Pour les dominicaines de Cuba, « la vie cloîtrée n’est pas une routine »

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Entretien avec deux religieuses de clôture

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ROME, Vendredi 15 février 2008 (ZENIT.org) – A l’occasion des 800 ans de la fondation des dominicaines contemplatives en France, ZENIT a visité le monastère Sainte-Catherine-de-Sienne, à Nuevo Vedado, à Cuba.

Comment est la vie des religieuses cloîtrées ? Qu’est-ce que la contemplation et comment y arrive-t-on ? Peut-on être heureux de vivre cloîtré ? Autant de questions auxquelles répondent la mère supérieure du monastère, Mère Ofelia de San José, mexicaine, à Cuba depuis 15 ans, et sœur Yolanda del Niño Jesús, cubaine, entrée dans l’ordre il y a 44 ans.

Leur couvent a été fondé le 29 avril 1688 à la Havane. Les premières religieuses, qui n’étaient pas des étrangères, mais originaires de Cuba, n’avaient plus de place dans l’unique monastère qui existait alors.

Elles fondèrent donc un nouveau monastère, sous le patronage de sainte Catherine de Sienne, dans l’ordre des Moniales dominicaines. Après les premières agitations survenues à la Havane, le monastère fut transféré à El Vedado. Depuis 1984, le siège se trouve dans un immeuble situé dans une des zones d’extension de la Havane.

Sept religieuses y habitent : deux cubaines, deux mexicaines et trois colombiennes. Bien que leur occupation première soit la prière, ces religieuses confectionnent et décorent des objets liturgiques.

Zenit – Quand les jeunes arrivent au couvent, pensent-elles déjà à la possibilité d’entreprendre une vie de contemplation ?

Soeur Yolande – Oui. Mais ça n’est pas comme penser obtenir un diplôme académique. Il s’agit de se défaire de tout, pour se mettre à la disposition de Dieu, qui donne, éclaire et transforme. C’est Dieu qui donne la force. C’est donc comme se vider de tout pour se remplir de Dieu.

Saint Dominique ne nous a pas imposé une méthode précise. Il a proposé un cheminement très simple de prière. Il disait : d’abord, lire les Saintes Ecritures, l’Office divin ou autre. De la lecture à la prière ; de la prière à la méditation ; et de la méditation à la contemplation. C’est la seule méthode qu’il nous ait laissée. C’est donc comme cela que les jeunes filles commencent : en lisant, en approfondissant, en demandant, en priant ; ensuite, avec la réflexion, le Seigneur se manifeste. La contemplation ne s’acquiert pas, c’est le Seigneur qui nous éclaire.

Zenit – Quand l’une d’entre vous entend cet appel à la prière, à la contemplation, interrompt-elle le travail qu’elle est en train de faire ?

Soeur Ofelia – Non, le travail n’est pas interrompu. Quand on vit en union avec le Seigneur, on peut continuer à travailler tout en restant soudé à Lui. Je peux coudre, nettoyer, faire quelque chose, mais je ne me sépare pas de cette union avec le Seigneur, qui est vécue à chaque instant…

Soeur Yolanda – Ce n’est pas un moment que l’on case dans un tiroir; on doit vivre dans un climat de contemplation. Parfois le Seigneur nous parle beaucoup plus lorsque nous travaillons que lorsque nous prions !

Zenit – Nous pouvons donc dire que cet appel au recueillement n’est pas négligé, justement parce que vous cherchez à vivre constamment dans la prière…

Soeur Ofelia – Exactement. Une prière continuelle, vécue à chaque instant. Et dans tout ce que nous faisons, Dieu est présent. Je peux le dire par expérience : je peux nettoyer ou cuisiner, mais je sens que le Seigneur est là près de moi. Tout ce que l’on fait, on le fait par amour pour Dieu !

Zenit – Nous savons bien que les mots ne suffisent pas pour expliquer ce qu’est la contemplation, mais comment décrieriez-vous votre expérience personnelle ?

Soeur Ofelia – L’expérience de Dieu est une chose si personnelle ! Cette rencontre avec Dieu, dans laquelle on se perd, dans ce silence, dans ce laps de temps, où Dieu pénètre notre âme, notre cœur, pour y faire ce qu’il veut et où l’on s’abandonne à cet amour divin !

