Pour une « réconciliation de l’identité », par Mgr Sanchez Sorondo

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Congrès sur « L’identité changeante de l’individu »

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ROME, Mercredi 13 février 2008 (ZENIT.org) – « La condition pour une réconciliation de l’identité » a été le sujet de l’intervention de Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, Chancelier, Académies pontificales des Sciences et des Sciences sociales, lors d’un congrès dont Benoît XVI a reçu les participants en janvier.

On se souvient que Benoît XVI a reçu, lundi 28 janvier, au Vatican, les participants d’un congrès qui s’est tenu les 24 et 25 janvier 2008 à la Fondation Simone et Cino del Duca de l’Institut de France dans le cadre de la Conférence inter académique sur « L’identité changeante de l’individu » (cf. Zenit du 28 janvier 2008).

Toutes les interventions seront publiées chez un éditeur français (sous format papier) dans les mois à venir (mars-avril).

Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, Chancelier, Académies pontificales des Sciences et des Sciences sociales, a pour sa part traité de « La condition pour une réconciliation de l’identité ».

« Une pluralité de points de vue est nécessaire pour comprendre l’identité changeante de l’individu, qui pourrait être synthétisée principalement sous deux aspects : l’objectif naturaliste qui vient des sciences naturelles d’une part et celui de la connaissance de soi-même de type Héraclitien Socratique d’autre part, qui relève de la réflexion humaniste et a son ultime base en philosophie », annonçait Mgr Sanchez Sorondo.

« Il n’y a pas eu de problème majeur tant qu’une frontière n’a pas été tracée entre une nature comprise comme animée et voisine de l’âme, et une âme elle-même marqué de finalité : c’est l’époque de la physique aristotélicienne et des anthropologies naturelles comme celle de la De Anima d’Aristote », faisait-il observer.

Mais, ajoutait-il, « ;e problème est devenu aigu dès lors que la nature a fait l’objet d’une science fondée sur la seule observation, le calcul mathématique et l’expérimentation. C’est le sens de la révolution galiléenne et newtonienne comme l’appelle Kant ».

Une « interface »

Pourtant, « la connaissance de l’identité changeante de l’individu ne se joue pas sur un seul plan, celui de l’observation, de l’explication, et de l’expérimentation ; elle se déploie à l’interface de l’observation naturelle et de la compréhension réflexive de type socratique. L’homme est à la fois un être observable, comme tout être de la nature dont il est une partie, et un être qui s’interprète lui-même (Self-interpreting being, pour parler comme Charles Taylor ; être herméneutique pour parler comme P. Ricœur). »

L’auteur citait l’encyclique de Jean-Paul II « Fides et Ratio » qui affirme : « Il ne faut pas considérer la métaphysique comme un substitut de l’anthropologie, car c’est précisément la métaphysique qui permet de fonder le concept de la dignité de la personne en raison de sa condition spirituelle. En particulier, c’est par excellence la personne même qui atteint l’être et, par conséquent, mène une réflexion métaphysique ».

« Cette affirmation des différents niveaux objectifs de l’épistémologie et de la conscience que nous avons de nous-mêmes, pourrait offrir une réponse de réconciliation et de pacification à la question posée par le statut de l’identité changeante de l’individu humain dans le champ du savoir, si l’idéologie positiviste ne prétendait abolir la frontière entre les sciences de la nature et les sciences de l’homme et annexer les secondes aux premières », faisait observer Mgr Sanchez Sorondo.

Le début et la fin de la vie humaine

Il regrettait que la philosophie contemporaine ait « répondu à ce défi par la simple juxtaposition d’une phénoménologie concrète de l’homme, sans souci d’articuler son discours sur le mode d’être au monde de cet être agissant, souffrant et changeant, au discours scientifique ».

Après avoir désigné les « lieux conflictuels pour l’identification de l’identité de l’individu » (cf. texte intégral ci-dessous), l’auteur observe que « nous n’avons pas d’accès direct à l’origine radicale de l’être que nous sommes, c’est-à-dire que nous n’avons pas une espèce d’auto transparence sur nous-mêmes et sur notre être et à partir de celui-ci sur tout ce que nous faisons. Notre mode d’être et notre être même attestent leur existence dans l’exercice concret et actuel de notre vie ».Il abordait ensuite les questions qui se posent aux sciences biologiques.

Il faisait notamment observer que « chez l’homme il ne s’agit pas que la cellule embryonnaire soit une sorte de mini-homme, comme dans l’antiquité le jugeait Hippocrate (c.460-c.377 a.c.), le père de la médecine occidentale, mais que ce génome soit une esquisse de développement, un « programme » qui contient les informations qui font que, progressivement, le même sujet s’organise de telle façon qu’il donne origine, l’un après l’autre, aux différents organes qui constitueront l’individu complet déjà présent au moment de la naissance ».

