Pour rendre au hasard ce qui est au hasard…

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15e épisode

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Résumé : Nous avons compris que  ce n’est ni l’œuf, ni la poule, qui est premier, mais le message génétique. C’est lui qui contient toutes les instructions pour construire l’œuf et la poule. Depuis cette découverte, la question d’une intelligence organisatrice a cessé d’être irrationnelle.

Ne disons pas trop vite que le « hasard » n’existe pas. On voit bien qu’il y a du « hasard  » dans ce monde, puisque, tout n’est pas sous le contrôle d’un ou plusieurs dieux qui manipuleraient  tout comme des marionnettes. Donc, il y a ce qu’on appelle du « hasard », autrement dit : des évènements soumis aux seules lois des probabilités, non programmés par une intelligence organisatrice : tel accident, telle rencontre…

Mais la question est : le « hasard » seul, est-il capable de créer des structures hautement improbables comme des êtres vivants (libellule, pamplemousse, zèbre, être humain). C’est LA grande question. Car il faudrait que ce « hasard », sourd muet aveugle et sans intelligence par définition(1), ait réussi à inventer tout seul deux alphabets, deux langages et un traducteur entre les deux… Et qu’il ait été capable, seul, de rédiger des instructions cohérentes, capables à leur tour de créer des êtres de plus en plus complexes au cours du temps et de leur donner vie, bien entendu.
Donc, la question se discute. Elle n’est plus du tout « absurde » ni « religieuse » ni « irrationnelle » … Au contraire, cette question devient de plus en plus rationnelle, plus nous découvrons la complexité des êtres vivants, ce que Pasteur et Darwin ne pouvaient pas encore savoir à leur époque : 100 ans avant le découverte de l’ADN !
Lors d’une de mes conférences devant des jeunes de Terminale, leur professeur m’interpelle de façon inattendue : « Monsieur c’est bien joli de critiquer le hasard, mais vous n’avez même pas cité l’expérience de Miller ! »…
-Eh bien Monsieur, parlons-en, puisque vous me le demandez. N’hésitez pas à intervenir si je me trompe… Stan Miller pensait qu’en reconstituant les conditions de la planète Terre telles qu’elles se présentaient à l’époque du commencement de la vie (il y a environ 3,5 milliards d’années), il serait possible de montrer que l’apparition de la vie est assurément un phénomène tout à fait naturel. Il mit dans des ballons les gaz qui devaient sans doute composer l’atmosphère de cette Terre primitive reconstituée artificiellement. (2) L’expérience eut lieu à l’université de Chicago, et Miller et Urey obtinrent quelques résultats. Les années suivantes, Miller espérait trouver mieux, mais il obtint approximativement les mêmes résultats.
C’était en 1953, et il semble que depuis, on n’ait guère enregistré de progrès… C’est sans doute la raison pour laquelle on ne parle plus tellement de cette expérience. Et le professeur des Terminales n’a pas insisté.

Mais il peut arriver qu’on en entende parler sous forme de rumeurs invraisemblables : comme si Miller avait réussi à créer de la vie !… Ou comme s’il avait obtenu pratiquement toutes les lettres de l’alphabet des acides aminées, alors qu’il n’en a obtenu au mieux que 13 sur 22, semble-t-il … Ainsi que des sucres, des lipides, et quelques composants des acides nucléiques, mais pas d’acides nucléiques entiers (ADN ou ARN).
Cette vie dont on nous dit qu’elle a émergé « par hasard », toute seule, nos meilleurs scientifiques essaient de la faire émerger, et en y mettant beaucoup d’intelligence (le contraire du hasard), ils n’y arrivent pas. Ils ont beau connaître tous les atomes qui constituent le moindre organisme composé d’une seule cellule, ils ont beau rassembler tous ces atomes et essayer de leur donner vie, ils n’obtiennent qu’un agglomérat d’atomes mais toujours pas de vie… Et s’ils réussissaient à en obtenir un jour, ce sera sans doute grâce à leur génie, et non grâce à l’absence d’intelligence qu’on a coutume de nommer « hasard » (3).

Cette expérience de Miller, était sans aucun doute une bonne idée, mais réfléchissons un peu. Supposons que Miller et Urey aient réussi à obtenir spontanément toutes les molécules nécessaires aux deux langages (ADN et protéines) cela ne ferait que repousser la question d’une intelligence créatrice. Car cela nous apprendrait juste que des lois de la nature dirigent la fabrication de ces molécules et leur organisation. De même que des lois identifiées conduisent les molécules d’oxygène et celles d’hydrogène à s’associer « spontanément » dans certaines conditions pour faire H2O : de l’eau à l’état liquide ou solide ou gazeux. Mais la question qui se pose est : une loi est-elle capable de s’auto-rédiger ? De s’auto- organiser ? De s’auto proclamer ? Généralement pour qu’il y ait une loi et pour qu’elle soit respectée, il faut bien qu’il y ait de l’intelligence qui préside à l’invention de cette loi et à sa mise en place. Il faut un ou plusieurs auteurs. Qui donc est l’auteur des fameuses « lois de la nature » qui sont entrées dans le langage commun ? Une fois de plus, la question de l’intelligence créatrice ou organisatrice n’est pas ridicule ni absurde ni irrationnelle. Elle est de plus en plus actuelle, surtout depuis que nous connaissons le second Principe de la thermodynamique et ses conséquences…

Mais ce sera pour la prochaine fois !

(1)   On a bien noté que le contraire du hasard n’est pas  le déterminisme, mais l’intelligence.

(2)   méthane, ammoniac, dihydrogène, vapeur d’eau.
(3) Car même lorsqu’une invention est due à une erreur ou à du « hasard », ce n’est pas le « hasard » qui est génial, mais l’intelligence du chercheur qui en tire profit.

Dessin à partir de la couverture du tome 3 des Indices pensables.

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