, parce que celle-ci « est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (Hébreux 11, 1). La charité, parce que celle-ci est déjà l’éternité. Elle « ne passe jamais » (1 Corinthiens 13, 8).

Le pèlerinage vers un sanctuaire est un beau symbole de l’existence chrétienne comme de toute l’Église. Le pèlerin porte déjà en lui le lieu vers lequel il se dirige : une grâce l’y attend. Mais, pour l’instant, il faut marcher.

Clercs et fidèles

Comme pour le « salut et la paix » du monde, regarder loin n’empêche pas de regarder aussi l’immédiat. C’est pourquoi nous prions pour le pape, successeur de celui à qui le Christ a dit « sur cette pierre, je bâtirai mon Église », « pais mes brebis » : il est le garant de la catholicité. Nous prions pour l’évêque, pasteur de l’Église locale en laquelle prend corps l’Église universelle. Tout sacrement est célébré en communion avec l’évêque du lieu : à plus forte raison, l’Eucharistie, sacrement du Corps du Christ.

Pour éviter l’esprit de chapelle, la Prière III évoque « l’ensemble des évêques » qui, unis au pape, ont en charge, collégialement, l’évangélisation du monde.

Le mot « clergé » n’ayant pas bonne presse dans la langue française de notre époque, la traduction a préféré parler des prêtres et des diacres qui, mariés ou non, sont des « clercs » par leur ordination. Pour marquer le lien entre l’évêque et ses prêtres, un usage ancien voulait qu’un fragment du pain consacré par l’évêque soit porté aux divers lieux où célébraient les prêtres, qui agissent au nom de l’évêque là où celui-ci ne peut se trouver.

Quant aux diacres, s’ils ne président pas l’Eucharistie, leur ministère est aussi eucharistique, dans la préparation et dans la distribution.      

Les fidèles sont mentionnés ensuite, de trois manières différentes : nous prendrons le temps d’écouter ce que dit la Prière III.

(à suivre)

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Jacques Perrier

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