Sans aucun doute cette expérience, cette contemplation ne reste pas uniquement en moi. Les autres aussi en profitent, ma communauté, tous les fidèles et toutes les personnes que je connais, que j’aime, ou que je ne connais pas. Je sais que cette expérience est à la portée de tous. Je l’ai vu, je l’ai constaté, dès l’instant où l’on se laisse aimer par Dieu ! Et cet amour divin ne peut être expliqué par des mots !

Soeur Yolanda – Quand on entreprend une vie de prière, la première chose à découvrir est ce que nous sommes : nous sommes des pécheurs ! Seuls nous ne pouvons rien et nous devons en être convaincus, car il y a toujours des personnes qui croient pouvoir se suffire à elles-mêmes et être capables de beaucoup de choses. Le Seigneur leur montre que nous ne sommes rien, que tout ce que nous avons, c’est à Lui que nous le devons.

Alors, quand on se trouve dans cet état d’offrande et de quête de Dieu, c’est lui qui se laisse trouver ! Et il se manifeste à nous sous différentes formes. Dieu est amour et quand nous voyons que Dieu est bon, nous pouvons profiter du Seigneur, sans en abuser de manière présomptueuse, et profiter de sa grâce.

Je pense que le fait de ne pas se limiter à profiter de Dieu est une caractéristique de la spiritualité dominicaine. C’est-à-dire qu’en même temps que nous entrons en contact avec Dieu, nous entrons en contact avec l’humanité et nous sentons monter en nous le désir de voir tout le monde aimer le Seigneur, et nous le demandons : que tous l’adorent et le louent !

Zenit – Votre existence cloîtrée vous porte à rester loin du monde, mais proches de Dieu et de l’être humain, de ses souffrances et de ses espérances. Quel témoignage pouvez-vous nous donnez à ce sujet ?

Soeur Yolanda – Le pape Paul VI, en parlant de ce lien spirituel qui nous unie, nous les moniales, au reste du monde, disait que les monastères étaient un lieu où vibraient à la plus haute fréquence tous les sentiments, toutes les passions, tous les désirs et toutes les nécessités de l’humanité. Je pense que cela vient de nos prières : nous vibrons le plus intensément possible. Ainsi, avec l’aide du Seigneur, nous sommes des générateurs de vie et de grâce. ..

Zenit – Que pourriez-vous recommander aux jeunes chrétiennes qui ne ressentent pas la vocation à la vie de couvent, mais qui ont en elles le vif désir de grandir dans l’esprit et d’aimer Dieu profondément ?

Soeur Yolanda – Qu’elles consacrent chaque jour un moment de leur journée à la prière personnelle. Ceci les introduira à une vie de vertu et fera d’elles des personnes libres et dignes. C’est d’ailleurs ce qu’est la vocation chrétienne : la dignité suprême en Jésus Christ.

Zenit – Comment définiriez-vous votre existence de religieuse cloîtrée ? Quelles sont les motivations qui vous poussent à y rester ? Vous sentez-vous heureuse ?

Soeur Ofelia – Je me sens heureuse dans ma vocation. C’est comme si c’était la première fois. Pour moi, vivre cloîtrée n’est pas une routine : le jour se lève chaque jour de façon différente car chaque journée apporte son lot de joies, de tristesses et de préoccupations. Mais le bonheur est grand. Quand on se donne davantage à Dieu et que les années passent (je le dis par expérience) la vie cloîtrée, la vie contemplative, est un cadeau de Dieu !

Soeur Yolanda – Pour moi aussi la vie contemplative est un grand cadeau de Dieu et chaque jour est un nouveau jour. Il n’y a pas de place pour la routine, contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, car tous les jours il y a quelque chose de nouveau, tout d’abord la rencontre avec le Seigneur et tout ce qui s’ensuit. Sa présence aussi est une nouveauté, son amour et son infinie miséricorde pour le monde et pour nous… Oui,
je peux le dire : moi aussi je suis très heureuse…!

Eduardo Quiñones García

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ZENIT Staff

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