« Politique, hommes politiques, vertus et sainteté », par Mgr Bruguès

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Secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique

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ROME, Vendredi 27 juin 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte de l’intervention de Mgr Jean-Louis Bruguès, o.p., secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, au séminaire international sur « La politique, forme exigeante de charité » organisé par le Conseil pontifical « Justice et paix » les 20 et 21 juin 2008. L’intervention avait pour titre : « Politique, hommes politiques, vertus et sainteté ».

Je viens d’une région française où l’anticléricalisme est aussi virulent qu’ancien. Les explications historiques en sont évidemment multiples, mais un événement l’emporte sur tous les autres : ces terres-là ont connu l’hérésie cathare, la domination albigeoise, les croisades et leur cortège d’horreurs. A Béziers, la ville de mon enfance, il ne faisait pas bon se promener avec l’habit dominicain jusqu’à il y a peu de temps ; la mémoire collective conservait le souvenir de ce jour de 1209 où, enfermés dans une église, les habitants furent brûlés vifs par les croisés venus du Nord. Au cours du XIXe et surtout du XXe siècles, le romantisme, le régionalisme et même l’anarchisme favorisèrent des « renaissances cathares » ; la dernière en date coïncide avec 1968. Les partisans de ce que l’on appelle désormais l’ « Occitanie » mettent volontiers en cause le rôle du roi Saint Louis dans l’oppression de leurs ancêtres, réels ou imaginaires, albigeois. Je garde dans mes papiers un article furieux de l’un d’entre eux qui s’en prenait à cette « figure de vitrail », expression évidemment très dépréciative sous sa plume, coupable d’avoir conduit des croisades.

« Figure de vitrail » : la formule ne manque pas d’intérêt. Quel est le propre du vitrail, en effet ? C’est une fenêtre par laquelle entre le jour. Mais pour le spectateur se trouvant à l’intérieur de l’édifice, une figure de vitrail ne réfléchit pas la lumière comme les autres images. Elle est elle-même source de lumière. Or, c’est bien ainsi qu’il faut voir ce roi et ce saint : une fontaine de clarté illuminant tout et tous autour de lui, et dont les rayons nous parviennent encore à travers sept siècles de vicissitudes diverses.

I. LA CHOSE POLITIQUE ET LES JEUNES GENERATIONS

Je me suis servi de cet exemple dans une catéchèse faite aux jeunes de mon diocèse du temps où j’étais l’évêque d’Angers en exercice, il y a six années. Je leur disais avec une certaine inquiétude, une tristesse certaine même que, d’une manière générale, leur génération ne s’intéressait guère à la chose politique. Elle s’en méfiait, au contraire, et donnait l’impression de chercher à s’en protéger. Un jour que je me trouvais dans une petite ville, plusieurs personnes m’interrogèrent sur le thème de la catéchèse que je devais donner chez eux quelques semaines plus tard. Quand je répondis que je souhaitais parler de la politique, l’une d’entre elles laissa tomber cette réflexion tranchante : « La politique ? Aucun intérêt ! ».

D’où vient une telle méfiance ? Permettez-moi de mentionner ici trois convictions largement répandues, hélas, dans les générations plus jeunes.

La politique divise. Elle désignerait ce lieu où s’expriment, le plus souvent pour s’opposer les unes aux autres, les différences d’intérêt, de valeurs et de convictions. Or, les chrétiens en général, et notamment les générations plus jeunes, se sentent plus à l’aise dans des activités qui rassemblent et unissent. L’union, oui, et le partage, la communion, mais pas la division.

