Peut-on imaginer ce que sera la vie éternelle ? Réponse du P. Cantalamessa

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Méditation sur l’évangile du dimanche 20 avril

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ROME, Vendredi 18 avril 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 20 avril, cinquième dimanche de Pâques, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale. 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 14, 1-12 

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ?Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin. » 
Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? »

Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. » 
Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »

 Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres oeuvres. Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des oeuvres. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. 

© Copyright AELF – Paris – 1980 – 2006  tous droits réservés  

Dans le livre de la Genèse, on lit qu’après que l’homme eut péché Dieu lui dit : « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise » (Gn 3, 19). Chaque année, le mercredi des Cendres, la liturgie nous répète cet avertissement sévère : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière ». Si cela ne dépendait que de moi, je ferais disparaître immédiatement cette formule de la liturgie. L’Eglise permet maintenant à juste titre de la remplacer par la formule suivante : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ». Prises à la lettre, sans les explications nécessaires, ces paroles sont en effet l’expression parfaite de l’athéisme scientifique moderne : l’homme n’est qu’une poussière d’atomes et finira comme une poussière d’atome. 

Le livre de l’Ecclésiaste (Qohelet), un livre de la Bible écrit à une époque de crise des certitudes religieuses en Israël, semble confirmer cette interprétation athée quand il écrit : « Tout s’en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière. Qui sait si le souffle de l’homme monte vers le haut et si le souffle de la bête descend en bas, vers la terre ? » (Qo 3, 20-21). A la fin du livre, ce dernier doute terrible (qui sait s’il y a une différence entre le sort ultime de l’homme et celui de l’animal) semble résolu de manière positive car l’auteur dit que « la poussière retourne à la terre comme elle en est venue, et le souffle à Dieu qui l’a donné » (cf. Qo 12, 7). Dans les derniers écrits de l’Ancien Testament l’idée d’une récompense des justes après la mort et même celle d’une résurrection des corps commence à s’affirmer mais il s’agit d’une croyance au contenu encore très vague et que tous ne partagent pas, comme par exemple les sadducéens. 

Après avoir dit cela nous mesurons la nouveauté des paroles par lesquelles commence l’évangile de ce dimanche : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi ». Elles contiennent la réponse chrétienne à l’interrogation la plus profonde de l’homme. Mourir ce n’est pas, comme au commencement de la Bible et dans le monde païen, descendre dans le Sheol ou l’Hadès pour y mener une vie rampante ou dans l’ombre ; ce n’est pas, comme pour certains biologistes athées, restituer à la nature sa propre matière organique pour une utilisation ultérieure par d’autres êtres vivants ; ce n’est pas non plus, comme dans certaines formes de religiosité actuelles qui s’inspirent de doctrines orientales (souvent mal comprises), se dissoudre comme personne dans le grand océan de la conscience universelle, dans le Tout ou, selon les cas, dans le Rien… C’est en revanche aller demeurer avec le Christ dans le sein du Père, un être où il se trouve lui. 

Le voile du mystère n’est pas levé car il ne peut pas l’être. De même qu’on ne peut décrire ce qu’est la couleur à un aveugle de naissance ou le son à un sourd, on ne peut expliquer ce qu’est une vie en dehors du temps et de l’espace à qui se trouve encore dans le temps et dans l’espace. Ce n’est pas Dieu qui a voulu nous le cacher… Mais l’essentiel nous est dit : la vie éternelle sera une pleine communion, corps et âme, avec le Christ ressuscité, et nous partagerons sa gloire et sa joie. 

Dans sa récente encyclique sur l’espérance (Spe salvi), le pape Benoît XVI propose une réflexion sur la vie éternelle d’un point de vue également existentiel. Il commence par constater que certaines personnes ne désirent absolument pas une vie éternelle, elles en ont même peur. Pourquoi, se demandent-elles, prolonger une existence qui s’est révélée pleine de problèmes et de souffrances ? 

La raison de cette peur, explique le pape, est que nous ne réussissons pas à penser à la vie en des termes autres que ce que nous connaissons ici-bas alors qu’il s’agit certes d’une vie mais sans toutes les limitations que nous connaissons aujourd’hui. La vie éternelle, dit l’encyclique, sera une « immersion dans l’océan de l’amour infini, dans lequel le temps – l’avant et l’après – n’existe plus ». Ce ne sera pas « une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité ». 

Par ces paroles, le pape fait peut-être allusion, de manière implicite, à l’œuvre d’un de ses contemporains célèbres. L’idéal du Faust de Goethe est en effet justement d’atteindre une plénitude de vie et un assouvissement tels qu’il le fait s’exclamer : « Arrête-toi, instant : tu es trop beau ! ». Je crois que c’est l’idée la moins inadéquate que nous pouvons nous faire de la vie éternelle : un instant que nous ne voudrions jamais voir finir et qui, contrairement à tous les instants de bonheur que nous vivons ici-bas, ne finira jamais ! Je repense aux paroles d’un chant particulièrement aimé des chrétiens anglophones, « Amazing grace », qui dit : « Et quand nous aurons été là pendant dix mille ans – plus resplendissants que le soleil – le temps qui nous restera pour louer Dieu n’aura pas diminuer d’une minute par rapport au moment où tout a commencé » (When we’ve been there  ten thousand years, / Bright shining as the sun, / We’ve no less days  to sing God’s praise / Than when we’ve first begun.)

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ZENIT Staff

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