Pourquoi l’examen du Suaire au « carbone 14 » est remis en question

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Interrogations sur la technique, le prélèvement et les résultats

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ROME, Lundi 3 mai 2010 (ZENIT.org) – La question de la datation du tissu du linceul de Turin « est actuellement totalement ouverte », car, « du fait des possibles contaminations chimiques et biologiques survenues au cours des siècles – contaminations à vérifier et surtout à évaluer quantitativement – la « date radiocarbonique » obtenue en 1988 pourrait être notablement différente de la date réelle », explique le site officiel du Saint-Suaire

Les mises en cause de cette datation viennent de ces contaminations mais aussi d’autres failles dans la rigueur scientifique de l’examen. Rappelons aussi que d’autres disciplines de datation à la fois anciennes (type de tissu, type de tissage, de filage, par exemple) doivent également être prises en compte et que d’autres techniques modernes peuvent être utilisées (luminescence à l’infrarouge, mesure du degré de dépolymérisation de la cellulose, entre autres). 

L’examen au carbone 14 de 1988, effectué par trois laboratoires de Tucson, d’Oxford et de Zurich, a avancé une date entre 1260 et 1390. Or, on constate à la fois le manque de prise en considération de paramètres qui pipent les résultats, et d’autre part, des incohérences dans le prélèvement et dans les résultats publiés. 

Des paramètres « pipant » les résultats

Le fondateur de la méthode de datation au carbone 14, Willard Frank Libby, nobel de chimie en 1960, recommande avant l’application de sa méthode de prendre en compte l’origine et l’histoire d’un objet pour diagnostiquer les contaminations possibles et intégrer ces paramètres aux résultats de l’analyse. 

La formation de l’image

Or, il faudrait savoir la façon dont s’est formé l’image pour dater le suaire. On constate une « déshydratation et oxydation » du lin, peut-être dues à un rayonnement de type ultra-violet comme le suggèrent les travaux de l’ENEA (Organsme pour les nouvelles technologies, l’énergie et l’environnement, « Ente per le Nuove tecnologie, l’Energia e l’Ambiente ») de Frascati, près de Rome. Un rayonnement qui, interférant avec la myrrhe et l’aloès, peut avoir altéré la teneur en carbone 14. 

Un chercheur français Jean-Baptiste Rinaudon, expert en médecine nucléaire à Montpellier, a fait remarquer lui aussi que lors de la formation de l’image sur le tissu les réactions atomiques auraient pu provoquer l’enrichissement du tissu en C 14. 

L’histoire du linceul

Plusieurs types de composantes relevées sur le suaire, et dues à son histoire, auraient dû être pris en considération : des éléments dus à l’environnement et des éléments dus au contact avec le corps du supplicié: 

1 – L’eau utilisée en 1532 pour éteindre l’incendie de la chapelle du château de Chambéry où le suaire était conservé. 

2 – Le reliquaire qui le conservait était en argent, ce qui a dû provoquer des réactions chimiques sous l’effet du feu : c’est ce que soulignent le chimiste russe – et baptiste – Dimitri A. Kouznetsov et Andreï Ivanov à Moscou, car le feu a fondu le reliquaire et des gouttes de métal sont tombées sur le tissu, provoquant une série de trous symétriques (la symétrie étant due au fait que le linceul était conservé plié) et de brûlures. 

3 – Les poussières, accumulées au cours de sa fabrication et de son histoire, y compris des résidus de cire. 

4 – Les micro-organismes, essentiellement des micro champignons, et des bactéries : leur présence « rajeunit » le tissu, a fait observer le microbiologiste américain Leoncio Garza-Valdès, mais aussi les spores et les pollens découverts et étudiés par le biologiste suisse Max Frei Sulzer sur des échantillons prélevés en 1973 et 1978 (plus de 50 plantes d’Europe, de Palestine et d’Anatolie) et par les israéliens Avinoam Danin et Uri Baruch qui ont découvert des traces de plantes originaires de la région de Jérusalem. Le savant américain Harry Gove, qui a effectué la datation, avoue lui-même que la « patine » due aux champignons et aux bactéries peut avoir « altéré » la datation.  

5 – Des éléments venus du contact du suaire avec le corps du supplicié avant les onctions (sang – sang humain, groupe AB, identifié en 1981 par Pierluigi Baima Bollone et les américains John H. Heller et Alan D. Adler -, sérum, cellules épithéliales) et les traces d’onctions de myrrhe et d’aloès 

Ces paramètres n’ayant pas été pris en considération, ils constituent un première source de contestation de la rigueur scientifique de cette méthode. 