La politique salit. A longueur de semaines, nos journaux rapportent des « affaires » de corruption et d’abus de pouvoir. Il est vrai qu’ils sont trop nombreux les hommes politiques de tous bords à être mis en examen, suspectés de malversations ou de mensonges. Des procès sont intentés, des condamnations tombent, et avec elles nos illusions et ce que d’aucuns nommeraient nos naïvetés. La politique serait-elle un marigot où ne résisteraient que les crocodiles les plus durs, ou les plus malins ? Les chrétiens et surtout les générations plus jeunes répugneraient à se salir les mains…

– Il y a mieux à faire que de la politique. On veut bien aider et partager. La générosité n’est pas moindre aujourd’hui que dans le passé. Ils sont nombreux ceux qui, parmi les jeunes, s’engagent dans des services sociaux ou des causes humanitaires. Il y tellement d’autres manières d’aider son prochain que dans la politique et le champ des activités sociales est immense ! Au fond, le social, n’est-ce pas plus sûr, plus honnête et plus efficace que le combat politique ?

A ces jeunes qui m’écoutaient, je disais sans ambages qu’il y avait de leur part un risque de désertion. D’une certaine manière, on pouvait comprendre leurs hésitations et leur méfiance, mais il était nécessaire à mes yeux de leur délivrer le message suivant : « Vous n’avez pas le droit de détourner votre cœur et votre intelligence de la cause politique ». Il fallait redire l’importance capitale qu’elle revêt pour celui qui veut suivre l’évangile et en vivre. Au milieu du siècle dernier, entre les deux guerres, alors que le nazisme montait en puissance, Pie XI expliquait que la politique était la chose la plus importante, après la religion. Il y voyait la force suprême de la charité. Il existe donc une forme de sainteté politique, de sainteté par la politique – et non pas malgré elle -, illustrée de multiples manières… Les noms de Edmond Michelet, résistant et ministre, de Robert Schuman, l’un des fondateurs de l’Europe, de Martin Luther King, le promoteur des droits des Noirs aux Etats-Unis, ou de Giorgio La Pira, maire de Florence, viennent naturellement à l’esprit, mais il y en aurait bien d’autres, moins célèbres, qui se sont battus pour que les hommes vivent mieux et que la société devienne plus juste et plus fraternelle. A dire vrai, il y eut, à tous les siècles, des chrétiens et se sont dévoués à la cause politique, et se sont sanctifiés par elle : pourquoi pas nos jeunes générations ?

 

La question qui nous retient ce matin, alors que se termine le Séminaire international organisé par le Conseil pontifical « Justice et paix » est finalement simple à formuler : l’exercice du pourvoir est-il compatible avec la sainteté ? Ce fut à coup sûr le pari de Louis IX : prouver par l’action que la véracité, la droiture, la générosité, le respect de la parole donnée – vertus réputées fort peu politiques depuis Machiavel, Garcian et tous les tenants de la Realpolitik – sont au total plus « payantes » que leur contraire. Laissons aux historiens le soin de savoir si le monarque français a gagné ou perdu son pari. Il l’avait perdu en tout cas dans l’esprit des révolutionnaires français qui exigeaient la mort de Louis XVI, lointain successeur de S. Louis. « On ne règne pas innocemment », proclamait Saint-Just, l’un d’entre eux. Je me suis toujours demandé si, dans le fond, S. Louis ne pensait pas comme lui, qui fut hanté toute sa vie par la tentation de tout planter là pour se consacrer à la seule activité qui lui convenait : la prière. Il n’a cessé d’inquiéter sa cour en parlant d’abdiquer et de se retirer dans un couvent ; par deux fois, il a mis d’une certaine manière sa menace à exécution en partant en croisade…

Un point doit être éclairci avant de poursuivre. « Il n’y a pas de politique chrétienne, il n’y a pas de politique qui puisse se déployer à partir d’un credo. Toute politique suppose une appréciation empirique de l’histoire et des décisions qui participent à cette appréciation » (Paul Ricoeur). S’il n’existe donc pas une politique spécifiqu
ement chrétienne, une politique que nous pourrions tirer toute faite de l’évangile, en revanche, il est une manière chrétienne d’entrer en politique et j’allais dire de se passionner – au double sens de ce terme, d’attachement et de souffrance – pour elle. Cette manière repose sur des convictions et des devoirs. Evoquons-les.

