Pour la sœur du prêtre assassiné en Turquie « le pardon est plus fort que la colère »

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Entretien avec Maddalena Santoro

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ROME, Mercredi 4 avril 2007 (ZENIT.org) – « Je n’ai jamais éprouvé de colère : ma souffrance était trop forte, et de cette souffrance est née le pardon », a confié à Zenit Maddalena Santoro, la sœur de l’abbé Andrea Santoro (1945-2006), le prêtre romain assassiné le 5 février 2006 en Turquie, alors qu’il priait dans son église, une Bible en langue turque entre les mains.

Maddalena Santoro raconte la signification que don Andrea donnait à l’Eucharistie et déclare que, selon elle, le procès en béatification de son frère « ira de l’avant ».

La sœur du prêtre martyr a fondé avec d’autres personnes, une association visant à promouvoir un dialogue interculturel et interreligieux sur l’exemple de son frère, l’Association Don Andrea Santoro (http://www.associazionedonandreasantoro.org).

Zenit – Un an sans votre frère. Quel est le sentiment le plus fort, la souffrance et la colère de sa perte ou le pardon?

M. Santoro – Je n’ai jamais éprouvé de colère car la souffrance a été beaucoup plus forte au point de ne laisser aucune place à la colère. Dans mon cœur de croyante, c’est le pardon qui a très vite pris le dessus, pour donner du sens et poursuivre l’œuvre et montrer la bonté d’Andrea en matière de dialogue. Eprouver de la haine ou de la colère, c’est se fermer au dialogue.

Franchir le pas du pardon n’est pas si automatique que ça, dans la mesure où il découle d’un état de souffrance. Et cette souffrance peut déclencher des sentiments de haine, d’amertume, le désir de se venger. La souffrance est un terrain d’où peuvent partir beaucoup de choses. Mais dans tout ça, il y a aussi la volonté de pardonner, de poursuivre le travail que don Andrea a entrepris sur la voie du dialogue.

Zenit – Le martyre de don Andrea porte-t-il déjà des fruits?

M. Santoro – Ecoutez, je ne sais pas s’il s’agit de fruits ou de conséquences. Depuis le 5 février 2006, jour du meurtre, beaucoup de choses inattendues se sont passées, à commencer par son assassinat. Il suffit de faire la lecture de ce qui s’est passé, pour s’apercevoir qu’il y a effectivement eu martyre: un homme en prière, tenant dans ses mains une Bible en langue turque, l’église ouverte… tout ceci montre que c’est bien lui que l’on a voulu tuer, un homme de prière, un homme de foi.

Et les conséquences n’ont pas été des moindres. La nouvelle s’est répandue très rapidement et a connu un impact que personne n’aurait pu imaginer, et les demandes de témoignage sur Andrea continuent. Pour moi, c’est là que réside le fruit, ou peut-être le miracle, je ne sais pas comment l’appeler.

Les gens veulent savoir ce qu’il faisait en Turquie, quelle était sa mission là-bas, et donc connaître le cœur de ce chrétien, de ce prêtre, porté à s’ouvrir aux personnes d’autres religions, d’autres lieux ou de culture différente. Pour moi, le vrai miracle est là, avoir suscité de l’intérêt chez chacuns, religieux ou non croyants. Et j’ai même l’impression que l’événement a suscité un certain réveil également au niveau politique.

Mais ma èpréoccupation est celle-ci : à un certain niveau social et politique les choses peuvent ne pas évoluer. Au niveau populaire, en revanche, les personnes s’émeuvent et sentent une conversion, elles ont le sentiment de pouvoir entreprendre un chemin comme celui que mon frère, Andrea, a tracé et laissé en témoignage ; à d’autres niveaux je ne sais pas si ce processus se vérifiera. Opérer un changement par rapport à la foi, à la religion, à une ouverture, nécessite une grande volonté, en Orient comme en Occident…

Zenit – Quel était et quel est le bagage spirituel de l’abbé Andrea Santoro?

M. Santoro – Au plan spirituel, Andrea a laissé un profond sens d’intériorité par rapport à la Parole de Dieu. Autre élément très important au niveau spirituel est la compréhension qu’il avait de l’Eucharistie, ce « Christ agneau immolé », comme il disait, Jésus-Christ qui s’est livré pour nous.

En le redécouvrant nous savons que le Christ veut être présent aujourd’hui à travers l’Eucharistie, à travers notre esprit, nos démarches, notre façon d’aimer, notre manière d’être en tous lieux et en toutes circonstances … Jésus Christ est réellement présent dans l’Eucharistie ; et cette Eucharistie nous transforme en lui afin qu’il soit présent au milieu des autres.
Dans ses lettres, lorsqu’il se rendit au Moyen Orient en 1980, une des premières méditations à Béthanie est consacrée à l’Eucharistie. Etre Eucharistie, nous avec le Christ et le Christ présent à travers nous.

Zenit – Pensez-vous possible que l’Eglise reconnaisse votre frère sous les traits d’un bienheureux?

M. Santoro – De mon point de vue personnel, en tant que sa sœur, et comme dit ma mère, « peu importe que mon frère soit proclamé saint sur le plan formel. Ce que je sais c’est qu’il me manque, qu’il est auprès du Seigneur, qu’il l’a tant aimé, et cela me réconforte ».

Considérant l’Eglise en tant qu’institution, je pense que oui, car le cardinal Camillo Ruini s’est exprimé de manière claire en ce sens. Il connaissait bien don Andrea. Je crois que le processus ira de l’avant. C’est vraiment mon impression.

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ZENIT Staff

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