Paix: l'action pacificatrice du Saint-Siège

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Europe: un traité qui doit faire honneur au continent

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CITE DU VATICAN, Mercredi 5 mars 2003 (ZENIT.org) – « Le Saint-Siège n’est pas pacifiste à tout prix, parce qu’il admet la légitime défense de la part des Etats. Il faut plutôt dire que le Saint-Siège est toujours pacificateur, en travaillant intensément à prévenir l’apparition des conflits », explique le cardinal Sodano.

Dans un entretien exceptionnel accordé au quotidien italien d’inspiration catholique L’Avvenire (www.avvenire.it), le cardinal Secrétaire d’Etat Angelo Sodano explique la position du Saint-Siège en ce qui concerne l’Europe et en ce qui concerne la résolution pacifique de la crise iraquienne.

Nous avions donné un aperçu de cet entretien dans notre édition du 18 février (ZF030218). L’Osservatore Romano hebdomadaire en français du 4 mars en propose la traduction intégrale que voici (cf. www.vatican.va)

– « Réflexions du Cardinal-Secrétaire d’Etat, Angelo Sodano,
sur les sujets les plus marquants de l’actualité » –

En ces temps de graves préoccupations pour la situation en Irak et en Terre Sainte, le Saint-Père a tout de même tenu à insister à nouveau sur l’héritage chrétien de l’Europe. Quelle en a été la raison?

La raison immédiate était la célébration liturgique des saints Cyrille et Méthode, apôtres des slaves, co-patrons de l’Europe avec saint Benoît. Cette fête liturgique a offert au Saint-Père l’occasion d’offrir une réflexion sur l’héritage chrétien du continent européen. Certes, la préoccupation au sujet de la paix est toujours présente. La position du Saint-Siège a d’ailleurs été exprimée en de nombreuses occasions et elle est bien connue. Le Saint-Siège n’est pas pacifiste à tout prix, parce qu’il admet la légitime défense de la part des Etats. Il faut plutôt dire que le Saint-Siège est toujours pacificateur, en travaillant intensément à prévenir l’apparition des conflits. Ce qui est exactement le cas à présent. Le Pape et tous ses collaborateurs ne cessent d’appeler les parties en cause à éviter que n’éclate une guerre. Telle est également la position de l’épiscopat catholique. Il y a trois jours à peine, le Cardinal Mahony, Archevêque de Los Angeles, écrivait que la guerre ne résoudra pas les problèmes du Moyen-Orient, arrivant à la conclusion que celle-ci serait même la pire solution, the worst solution. Utilisant toutes les ressources possibles afin de résoudre la tension actuelle, le Pape a envoyé à Bagdad le Cardinal Etchegaray qui, hier, de retour à Rome, a parlé d’une « petite éclaircie ». Il faudra persévérer dans cette direction.

Le Pape n’insiste pas seulement sur l’héritage chrétien de l’Europe. Récemment, après la diffusion par le Comité de Présidence de la Convention du projet provisoire des 16 premiers articles de la Constitution européenne, une certaine perplexité s’est fait jour.

C’est vrai. J’ai lu moi aussi les commentaires en tous genres, dont celui d’un membre de la Convention qui, « à chaud », se demandait si par hasard les rédacteurs du projet avait suivi les travaux d’une autre Convention… Sans entrer dans des analyses strictement politiques, qui du reste ne relèvent pas de la compétence du Saint-Siège, je crois qu’il faut reconnaître que le projet contient des éléments fondamentaux pour la vie de l’Union. Par ailleurs, voilà quelques mois, les épiscopats de l’Union européenne ont eux aussi rappelé l’importance de certaines valeurs, qui se trouvent en effet mentionnées dans ce projet: je pense au respect de la dignité humaine, des droits fondamentaux et de la solidarité.

Le Saint-Siège, toutefois, a manifesté une certaine surprise…

Nous ne sommes pas surpris de ce que l’on y trouve, mais plutôt de ce que l’on n’y trouve pas, et que, en revanche, on pourrait y trouver. Par exemple, une référence au respect du statut juridique dont jouissent les Eglises et les communautés religieuses dans les Etats-membres, pourquoi pas dans l’article 1 ou 9 du projet.

On pourrait l’y trouver, tout n’est donc pas perdu…

En effet. Tout d’abord, un espace a été laissé pour présenter des amendements. En outre, comme l’a assuré le président Giscard d’Estaing lui-même, il existe d’autres cadres du traité constitutionnel au sein desquels pourront trouver une place les requêtes des chrétiens européens. Sur ce point, catholiques, orthodoxes et protestants sont totalement unis.

A propos de ces requêtes: il en est souvent question, mais la plupart du temps d’une façon vague et contradictoire. Pourriez-vous nous les synthétiser brièvement?

Je pense que la meilleure synthèse est celle qu’a présentée le Saint-Père, au début de cette année, en s’adressant au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège. Les chrétiens européens demandent l’insertion de trois dispositions législatives, d’égales importances et complémentaires entre elles. Elles consistent en la reconnaissance juridique des Eglises et des communautés religieuses, ce qui, concrètement, implique le droit pour chacune d’entre elles de s’organiser librement, conformément à ses statuts et à ses objectifs; en la sauvegarde de l’identité spécifique des Eglises et des communautés religieuses et, en vertu de leur contribution à la vie publique, en la prévision d’un dialogue structuré entre l’Union et les confessions religieuses; enfin, dans le respect, par la législation de l’Union, du statut juridique dont jouissent les confessions religieuses en application des législations nationales des Etats-membres

Est-il important que cette position soit également partagée par les autres confessions chrétiennes?

