Pourquoi Mgr Rey fait confiance à une « web-TV » pour l’évangélisation

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ROME, Mardi 14 février 2006 (ZENIT.org) – Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon depuis bientôt six ans, lance sur son diocèse une expérience de « Web-TV », grâce à la communauté brésilienne « Canção Nova » (« Chant nouveau »). On peut se rendre sur le site en français de « Canção Nova » le 24 février, pour un forum, à l’adresse : http://www.webtvcn.com/fr.

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Il a confié à France Catholique (http://www.France-catholique.fr) pourquoi, conscient de la chance que constitue pour l’évangélisation la « web-TV », il a fait confiance à Canção Nova.

FC – Mgr Rey, la mission est votre préoccupation majeure. Comment la définissez-vous ?

Mgr Rey – La mission est l’œuvre du Christ qui se poursuit dans l’Eglise. Cette mission, il l’a entreprise en nous annonçant son message d’espérance, de foi et d’amour, il y a 2000 ans. L’Église le reçoit comme un don et aussi comme sa raison d’être. Sa vocation est de prolonger ce message à travers l’histoire. Par appel de Dieu, nous sommes nous-mêmes les débiteurs de ce don. Nous sommes appelés à nous inscrire dans cette annonce, dans cette proposition de la foi. La mission est vraiment constitutive de la vie de l’Eglise, comme elle est constitutive de ma vocation de prêtre, d’évêque et de la vie de tout chrétien. En tant qu’évêque, je suis placé aux avant-postes de cette mission qui embrasse toutes les composantes de la vie d’une Église diocésaine. La charge m’est plus particulièrement confiée d’en assurer la coordination.

FC – Quelles sont, selon vous, les principales entraves à cette mission ?

Mgr Rey – La première entrave, c’est nous-mêmes. Nous avons des difficultés à nous laisser saisir par cette annonce, à la recevoir totalement. Il y a des résistances qui, certes, sont liées à l’environnement, à la culture, à la sécularisation, aux pertes de repères, au pluralisme dans lequel notre société se trouve placée.

Mais plus fondamentalement encore, c’est la manière dont on reçoit l’Évangile et dont on vit de lui qui peut constituer un obstacle à la mission. Puisque nous sommes tous des témoins et d’authentiques ambassadeurs, la mission commence avec nous et donc par nous.

FC – Depuis un an, vous accueillez une communauté brésilienne, Canção Nova. Cette communauté est tournée vers l’évangélisation par les médias et particulièrement le « net ». Qu’attendez-vous d’elle ?

Mgr Rey – Nous savons la place considérable des moyens de communication aujourd’hui, que ce soit la radio, la télévision, l’Internet. Utiliser ces médias comme ressort d’évangélisation, c’est être précisément aux avant-postes de l’évangélisation. J’estime que nous avons besoin de nous appuyer sur une expérience, un savoir-faire, et c’est la raison pour laquelle j’accueille cette communauté – dont j’ai découvert la fécondité au Brésil – comme un moyen de nous faire entrer davantage dans la dimension médiatique de la nouvelle évangélisation.

FC – L’évangélisation par la « web-TV » ne risque-t-elle pas de se perdre dans un monde qui n’est déjà que trop fait d’images et de bruit ?

Mgr Rey – Quand on regarde d’un peu près l’Évangile, on voit que Jésus a été un formidable communicant. Il a utilisé des paroles, des silences, des interpellations, des questions. Il a renvoyé des gens à eux-mêmes, à des prises de conscience. Il a parlé dans le Temple de Jérusalem, dans les synagogues, sur les places publiques. Il est même monté dans une barque de manière à être vu de tout le monde. De plus, si on suit la manière dont l’Évangile s’est diffusé à travers l’histoire, on constate qu’un certain nombre de fondateurs et de saints ont été les propagateurs de la foi en utilisant les ressources médiatiques de leur temps. Je pense naturellement à Maximilien Kolbe qui avait lancé des éditions pour faire connaître le message de la Vierge Marie.

La question aujourd’hui est la suivante : comment utiliser ces moyens modernes de communication de telle manière que la profondeur du message évangélique soit transmise sans être altérée ou instrumentalisée ?

Nous n’avons pas à entrer dans une logique prosélyte ou de manipulation. Le média est là pour servir de point d’appui, mais il laisse la personne libre et responsable de son choix, de sa position par rapport au Christ. Il y a une manière chrétienne d’utiliser les médias.

FC – Comment le charisme de Canção Nova va-t-il s’inscrire dans le paysage médiatique catholique français ?

Mgr Rey – Ce qui me paraît le plus intéressant dans cette démarche, c’est qu’elle est portée par une communauté. Canção Nova, ce sont des personnes qui prient, qui se sont engagées à fond dans une expérience de vie fraternelle.

Mais je suis aussi très sensible au fait que ses membres disposent d’un formidable savoir-faire, rodé depuis des années, avec un réseau international.

D’autre part, Canção Nova donne une place très importante à l’expression artistique et musicale. On sait que ce dernier domaine touche tout particulièrement la sensibilité de nos contemporains, notamment des plus jeunes.

Enfin et surtout, Canção Nova a choisi un créneau qui est très particulier : l’évangélisation par internet, la « Web-TV ». C’est complètement nouveau dans l’univers « cathodique catholique » ! Ce n’est pas la création d’une nouvelle chaîne de télé, c’est simplement l’usage d’internet pour transmettre des images et un message. Il y a là, plus que probablement, un bel avenir.

Ce sont vraiment ces approches et cette originalité qui m’ont intéressé dans ce projet. J’ai été convaincu qu’il ne fera concurrence à aucun autre moyen de présence sur les chaînes et différents canaux de télévision.

