"Papacabana" ou l'entraîneur des athlètes du Christ

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Quatre kilomètres de « pagaille » et de silence

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« Jésus a besoin de vous, de chacun, entrez dans son équipe »! c’est le grand appel du pape François aux jeunes du monde. 

Plus de deux millions de jeunes de quelque 190 pays se sont déversés sur les plages rebaptisées « Papacabana » pour la grande veillée de la JMJ de Rio 2013, samedi 27 juillet, autour du pape François, et, providentiellement, sans les trombes de pluie qui avaient caractérisé la semaine hivernale. 

« Nous ne pouvons pas rester enfermés dans notre paroisse, dans nos communautés, quand tant de personnes sont en attente de l’Evangile », leur avait twitté le pape. Et ils sont sortis à l’air libre, mais pour entrer en eux-mêmes…

« Chers jeunes puissiez-vous apprendre à prier tous les jours: c’est le moyen de connaître Jésus et de le faire entrer dans notre vie », autre tweet du jour. Et ils ont prié, en silence: après les ovations, la « pagaille » que le pape appelait de ses voeux, quatre kilomètres de silence sur l’Atlantique. Avant de se remettre à chanter et à danser, entraînant les évêques dans leur joie.

L’entraînement, programme

« Le football est passion nationale », a constaté le pape dans son allocution: alors « Jésus veut que vous soyez dans son équipe », et donc, « Il veut que vous vous entraîniez! » Comme le « Campus Fidei » de Guaratiba était rendu impraticable par l’hiver brésilien, la veillée a été réorganisée à Copacabana… Cette circonstance a inspiré au pape la métaphore d’un « camp de la foi », un camp d’entraînement et de construction, un chantier! Et le pape s’est fait entraîneur et chef de chantier sur les plages sublimes transformées en gigantesque bivouac.

Dans son dialogue avec les jeunes, il leur a proposé des exercices spirituels pratiques immédiats. Entraînement à la prière.

« Jésus nous offre quelque chose de plus grand que la Coupe du monde de football. Jésus nous offre la possibilité d’une vie féconde, une vie heureuse, et aussi un avenir avec lui qui n’aura pas de fin, la vie éternelle. Voilà ce que Jésus nous offre ». Moyennant… un entraînement, insiste le pape.

Il va droit au but: « Je parle avec Jésus ou j’ai peur du silence? Je laisse l’Esprit Saint parler dans mon coeur? Je demande à Jésus qu’est-ce que tu veux que je fasse de ma vie? C’est cela s’entraîner ! Demandez à Jésus, interrogez Jésus! »Il ajoute, pour vaincre les objections des plus réalistes: « Et si vous commettez une erreur dans la vie, si vous glissez, si vous faites quelque chose de mal, n’ayez pas peur! [Dites:] Jésus, regarde ce que j’ai fait, qu’est-ce que je dois faire maintenant? Mais ne cessez pas de parler à Jésus, dans le bonheur comme dans le malheur. Quand vous faites une chose bonne et quand vous faites quelque chose de mal. N’ayez pas peur. Et ainsi vous vous entraînez dans le dialogue avec Jésus, dans cet engagement missionnaire des disciples. »

Avec la prière, les sacrements. Et l’amour fraternel. « Et aussi, continue le pape, par les sacrements qui font grandir en nous sa présence. A travers l’amour fraternel, à travers la capacité d’écouter, de comprendre, de pardonner, d’accueillir, d’aider les autres, tous, sans exclure ni marginaliser. Voilà les entraînements pour suivre Jésus: la prière, les sacrements et l’aide des autres, le service des autres ».

Exercices spirituels sur la plage

Pédagogue, le pape s’assure que le programme d’entraînement est clair pour tous. « Répétons-le tous ensemble! Prière, sacrements et l’aide des autres ». Les jeunes répètent en espagnol (le pape s’exprime en « castellano »): « Je n’ai pas bien entendu: encore une fois! » Il répète avec la foule: prière, sacrements, aider les autres.

