Pain du Ciel, né de la Vierge Marie « assumée » au Ciel

Print Friendly, PDF & Email

Mgr Follo : Commentaire des lectures des messes de l’Assomption et du dimanche 16 août.

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, Mgr Francesco Follo, offre ce commentaire des lectures de la messe de l’Assomption, samedi 15 août et du dimanche 16 août 2015, XXe du Temps Ordinaire. Il rapproche la figure de Marie « emportée au ciel » et celle de Jésus Eucharistie. Mgr Follo offre ensuite à notre méditation une lecture patristique, extraite du Commentaire sur l’évangile de Jean, de Théophylacte (+ 1109) sur « le mystère de la communion ».

– Solennité de l’Assomption de La Vierge Marie – 15 août 2015

Ap 11,19a; 12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1 Co 15,20-27a ; Lc 1, 39-56

Rite Romain

XXe dimanche du Temps Ordinaire – Année B – 16 août 2015

Pr 9,1-6 ; Ps 33 ; Ep 5,15-20 ; Jn 6,51-58

Rite Ambrosien

XIIe dimanche après la Pentecôte

Jr 25, 1-13 ; Ps 136 ; Rm 11, 25-32 ; Mt 10, 5b-15

Prémices

En cette année 2015, la solennité de l’Assomption 1], le 15 août, tombe un samedi et est donc immédiatement suivie par le XXe dimanche du Temps Ordinaire, qui propose le récit de l’Evangile, où le pain ne symbolise plus seulement la Parole de Jésus accueillie dans la foi, mais le sacrement de l’Eucharistie (Jn 6, 51-58). Il s’agit de deux fêtes dont le cœur est Marie emportée au Ciel et le Christ qui apporte le Ciel. Je pense donc qu’il serait utile de les présenter ensemble.

A) ASSOMPTION

1) Marie, Arche de l’Alliance

La solennité de l’Assomption est – je crois – la plus importante des fêtes dédiées à la Madone, parce que l’Église y célèbre le mystère de notre résurrection qui, en la personne de Marie, est déjà arrivée. La fête d’aujourd’hui nous montre que Marie, la Vierge Mère, est celle qui a vécu complètement sa vie dans le Christ. En effet, la tradition, surtout la tradition orientale, ne parle pas de la mort de la Madone, mais de sa « Dormition » : ainsi, elle ne meurt pas à la vie, mais elle l’achève de telle façon que Dieu la « porte au ciel ». Avec la célébration de la Vierge « assumée » au ciel, la liturgie nous apprend que la mère de Dieu est la personne humaine qui, au ciel, partage la plénitude de la gloire et jouit du bonheur même de Dieu. En même temps, on nous demande de devenir, dans notre petitesse, des « arches » vivantes du Dieu toujours avec nous, « demeures » de la présence de Dieu où les hommes peuvent Le rencontrer pour qu’ils puissent ainsi vivre en communion avec Lui et connaître la réalité du Ciel, dans la joie.

La solennité d’aujourd’hui est une fête de joie, parce que l’amour a gagné. La vie a gagné. L’amour démontre qu’il est plus fort que la mort. Dieu a la vraie force et sa force est bonté et amour. Le corps de la Vierge Marie ne pouvait pas connaître la corruption de la tombe parce qu’il avait porté en lui l’Auteur de la Vie. En regardant ce corps, transfiguré par la gloire de Dieu, nous pouvons connaître le destin de notre corps. La mort n’a pas le dernier mot sur la vie. Elle est – c’est ce dont nous assure le mystère de l’Assomption – un passage vers la Vie à la rencontre de l’Amour.

L’Assomption est aussi notre fête parce qu’elle célèbre ce que nous serons, ce qui doit encore arriver en nous et qui, certainement, arrivera.

C’est donc une fête d’espérance joyeuse, pour nous tous et toutes, parce qu’en Marie nous contemplons le fait que la vie ne se termine pas dans le néant mais dans le cœur de Dieu. Ce cœur est le but vers lequel nous allons quand nous lions notre vie à celle de Jésus. En suivant le Christ, comme l’a fait Notre Dame, nous aussi serons auprès de Lui en Dieu pour toujours, parce qu’en Dieu « il y a de la place pour l’homme » (pape François).

Mais il est vrai aussi que « dans l’homme il y a de la place pour Dieu » (ibid.). Personne plus que Marie n’a fait de l’espace, de la place à Dieu. Cela est vrai au point que l’un des noms avec lequel nous la prions est : « Arche de l’Alliance ». Notre Dame est l’arche vivante de l’Alliance. Saint Jean de Damas (676-749), parlant déjà de ce mystère, enseignait : « Aujourd’hui la Sainte et Unique Vierge est amenée au temple céleste… Aujourd’hui l’arche sacrée et animée du Dieu Vivant, l’arche qui a porté dans ses entrailles son Créateur, se repose dans le temple du Seigneur, qui n’a pas été construit par les mains de l’homme » (Homélie II sur la Dormition, 2, PG 96, 723). Il poursuit : « Il fallait que celle qui avait hébergé dans ses entrailles le Logos (Parole, Verbe) divin soit transférée dans le tabernacle de son Fils… Il fallait que l’Epouse choisie par le Père habite dans la chambre nuptiale du Ciel » (ibid., 14, PG 96, 742).