II LES CONVICTIONS

L’engagement politique, tel que le conçoit la réflexion chrétienne, repose sur deux convictions.

1°) Il n’y a de pouvoir politique que dans le service.

La scène nous est bien connue. Jésus partage son dernier repas avec ses disciples ; il le sait. Dans quelques heures, il sera arrêté, jugé et condamné à mort. Il cherche à fixer le souvenir qu’il laissera aux siens dans un geste fort. « Jésus (…) se lève de table, quitte son vêtement et prend un linge qu’il noue à la ceinture. Puis, il verse de l’eau dans un bassin et se met à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. (…) Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’ et vous avez raison, car je le suis. Si donc moi, le Seigneur et Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme je l’ai fait pour vous » (Jn 13, 4-5 et 12-15)

Seigneur et Maître : la politique recherche le pouvoir ; elle vise à le conquérir, puis à le conserver. C’est l’une de ses raisons d’être. Il faut de l’ambition pour se lancer dans ce combat. Je me demande si le moment n’est pas venu de réhabiliter l’ambition, alors qu’une certaine lecture chrétienne y voyait le contraire de l’humilité. L’ambition est une qualité, et j’allais dire une qualité chrétienne, si elle conduit à concevoir le pouvoir comme un service. Entrer en politique suppose donc un dépouillement de soi-même, une mort à soi-même (demandez aux familles qui se plaignent que la politique leur confisque le père ou la mère), un don de soi, à l’image du Christ. S. Thomas, après Aristote, plaçait la magnanimité au sommet des vertus gouvernées par la force, et au centre, avec la prudence, de l’action politique. Il s’agit de se mettre au service d’une tâche magnifique, en effet, la construction de la Cité, cette Cité pouvant être la commune, le village ou la ville, la région, la nation, voire une institution internationale…

On comprend alors à quel point la corruption représente un scandale insupportable : se servir au lieu de servir. Mais pourquoi la corruption serait-elle inévitable ? Le Christ nous a laissé l’exemple d’un service jusqu’au sacrifice de sa vie. Pourquoi ne pas l’imiter ? N’est-ce pas là une preuve suprême de l’amour du prochain ?

2°) En politique, ce qui unit doit être plus fort que ce qui divise.

Toute politique implique un arbitrage. Les intérêts, personnels ou collectifs, les opinions et les convictions opposent, c’est certain. Il n’y a pas de politique sans lutte ni combat : cela ne devrait pas nous faire peur. Toute politique est un rapport de forces. Je dis bien la force et non pas la violence qui, elle, pervertit la politique en ce qu’elle substitue la peur à la confrontation. En politique comme dans les autres domaines, plus qu’ailleurs même, la justesse de la cause ne justifie jamais l’usage de moyens intolérants.

La réflexion chrétienne a toujours estimé que les arbitrages doivent être rendus en fonction d’un bien supérieur que l’on a appelé le bien commun. Le mot paraîtra désuet peut-être ; je n’en connais pas de meilleur. Ce bien unit par-delà les différences légitimes ; c’est lui qui permet au groupe de subsister comme groupe et de croire en son avenir. Le bien commun, dans l’approche que je propose, comporte trois éléments essentiels :

– Le respect de la personne humaine, de sa dignité et des droits qui en découlent. C’est pour cette raison que les chrétiens ont toujours plaidé pour que l’action politique défende les plus faibles et les plus démunis. Dis-moi comment tu traites les pauvres et je te dirai de quelle politique tu te réclames. Une politique qui ignorerait la dignité de la personne humaine, ou la bafouerait délibérément, perdrait du même coup sa légitimité.

– La défense et la protection du groupe considéré. Une politique doit se munir des moyens nécessaires et proportionnés pour faire face aux menaces, extérieures et intérieures, qui mettraient en cause son unité, son existence et son avenir. Une politique qui laisserait le groupe sans défense perdrait du même coup sa légitimité.