S’appuyant sur la chorégraphie – d’inspiration franciscaine – de la construction d’une église puis de la récupération de tous ses éléments pour aller reconstruire d’autres églises dans le monde, le pape demande aux jeunes: « Vous voulez construire l’Eglise? » Il crient « Siii! », « Ouiii! »  Trop facile! Le pape les met au défi: « Et demain vous allez oublier de ce que vous avez dit ce soir? » Ils protestent comme un seul homme: « Nooooo! » « Noon! » « Ca, ça me plaît! répond-il. Nous faisons partie de l’Eglise, plus encore, nous devenons des bâtisseurs de l’Eglise et des protagonistes de l’histoire. Jeunes gens, jeunes filles, je vous en prie, ne faites pas la queue dans l’histoire, soyez des protagonistes! »

Il reprend la métaphore du football: « Jouez en avant, bottez vers l’avant! Construisez un monde meilleur, un monde de frères, un monde de justice, d’amour, de paix et de fraternité, de solidarité. Jouez toujours en avant! Il rappelle que saint François s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas de faire le maçon mais d’apporter sa contribution à la vie de l’Église.

Car, avertit le pape, il ne s’agit pas non plus de construire « une petite chapelle où seulement un groupe de personnes peut tenir »: « Jésus nous demande que son Eglise soit si grande qu’elle puisse loger toute l’humanité, qu’elle soit la maison de tous. Jésus me dit, à moi, à vous, à tous: « Allez et de toutes les nations faites des disciples ». Ce soir, répondons-lui: « Oui, Seigneur! Moi aussi je veux être une pierre vivante; ensemble nous voulons construire l’Eglise de jésus. Je veux aller et être un bâtisseur de l’Eglise de Jésus! ». »

Et toujours concret, il vérifie: « Vous avez le courage de le répéter? Je veux aller et être un bâtisseur de l’Eglise du Christ ». « Je veux aller et être un bâtisseur de l’Eglise », répètent les jeunes, entraînés par les centaines de milliers d’hispanophones. Le pape les met encore au défi: « Voyons maintenant, vous allez le penser? Ce que vous venez de dire ensemble? »

Et il les « entraîne » toujours plus loin: « Ton coeur jeune veut construire un monde meilleur. Je suis les nouvelles du monde et je vois que tant de jeunes dans de nombreuses parties du monde, sont sortis dans les rues pour exprimer leur désir d’une civilisation plus juste et plus fraternelle. Les jeunes de la rue sont des jeunes qui veulent être protagonistes du changement: c’est à vous qu’appartient l’avenir. Par vous, l’avenir entre dans le monde. »

Et tout cela, le pape l’ajoute à son discours, d’abondance du coeur. Les jeunes l’inspirent. Il veut aller jusqu’au bout de la nuit avec eux, exigeant. « Je vous demande d’être aussi les protagonistes de ce changement. Surmontez l’apathie pour offrir une réponse chrétienne aux inquiétudes sociales et politiques qui se manifestent dans différentes parties du monde; je vous demande d’être des constructeurs du futur, de vous mettre au travail pour un monde meilleur. Chers jeunes, je vous en prie, ne restez pas au balcon de la vie: mettez-vous [dans la vie]. Jésus n’est pas resté au balcon, il s’est mis [dans la vie]. Ne restez pas au balcon, mettez-vous dans la vie comme Jésus l’a fait! »

L’adoration sur le rivage


Une question demeure! Le pape va au-devant de l’objection: « par où commencer? Il répond par les paroles de mère Teresa: « par vous et par moi ». Passage à un exercice pratique: « Que chacun de vous, en silence, une nouvelle fois se demande: si je dois commencer par moi: par où je commence ? »

« Chers amis, a conclu le pape, ne l’oubliez pas: vous êtes le camp de la foi, vous êtes les athlètes du Christ ! Vous êtes les constructeurs d’une Église plus belle et d’un monde meilleur. »

