Pastorale des tziganes : quelle attitude adopter ?

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Entretien avec le cardinal Péter Erdő, primat de Hongrie

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ROME, Mercredi 18 avril 2007 (ZENIT.org) – Du 23 au 25 mars dernier, s’est tenue à Dobogók en Hongrie la rencontre annuelle du Comité catholique international pour les tziganes sur le thème : « L’évangélisation : un avenir de liberté et de dignité pour les tziganes », organisée par le Conseil pontifical pour la Pastorale des migrants et des personnes en déplacement.

Sont intervenus aux travaux de l’assemblée, le cardinal Stephen Fumio Hamao, président émérite du dicastère, le cardinal Péter Erdő, primat de l’Eglise catholique de Hongrie, et Mgr Szilárd Keresztes, président de la Commission pour la Pastorale des migrants et des itinérants de la conférence épiscopale hongroise.

Des représentants de plus de 20 pays sont également venus échanger leurs expériences et discuter de problèmes ou de questions inhérentes à la pastorale des tziganes aujourd’hui.

« L’évangélisation et la promotion humaine sont deux aspects complémentaires et inséparables pour la diffusion du Royaume de Dieu » a souligné dans son message aux participants le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants, qui ajoute « dans l’activité pastorale en faveur des tziganes l’aide humanitaire et la vérité doivent cheminer ensemble, la première soutenue par des éléments de justice, de fraternité et d’égalité ».

A Dobogók, le cardinal Péter Erdő a célébré le 24 mars une messe pour les participants à la conférence, rappelant dans son homélie que « seules l’humilité, une attitude de pénitence et une connaissance profonde des valeurs humaines, peuvent permettre d’affronter le problème pastoral des divers groupes ethniques, y compris celui des romanichels en Europe ».

« Nous devons vraiment comprendre les relations sociales et humaines à l’intérieur de ces communautés et aider tous ceux qui ont reconnu la lumière du Christ dans l’Eglise à s’approcher librement de Dieu et des sacrements sans qu’aucun empêchement d’ordre sociologique, ni de la part de leur propre communauté, ni de la part de certains catholiques qui porteraient des jugements sur des choses extérieures ou secondaires, ne vienne les dévier, mais en agissant d’un cœur sincère à l’exemple du Christ », a souligné le primat de Hongrie.

Selon le cardinal Erdő, « les prêtres doivent être les premiers à faire preuve d’une grande ouverture pour éviter que les personnes de bonne volonté ne soient obligées, pour avoir accès aux sacrements et faire partie de la communauté ecclésiale, de répondre à des critères purement humains, trop rigides, peut-être même arbitraires », a-t-il poursuivi.

A l’occasion de cette rencontre, le cardinal Erdő a accepté de répondre à quelques questions de Zenit.

Zenit – Qu’ont pensé les représentants présents à la conférence des expériences en matière de pastorale tzigane ?

Card. Erdő – Les expériences étaient très variées, et il existe des phénomènes qui, dans la partie proprement occidentale du Continent européen, sont assez nouveaux comme par exemple l’immigration des populations tziganes provenant de pays est-européens. Mais cette immigration est assez contenue par rapport aux autres migrations, par exemple celle de la population musulmane etc… Si bien que la dimension du problème, pourtant très spécifique, reste encore modeste. Il y a quelques années on comptait en Italie environ 100.000 tziganes, aujourd’hui ils sont 200.000. Alors que dans notre petit pays, la Hongrie, ils sont au moins 600.000, voire 700.000 pour ne pas parler des autres pays comme la Roumanie où leur nombre est beaucoup plus élevé.

C’est pourquoi, dans nos pays, la question pastorale n’est pas la même qu’en occident. Cela dit, il est clair qu’un tel travail pastoral, aussi bien en Orient qu’en Occident, requiert de grandes compétences, une grande tolérance, une bonne préparation spécifique et, pour être tout à fait franc, beaucoup de patience aussi. Le problème n’est pas un problème purement social, ce ne sont donc pas les grandes organisations publiques qui pourront le résoudre. C’est vraiment une question qui relève de la charité pastorale.

Zenit – Pouvez-vous nous décrire la situation de la pastorale des tziganes en Hongrie ?

Card. Erdő – La situation est différente dans chaque pays. En Hongrie, tout d’abord, les tziganes ne sont pas des nomades. A la fin de l’époque communiste ils étaient déjà en voie d’intégration, dans la société et dans le monde du travail. Surtout dans l’industrie et dans le bâtiment, dans des secteurs de l’industrie lourde qui recrutaient de nombreuses personnes sans qualification particulière. Aussi beaucoup d’entre eux avaient un emploi sûr. Le plus souvent, ils vivaient loin de leur famille et de leur village qu’ils regagnaient en fin de semaine.

Les tziganes étaient donc, en quelque sorte, intégrés dans le monde du travail. Mais ce sont eux qui ont probablement été les plus touchés par les changements économiques. Ils ont perdu leur emploi et la nouvelle industrie, beaucoup plus modeste, n’avait plus autant besoin d’ouvriers sans qualification. Beaucoup se sont alors retrouvés au chômage. Et il était difficile de trouver, pour ces communautés, des activités économiques qui puissent répondre à leurs besoins. Cela dit, on ne peut permettre que des situations comme celles-là, où des villages entiers, des régions entières, vivent des maigres allocations de l’Etat, ne se répètent.

Notre action dans le domaine de l’enseignement est très concrète. L’Eglise catholique gère une centaine d’écoles : dans ces écoles nous n’utilisons jamais la méthode de « ségrégation » et les enfants vivent tous ensemble.

La moitié de ces enfants parlent le hongrois, leur langue maternelle ; pour les autres, l’enseignement se fait dans leur langue. Mais le programme est assez complexe car il y a beaucoup de dialectes et les idiomes sont très variés. Connaître donc toute la situation familiale et linguistique de ces groupes est une tâche ardue.

Une autre occasion très attrayante et très prometteuse depuis toujours : la liturgie dans les lieux de pèlerinage, dans les grands sanctuaires, où des personnes de différentes provenances, tziganes, non tziganes, hongrois et fidèles d’autres nationalités se retrouvent ensemble pour prier, pour adorer le Saint-Sacrement, pour se rendre aux pieds de la Vierge Marie et sentir qu’ils forment une seule et même communauté chrétienne. Là se manifeste la force de notre foi qui parvient à unir des personnes de tous horizons.

Il existe bien sûr une tendance plus dangereuse: la société tzigane est une société fortement structurée marquée par des rapports de dépendance personnelle et familiale assez rigides. Quand le chef d’une communauté passe à une autre communauté religieuse, il arrive que les membres de sa communauté, qui dépendent de lui, n’aient plus la liberté d’exercer leur religion précédente – par exemple la religion catholique.

Il faut donc faire attention à cela et tenter d’avoir un dialogue constructif et formatif avec les personnes qui représentent une autorité dans leur milieu, avec les intellectuels surtout, les artistes ou les musiciens qui, souvent, jouissent d’un prestige international.

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ZENIT Staff

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