L’accès de tous à la culture du groupe. Ici se présente le principe de participation. Chaque membre de la communauté doit pouvoir participer à la richesse du groupe, en fonction du travail qu’il aura fourni et de ses besoins, à la décision proprement politique – par un jeu de représentation qui varie selon les régimes en vigueur -, à la culture en ce qu’elle suppose de mode de vie et des activités de la pensée. Une politique qui exclurait délibérément de la participation des personnes ou des groupes perdrait du même coup sa légitimité.

Cette notion de bien commun permet de comprendre que si, le plus souvent heureusement, la politique emprunte les voies de la confrontation pacifique, quand le bien commun est remis en cause de manière très grave et répétée, elle peut revêtir exceptionnellement des formes de résistance et de rébellion. Le légal n’est pas le légitime. La loi n’est pas la référence suprême. Depuis Antigone et depuis Socrate, depuis les premières générations chrétiennes, sans oublier les témoignages sanglants qui jalonnent l’histoire de notre Eglise, nous savons qu’il est des « lois murmurées au cœur » (Sophocle), lois divines de la conscience, qui sont supérieures à celles de la Cité. Il est conforme à la dignité humaine de les suivre, au prix de sanctions redoutables, quelquefois même au prix de la vie.

III LES DEVOIRS

En Occident du moins (il en va différemment au Japon ou en Chine), le terme de devoirs ne plaît guère. Un sociologue écrivait dans un ouvrage récent que nous étions entrés dans l’ère des démocraties molles où s’éteignaient les notions traditionnelles de devoir et de sacrifice (cf. Gilles LIPOVETSKY Le crépuscule du devoir). Pourtant, je ne vois pas comment faire autrement : si nous nous trouvons en dette vis-à-vis du groupe politique auquel nous appartenons, nous ne pouvons nous acquitter de cette dette qu’en remplissant des obligations envers lui.

Car le chrétien se fait une haute idée de la politique. Le Concile de Vatican II explique que si tous les hommes sont créés à l’image de Dieu, et appelés à se retrouver en Dieu lui-même, il doit exister  » une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour  » (GS 24 § 3). « Dieu a voulu que tous les hommes constituent une seule famille, et se traitent mutuellement comme des frères » (GS 23 § 1). Nos devoirs envers notre communauté politique sont tout simplement des devoirs d’appartenance familiale, selon la présentation qu’en fait le Catéchisme de l’Eglise catholique (Troisième partie, seconde section, chapitre II). Ce rattachement de la chose politique à la vie familiale, que n’acceptent guère les philosophes politiques du moment, me semble se trouver au cœur de la sainteté politique. Ils fournissent, en effet,
la trame de ce que l’on nomme l’engagement. Permettez-moi d’en mentionner quelques-uns, sachant que chacun de ces devoirs appelle l’exercice de plusieurs vertus proprement morales :

L’intérêt. Vous ne pouvez pas dire que vous aimez quelqu’un si vous ne cherchez pas à prendre de ses nouvelles et si vous ne manifestez aucune curiosité envers ce qu’il devient. Si la communauté politique est une sorte de famille, nous avons tous le devoir, nous qui en sommes membres, de nous intéresser à la chose politique, de nous informer ce qui la constitue, mieux encore d’acquérir une compétence nous permettant de devenir plus efficients.

La civilité. Vous ne pouvez pas dire que vous aimez quelqu’un si vous trichez avec lui, ou si vous le trompez. Il y a peu de temps, je me trouvais à la station du métro parisien. Des jeunes gens sautaient les barrières, devant des employés désabusés, et entraient sans payer. Le dommage social, représenté par le prix d’un billet, n’est pas très élevé, mais ces menus gestes d’incivilité détruisent le tissu social, fait de solidarité et d’exemplarité. Après tout, la distance n’est pas si grande allant de ces petites tricheries au fait de brûler des voitures pour exprimer sa colère ou son désoeuvrement.