Dernier petit exercice spirituel: le pape les invite à redire « oui » avec la Vierge Marie: « Que tout se passe pour moi selon ta parole ». La réponse des jeunes a été spontanée, scandant en choeur, répétant avec force, avec les paroles de la JMJ de Madrid: « Esa es la juventud del papa »: « Voilà les jeunes du pape! Voilà les jeunes du pape! »

La grande veillée de Copacabana autour du pape argentin conduit comme naturellement à l’adoration eucharistique, belle et prolongée, avec cet ostensoir sci
ntillant d’or qui permet aux jeunes d’apercevoir Jésus présent dans l’eucharistie de très loin. C’était peut-être le plus grand défi de la JMJ: plus de deux millions de jeunes en silence devant le Saint-Sacrement exposé, sur le rivage atlantique.

Un temps de silence sur quatre kilomètres de sable, pour redire intérieurement les réponses proclamées en foule, pour intérioriser les témoignages entendus, les grandes émotions de la soirée et de la semaine. Le silence aussi fait partie de l’entraînement.

Transformés par le Christ vivant

Dans son témoignage, Carlos Lins avait raconté, en début de veillée, comment le chômage de son père l’a fait passer à une vie « simple » et que peu à peu il est tombé dans la drogue, avec sa fiancée, qui touchait à la magie noire. Ils ont vécu un avortement, qui a été un tel choc qu’il a cherché des réponses au sens de sa vie. Puis un jour il a réussi à dire à sa maman: « Maman je t’aime ». Il s’est approché d’un groupe de pastorale des jeunes et il a abandonné la drogue. Et le voilà engagé dans l’organisation de la JMJ.

Un prêtre du Mato Grosso, le père Matthias, a souligné que la vocation ne s’apprend pas seulement au séminaire, mais auprès de la communauté chrétienne: il a dit sa joie d’avoir rencontré une « Eglise vivante, assoiffée de la parole de Dieu ». Dans certaines églises, il ne célèbre la messe qu’une fois par mois.

Felipe, de l’Etat du Parana, a témoigné, en fauteuil, de la joie de sa participation à la JMJ de Madrid: une expérience « forte de Jésus » qui l’a « encouragé dans la foi » et il est revenu au Brésil « avec la flamme de l’Esprit », avec « le feu de l’Esprit qui suscite la force tous les jours ». Et puis un jour, il portait ses économies, on lui a tiré dessus pour le voler. Il aurait dû mourir. Mais les pompiers l’ont ranimé après un arrêt cardiaque. Mais il est resté dans le coma. Sa mère n’a pas cessé de prier et il a survécu. « Ma croix, dit il, c’est ce fauteuil roulant ». Puis il invite chacun, même les cardinaux et les évêques a prendre la croix qu’il portent au cou, à la regarder, à l’accueillir. « On a voulu me l’arracher, témoigne-t-il :ils n’ont pas pu ».

Une jeune fille de 21 ans témoigne de son changement de vie, qui est passé par un changement de relation avec sa mère. Après sa rencontre du Christ, elle a été transformée, confie-t-elle, au point de cesser de dire des gros mots. Elle a commencé à trouver des réponses aux épreuves de la vie dans l’Ecriture. Sa mère ne pouvait plus marcher. Et elle a été guérie. Leur relation a été transformée. Elle ne se lasse pas de parler de Jésus

La cabane du pape

Après la bénédiction eucharistique, les jeunes ont chanté à plein poumon l’hymne « Jesus Christ you are my life », comme en l’An 2000 avec Jean-Paul II, père des JMJ et si présent aussi dans le coeur de cette nouvelle génération de JMJistes.

De retour à sa résidence de Sumaré le pape a concentré son message aux jeunes du monde dans un troisième « tweet »: « Chers jeunes, soyez de vrais « athlètes du Christ » ! Jouez dans son équipe! »

« Si Dieu est Brésilien, plaisante-t-on à Rio, le pape est Carioca ». Et la plage de Notre Dame de Copacabana est rebaptisée: « Papacabana »… la lumineuse cabane du pape, comble, et baignée par l’Océan.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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