Le discours du biologiste et celui du philosophe 

Pour ce qui est de la question « du rapport entre le discours du biologiste et celui du philosophe », il notait que « le biologiste et le philosophe peuvent se mettre d’accord pour appeler l’embryon avec son code génétique, le « cela totipotent , sans lequel nous n’aurions pas de vie, de durée ni d’identité ». »

Or, notait l’auteur, « quelque chose de similaire arrive à l’autre extrémité de la vie », « au moment du passage à la mort » : « Le médecin qui autrefois considérait l’arrêt cardiaque définitif comme signe de décès biologique, considère aujourd’hui l’arrêt de la fonction cérébrale (électroencéphalogramme linéaire) comme un fait irréversible dans la vie d’un être humain. Le cerveau ne donne plus signe de vie, puis n’effectue plus les opérations qui peuvent être vérifiées, ni la coordination des autres systèmes vitaux. Le philosophe réaliste parle d’état de décès dans la mesure où le corps n’étant plus capable de recevoir la vie de l’âme, cette dernière est séparée du corps, de sorte que ce corps, n’étant plus informé par l’âme, ne s’appelle plus corps mais cadavre ou équivoquement corps ».

« Le neurologue déclare ainsi le décès cérébral comme fait irréversible de la vie de l’être humain, le philosophe et le spécialiste en théologie déclarent tous les deux le décès biologique de la personne comme la séparation de l’âme du corps. Les deux approches s’accordent à dire qu’il y a un état de décès du corps dans lequel les organes peuvent continuer à avoir un certain type d’activité ».

L’identité humaine, pas sur le seul plan physique, biologique et sensitif

Il faisait ensuite observer que « c’est seulement avec le Christianisme qui attribue à l’homme la liberté effective de choisir sa dernière fin, lui reconnaissant ainsi la pleine responsabilité de ses actions, que le concept d’identité personnelle acquiert sa dernière exigence existentielle, c’est-à-dire la domination de l’être spirituel sur ses actes, ce que Ricœur, dans la tradition existentialiste Kierkegaardienne, appelle l’existence authentique ».

Car, « seul le message du Christ a introduit dans le monde cette notion de liberté universelle et radicale, dans le sens de noyau originaire de la dignité de l’homme, capable de donner une identité authentique à l’existence individuelle parce que : « l’individu comme tel a une valeur infinie, en tant qu’il est objet et but de l’amour de Dieu, qu’il est destiné à avoir avec Dieu en tant qu’esprit son Rapport absolu, à voir cet esprit habiter en lui, c’est-à-dire que l’homme est destiné en soi à la plus haute liberté ». »

Ainsi, « l’identité humaine ne se joue pas sur le seul plan physique, biologique et sensitif, mais p
ar l’activité de penser et la libre volonté, du caractère, de l’habitude et de la fidélité à soi-même et à son propre choix, l’être humain est capable de se donner cette identité existentielle qui authentifie sa propre vie ».

Il conclut que « intelligent et libre, l’être humain libère son identité dans l’ordre moral, c’est-à-dire émerge des forces de la nature et des instincts des animaux, et c’est ainsi qu’en tant que sujet spirituel il a « l’aptitude à recevoir la grâce » et c’est la dernière émergence de l’être humain comme esprit. Ainsi « lorsqu’il l’a reçue, il est rendu fort pour poser les actes requis ». »

L’individualité, synthèse de l’aspect statique et dynamique

« On peut ainsi distinguer deux moments dans la structure de « l’identité changeante de l’individu » : l’un, initial, est constitué par la nature biologique et rationnelle de l’être humain ; l’autre final, regarde et exprime l’exercice de l’intelligence et de la liberté en acte comme structure opératrice de fin et moyens, donc comme unification et coordination de valeurs dans la construction de la vie propre », conclut l’auteur.

Mgr Sanchez Sorondo cite Saint Augustin qui dit avec Saint Paul que « le premier moment est donné comme création d’un être nécessaire à l’image de Dieu sans médiation de la liberté, le deuxième comme recréation dans l’être de la grâce où intervient la liberté : « Celui qui t’a créé sans toi, ne te justifiera pas sans toi. Il t’a créé sans ta connaissance, mais il ne te justifie pas sans ta volonté ». »

« L’individualité est pour cela la synthèse de l’aspect statique et dynamique considérée dans la tâche de la construction de la vie elle-même selon l’obtention de la fin choisie. Les changements et les différences d’état auxquels nous avons fait allusion n’effacent pas l’identité, mais celle-ci est affirmée et se réalise en elle-même y compris à travers, contre et sur eux-mêmes », a conclu Mgr Sanchez Sorondo.

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ZENIT Staff

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