Le prélèvement de l’échantillon

Des incohérences se manifestent aussi dans la méthode de prélèvement et dans les résultats. Le site officiel du Suaire signale une méthode de prélèvement et des échantillons qui suscitent la perplexité des autres experts. Résumons les indices rendant les interrogations légitimes.  

Premier indice : Les responsables des trois laboratoires et le Dr Tite, du British Museum, nommé « garant » de l’ensemble de l’opération, ont exigé « d’exclure tout autre examen et tout autre chercheur, en refusant catégoriquement d’insérer la datation au carbone 14 dans un contexte multidisciplinaire d’études et d’examens à effectuer simultanément », comme d’autres experts le souhaitaient. 

Deuxième indice : Le prélèvement de l’échantillon a été fait sur un site unique (donc non représentatif de l’ensemble) et parmi les plus « pollués » et donc parmi les moins appropriés.  

Troisième indice : L’échantillon a ensuite divisé en trois parties à remettre aux trois laboratoires, mais ceux-ci ont donné des versions contradictoires à propos du poids et de la taille des échantillons.  

Quatrième indice : Sur la base des données officiellement communiquées, il ressort que l’échantillon prélevé pesait environ le double de ce qu’il aurait dû, si l’on se fonde sur le poids au centimètre carré du Suaire, calculé avec précision à l’occasion des examens de 1978 (donc, ou bien on a fourni des données erronées, ou bien ces données ne se référaient pas à l’échantillon du Suaire). 

Cinquième indice : Le test ne s’est pas fait « en aveugle » ! Or, les trois laboratoires avaient insisté sur la nécessité, pour garantir l’impartialité, d’exécuter le test « en aveugle » (c’est-à-dire en datant, en même temps que l’échantillon du Suaire, deux autres échantillons préalablement introduits dans des conteneurs anonymes, de manière à empêcher que l’on identifie lequel des trois était l’échantillon du Suaire). Or, eux-mêmes ne s’en sont pas tenu à cette exigence. D’une part le tissu du Suaire est parfaitement reconnaissable, d’autre part, les analystes ont voulu assister personnellement au prélèvement (ils l’ont vu de près !) . Enfin, l’âge des autres échantillons a été communiqué aux trois laboratoires avant l’opération de datation ! 

Sixième indice : Les résultats fournis par chacun des trois laboratoires présentent une non négligeable « dishomogénéité », problème qu’il n’a pas été possible de discuter et d’approfondir en raison du refus, de la part des responsables des laboratoires, de fournir les « données primaires » –   c’est-à-dire non encore interprétées et comparées – en leur possession. 

Les contestataires des résultats

Les principales contestations sont venues d’un ingénieur italien de Milan, Ernesto Brunati, qui a trouvé, dans la relation des résultats du carbone 14 publiée dans la revue a
méricaine « Nature » (16 février1989) une donnée fausse. Et une étude de l’université de La Sapienza de Rome, menée par les statisticiens italiens Livia De Giovanni et Pierluigi Conti a démontré l’existence d’une erreur de calcul qui rendait non fiable le résultat des examens. 

Les travaux d’un groupe de 4 statisticiens publié en avril 2010 par l’institut italien de statistique remet aussi en question la cohérence des résultats. 

Giulio Fanti, professeur de Mesures mécaniques et thermiques de l’université de Padoue, Marco Riani, de l’université de Parme, Fabio Crosilla, de l’université de Udine et Anthony C. Atkinson, de la London School of Economics, ont en effet examiné statistiquement les 12 datations produites par les 3 laboratoires. 

C’est cette étude qui montre que les échantillons ne peuvent pas venir d’une même source. Or, si les résultats publiés semblent être issus de tissus différents, c’est soit en vertu d’une erreur (on aurait prélevé non pas un échantillon du Suaire mais un échantillon de l’étoffe du rapiéçage de 1534), soit parce que les échantillons prélevés ont subi une contamination non uniforme. Dans les 2 cas, les résultats ne peuvent pas être considérés comme « concluants », estiment les auteurs. 

Refaire des examens

Ces différences, sur l’échantillon de 10 mm x 7 mm, appliquées statistiquement à toute la longueur du linceul de Turin conduisent à cette conclusion : trop de différences et donc, l’examen aurait dû être refait. 

Emanuela Marinelli, professeur en sciences naturelles et géologiques, membre du Centre romain de sindonologie, organisatrice du congrès mondial Sindone 2000, auteur de livres, conclut : l’échantillon a été prélevé sur un angle « contaminé et raccommodé ». 

Un expert d’Oxford, Christopher Bronk Ramsey reconnaît le « conflit » entre les données et invite à « un regard critique sur les preuves ». Il réclame même qu’on produise une « histoire cohérente » pour arriver « à la vérité ». 

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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