Comme l’on dit: « L’union fait la force! » Et je voudrais ajouter que le travail accompli en harmonie avec les autres confessions chrétiennes demeure également un moment important et efficace de collaboration oecuménique

Reconnaître le droit des confessions de s’organiser selon leurs statuts propres pourrait favoriser, selon certains, les « sectes » et l’extrémisme musulman dans certains pays-membres ou candidats. Qu’en pensez-vous?

Une telle reconnaissance garantirait au contraire l’exercice de la liberté religieuse de tous les croyants européens. Les dangers éventuels liés à l’extrémisme religieux ne dépendent pas du plein exercice de la liberté religieuse, mais plutôt du respect de l’Etat de droit, des droits fondamentaux et des principes propres aux systèmes démocratiques. J’ajoute que le respect de la liberté religieuse est une chose, et que la reconnaissance juridique des groupes qui se définissent comme tel en est une autre.

Pour revenir sur ces requêtes « oecuméniques », la troisième d’entre elles est déjà inclue dans la « Déclaration 11 » annexée au Traité d’Amsterdam. Pourriez-vous, par contre, nous expliquer ce qu’il faut entendre par « dialogue structuré »?

Il est important que ce que la Déclaration 11 affirme à propos des Eglises et des communautés religieuses acquière maintenant une pleine valeur normative, à travers son insertion dans le traité. En ce qui concerne ce « dialogue structuré », nous pensons à un dialogue constant, dont les formes seraient bien définies pour ne pas qu’il dépende d’une sorte d’attention bienveillante de la part des institutions communautaires à notre égard, sur les sujets qui concernent la vie des Eglises et des confessions religieuses. Je ne crois pas du tout que demander à être écoutés s’oppose à la laïcité des institutions civiles: à moins que par laïcité on entende la marginalisation ou, pire, l’exclusion de la valeur publique des religions.

Mais ne serait-il pas suffisant que le traité constitutionnel inscrive formellement l’engagement de l’Union à dialoguer avec les organisations de la société civile?

Nous serions tout à fait heureux que l’Union dialogue avec ces organisations. Mais celles-ci sont différentes des Eglises et des communautés religieuses. En forçant un peu le trait, on pourrait observer que ces dernières ne peuvent être mises sur le même plan qu’une amicale bouliste ni non plus comparées à un cercle philantropique, qui sont deux réalités très positives, mais tout à fait différentes. Dans cette optique, j’ajoute qu’il serait tout aussi inapproprié de prévoir un tel dialogue dans le cadre du Comité économique et social.

Nous n’avons pas encore abordé ce qui a peut-être le plus suscité l’attention des journaux, je veux parler de l’héritage chrétien de l’Europe.

Le Saint-Siège désire qu’il soit fait mention de ce patrimoine. Cela ne constitue pas l’aspect le plus conséquent de nos requêtes, nous lui accordons toutefois de l’importance parce qu’il recouvre une donnée historique indéniable: les racines culturelles des valeurs européennes sont multiples mais le christianisme a contribué à forger celles-ci de manière particulière. Les étudiants non chrétiens de la Sorbonne, par exemple, peuvent fréquenter cette université parce qu’elle fut fondée en 1257 par le chanoine Robert de Sorbon. Même les partisans du laïcisme utilisent le calendrier en vigueur, qui est appelé « grégorien » parce qu’en 1582, le Pape Grégoire XIII réforma le calendrier « julien », en usage jusqu’alors. Le dimanche, que tous les Etats européens reconnaissent comme un jour férié est la célébration du jour du Seigneur. La civilisation chrétienne est imprégnée par des valeurs chrétiennes.

On y objecte que la meilleure manière de reconnaître la contribution offerte par les chrétiens à l’Europe est de respecter les principes qu’ils ont promus, sans prétendre également à une référence explicite à la vie des Eglises.

Je trouve étrange de croire que la méthode la plus efficace de reconnaître quelqu’un ou quelque chose est de les ignorer. D’autant plus qu’un grand nombre de ceux qui soutiennent la thèse que vous citez, minimise ensuite la contribution spécifique du christianisme par rapport à d’autres héritages, qui pourraient de toute manière être également rappelés. On m’a raconté que Robert Schuman se serait un jour exclamé que le lieu où il se sentait le plus européen étaient les cathédrales. Aujourd’hui, par contre, on risque de penser que les « cathédrales » ne revêtent aucune importance pour l’Europe. Au-delà de cette métaphore, certains pensent que l’existence de confessions chrétiennes qui oeuvrent à la vie de ce continent serait à peu près insignifiante pour l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

En somme, ceux qui accusent l’Eglise de vouloir réduire l’Union européenne à un « club » chrétien font fausse route.

L’Union européenne est une institution juridico-politique définie par un certain nombre de traités, qui lient entre eux les Etats-membres. Selon une recherche que j’ai lue il y a peu de temps, environ 81% de l’ensemble des citoyens des 15 pays membres et des 10 Etats qui ont été invité à les rejoindre en 2004, se reconnaît dans les confessions chrétiennes. L’Europe est donc aussi l’Europe des chrétiens. Ignorer cet aspect reviendrait à faire l’Europe sans porter la considération qui leur est due aux Européens. Cela entrerait en contradiction avec les principes d’un pluralisme authentique et, donc, d’une saine démocratie, par lesquels on souhaite pourtant que se distingue le traité constitutionnel. Ce devra être un traité qui fasse honneur à l’Europe dans le monde entier.

© L’Osservatore Romano – 4 mars 2003

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ZENIT Staff

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