FC – Je me suis fait raconter par un ami, qui le tenait de Brésiliens, certaines raisons du succès de la télévision de Canção Nova de l’autre côté de l’Atlantique : il y aurait un aspect « réality show ». Des évangélisateurs iraient faire du porte à porte presque caméra à l’épaule. On risque de voir à l’écran sa voisine – ou quelqu’un qui lui ressemble fort – répondre plus ou moins habilement. Les débats ne sont pas censurés. Le spectateur s’enthousiasme ou se moque… De même les prêches du Père Jonas, accumulant les images rhétoriques, font rire ou pleurer, et prennent parfois des allures incantatoires… Quand il ne parle plus, il chante ! Et cela répond parfaitement et sciemment à ce que font les télé-évangélistes nord-américains ou même des chaînes purement commerciales, avec leurs feuilletons interminables, leurs débats passionnés qui nous feraient dormir dans notre canapé, alors que beaucoup de Brésiliens ont pris l’habitude de consommer sans modération ce genre de télévision qui ne s’arrête jamais… Mais, dans la Vieille Europe, nous ne connaissons pas vraiment cette télévision ultra-populaire, cette « magie du verbe ». Comment cela pourrait-il prendre en France ?

Mgr Rey – D’abord, je rappelle que nos amis brésiliens ne viennent pas implanter leur télévision brésilienne en France, mais développer ici un nouveau média : la « Web-TV ». Ils ne cherchent pas à communiquer des émotions à des « masses populaires » plus ou moins en communion devant leur petit écran, mais ils vont s’adresser à des surfeurs du net qui sont aussi des zappeurs très individualistes… Cela exige une approche très fine, opiniâtre, lente sans doute.

Ensuite, ils sont conscients du décalage des cultures. Ils savent qu’ils auront non seulement à « parler français », mais à « penser français ». Pour les aider dans cette initiation, ils peuvent compter avec des collaborations, sérieuses et enthousiastes, sur place.

En France, les nouvelles réalités ecclésiales ont déjà réussi à acclimater biens des méthodes d’évangélisation plus conviviales, et qui étaient venues de l’extérieur. Pourquoi pas Canção Nova ?

FC – Comment se passe d’ores et déjà la cohabitat
ion de Canção Nova avec toutes les autres communautés que vous avez accueillies dans votre diocèse ?

Mgr Rey – Ils sont cinq, jeunes, sympathiques, intelligents, pleins de foi mais aussi de modestie et de curiosité sur notre pays… Dans un proche avenir, il y a pour eux des projets d’installation logistique. Il est prévu que d’autres missionnaires brésiliens puissent venir… Qui pourrait s’en plaindre ?

Nous avons beaucoup d’expériences et d’initiatives en cours, mais c’est une grande joie d’accueillir d’autres dons. L’évangélisation aujourd’hui a besoin de tous ces charismes, et chaque expérience communautaire est comme une petite fleur dans notre jardin diocésain qui se compose et s’enrichit de chacun de ces apports. Il s’agit d’abord de discerner la manière dont chacune de ces communautés peut s’inscrire dans ce paysage. Il s’agit ensuite d’apporter des accompagnements pour que ce ne soit pas une nature sauvage et que tout prenne sens et cohérence. C’est le rôle de l’évêque, mais aussi celui des prêtres qui ont reçu mission, auprès de leurs communautés, d’accueillir ces charismes, de les accompagner et de les réguler. Nous devons approfondir notre sens du mystère de l’Eglise, en fonction de ce que chacun a pu recevoir comme don particulier.

Le défi c’est donc de s’assurer que chacun va recevoir aussi quelque chose de l’autre, en s’inscrivant dans une orientation commune, avec le désir commun de vivre la mission. Cela requiert de notre part une attention toute pastorale, une vigilance, une sollicitude et, en même temps, une capacité de marcher ensemble pour le service de l’Église et de sa mission.

Dans un contexte de raréfaction des vocations, je suis de plus en plus convaincu que cette expérience multiforme peut devenir un témoignage à transmettre ailleurs.

FC – Quels signes missionnaires souhaitez-vous transmettre au-delà de votre diocèse à travers toutes ces initiatives ?

Mgr Rey – En raison de son histoire et aussi de la réalité qui le compose (en quelque vingt-cinq ans, le nombre de ses habitants a été multiplié par deux), le diocèse de Fréjus-Toulon est habitué à s’ouvrir, à voir d’autres réalités nationales ou internationales. C’est vrai aussi dans le domaine de l’Église. 70% des prêtres de mon diocèse ne sont pas originaires du Var ! Nous avons un nombre important de prêtres liés à d’autres continents, ou à des communautés très diverses, classiques ou nouvelles.

Le diocèse du Var développe ainsi sa mission de manière originale et singulière en accueillant tous les charismes. Nous n’avons pas la prétention d’être une voie d’excellence mais simplement d’aller sans complexe dans une dynamique qui est celle de l’accueil, seule possible dans un contexte de brassage de populations et de mondialisation. La modicité de nos ressources nous invite d’ailleurs à continuer dans cette voie.

FC – Quelles sont vos espérances de pasteur ?

Mgr Rey – Tout simplement d’aller jusqu’au bout de l’appel de Dieu, d’être fidèle au don que Dieu nous donne, de ne pas nous arrêter en chemin, ni regarder en arrière afin d’entraîner le maximum de chrétiens dans un nouvel élan missionnaire.

© France Catholique
http://www.France-catholique.com

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ZENIT Staff

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