La gratitude. Vous ne pouvez pas dire que vous aimez quelqu’un si vous ne lui manifestez pas votre gratitude pour le service qu’il vous rend. Les hommes politiques se mettent au service de la communauté ; ils ont droit de la part des membres de cette communauté à une reconnaissance faite de considération et de respect… qui n’empêche nullement les différences d’opinion ! Je rappellerai que l’intercession en faveur des autorités figure parmi les plus anciens témoignages de la prière chrétienne.

La participation, autre forme de la responsabilité. Vous ne pouvez pas dire que vous aimez quelqu’un si vous ne répondez pas à ses invitations. Le bien commun exige, avons-nous dit, que tous les membres de la communauté participent aux choix des représentants et aux décisions. Vous vous détournez de ce bien, si vous ne vous présentez pas aux grands moments de la participation que sont les élections et les consultations organisées par l’autorité politique.

CONCLUSION

Peut-être ai-je été un peu long dans cet exposé. Finalement l’ensemble des vertus attachées à l’action politique peut se ramener à un seul terme : la fraternité. Lorsque le roi S. Louis est mort sous les murs de Tunis, ses adversaires musulmans sont venus lui rendre un dernier hommage. Selon le chroniqueur de l’époque, l’un d’entre eux se serait même exclamé : « Nous venons de perdre un frère ! » La fraternité appartient désormais au vocabulaire commun des hommes politiques ; on ne peut que s’en réjouir. Le terme figure dans la devise de plusieurs Etats.

Une question se pose cependant à laquelle nous devrions accorder la plus grande attention. On se reconnaît frères dans une commune référence à un père. Or, une société sécularisée qui rejette le principe d’un fondement extra-séculier, de nature métaphysique ou religieuse, récuse de ce fait toute figure paternelle. Ainsi s’expliquerait à mes yeux l’impossibilité pour nos sociétés de vivre une réelle fraternité, comme s’il s’agissait d’un mot utopique, toujours rêvée, jamais réalisée. En abandonnant les convictions religieuses au seul espace privé de la conscience individuelle, la société sécularisée « oublie » la question de Dieu et, plus généralement, celle de la transcendance. Le Dieu de la Bible est un Père ; le Christ est venu nous révéler cette paternité. En faisant de chacun de nous un fils adoptif d’un même Père, il a posé les fondements d’une fraternité vraiment universelle. En se passant du christianisme, une société s’interdit de vivre réellement la fraternité.

Peut-on parvenir à une fraternité authentique sans se référer à un Père commun ? Voilà un défi inédit pour notre temps de sécularisation.

La première encyclique de notre Pape Benoît XVI contient des passages lumineux, à la manière d’un vitrail, sur le rapport existant entre la foi et la chose politique. Permettez-moi d’en citer un seul : « La justice et le but et donc aussi la mesure intrinsèque de toute politique. Le politique est plus qu’une simple technique pour la définition des ordonnancements publics : son origine et sa finalité se trouvent précisément dans la justice, et cela est de nature éthique. Ainsi, l’Etat se trouve confronté inévitablement à la question : comment réaliser la justice ici et maintenant ? Mais cette question en présuppose une autre plus radicale : qu’est-ce que la justice ? C’est un problème qui concerne la raison pratique ; mais pour pouvoir agir de manière droite, la raison doit être constamment purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais éliminer totalement. En ce point, politique et foi se rejoignent (…) La foi est une force purifiante pour la raison elle-même. Partant de la perspective de Dieu, elle la libère de ses aveuglements et, de ce fait, elle l’aide à être elle-même meilleure. La foi permet à la raison de mieux voir ce qui lui est propre » (Deux caritas est, 28). Mieux voir : c’est aussi le propos du vitrail que nous avons évoqué en commençant notre périple. Le saint, disions-nous, est une source de lumière. Nous comprenons maintenant pourquoi. Il donne à l’action politique sa dimension la plus naturelle et la plus vraie : un apprentissage de l’éternité.

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ZENIT Staff

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