Marie, premier tabernacle de la Présence réelle de Dieu dans le monde, est la nouvelle arche de l’Alliance, devant laquelle le cœur exulte de joie, comme le cœur de Jean le Précurseur exulta dans les entrailles d’Elisabeth quand la Vierge Marie visita sa mère dans le petit village d’Ain Karim, à quelques kilomètres de Jérusalem.

Marie, la Mère de Dieu, nous apprend à ne pas garder cette Présence céleste pour nous seuls, mais à l’offrir en apportant la lumière du bien dans l’obscurité présente dans le monde. Le Pain du Ciel, partagé entre frères et sœurs, est l’aliment pour notre exode d’amour vers le Ciel.

Note 1 : La proclamation du dogme de l’Assomption est assez récente (1950), mais cette fête est très ancienne et dans la tradition des Églises orientales elle est appelée “Dormition”. Les premières indications sur l’Assomption de Marie remontent à la période comprise entre la fin du IVe siècle et la fin du Ve siècle. Par exemple, saint Ephrem le Syrien (306-373) soutenait que le corps de Marie n’avait pas subi la corruption après sa mort.

B) XXe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

2) Marie, Femme eucharistique

Avec l’Assomption nous célébrons la Mère du Christ, qui entre dans la Jérusalem céleste pour rencontrer le visage du Père et de son Fils. Le chemin qu’elle a commencé en allant chez sa cousine Elisabeth se termine au Ciel. Pour être plus précis, je dois dire que dans le voyage de la vie, Marie ne s’est jamais détachée de son Fils. Dès le début, après l’avoir mis au monde à Bethléem, elle s’enfuit avec le petit Jésus en Egypte. Retournée dans sa patrie, elle alla à Nazareth, où, pendant trente ans, elle contribua à faire grandir le Christ jusqu’à l’âge adulte. Dès lors, elle Le suivit quand Il quitta son petit village de Galilée pour aller prêcher dans les villes et villages d’Israël. Enfin, elle L’accompagna jusque sous la Croix, « en souffrant avec son Fils et en s’associant avec une âme maternelle à Son sacrifice » (Lumen Gentium, 58).

En restant fidèlement sous la Croix, Marie s’unit complètement au sacrifice d’offrande de son Fils. De cette façon, elle vécut « une sorte d’Eucharistie anticipée, on pourrait dire, une communion spirituelle de désir et d’offrande, qui eut son accomplissement dans l’union à son fils dans la Passion » (Ecclesia de Eucharistia, 56).

L’Evangile de ce XXe dimanche du Temps Ordinaire, dans lequel le Christ parle de Lui-même comme pain vivant est bien commenté par l’antienne grégorienne du XIVe siècle « Ave, verum Corpus, natum de Maria Virgine » (Je Te salue, vrai Corps, né de la Vierge Marie) qui indique le rapport essentiel de la Mère de Jésus avec l’Eucharist
ie, comme l’Église le croit et le chante. Se référer à Marie est sans doute une garantie de la foi, droite, en présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie. Par exemple, quand Bérenger (+ 1088) proposa une interprétation symbolique de l’Eucharistie en vidant le réalisme du corps du Christ, le Concile romain de 1079 lui imposa de souscrire que le pain et le vin après la consécration sont « le vrai corps du Christ qui est né de la Vierge » (DS 700).

Ainsi, on met en évidence le rôle de la Mère qui est à l’origine de la vraie humanité de son Fils. Marie nous rappelle que le Verbe incarné dans ses entrailles est le même pain de vie offert comme aliment aux fidèles. Elle joue le rôle précieux de lier le Sacrement de l’Eucharistie avec le mystère de l’Incarnation. Saint Bernard de Clairvaux se fit donc l’interprète de la reconnaissance à Marie des fidèles qui reçoivent l’Eucharistie en disant : « Ici je vous prie de considérer combien nous sommes débiteurs à la bienheureuse Mère de Dieu et combien de remerciements nous lui devons après avoir remercié Dieu. Ce corps du Christ que la très heureuse Vierge engendra, garda dans ses entrailles avec amour, enveloppa de langes, nourrit avec une maternelle sollicitude, c’est le même et sans doute pas un autre que nous recevons au saint autel et son sang nous le buvons dans le Sacrement de notre Rédemption » (Sermo 2 de Natali Domini).

A l’exemple de Notre Dame, les Vierges consacrées dans le monde sont – elles aussi – des femmes eucharistiques qui cultivent en elles-mêmes, et d’une façon particulière, les deux incontournable attitudes pour vivre l’Eucharistie : celle de l’amour et celle de l’offrande.

Ces femmes nous apprennent à nous identifier aux sentiments de Marie quand elle prenait part à la Messe et lorsqu’elle communiait. Sentiments bien exprimés par saint Jean-Paul II : « Ce corps offert en sacrifice, et représenté sous les signes sacramentels, était le même que celui qu’elle avait conçu en son sein ! Recevoir l’Eucharistie devait être pour Marie comme si elle accueillait de nouveau en son sein ce cœur qui avait battu à l’unisson du sien et comme si elle revivait ce dont elle avait personnellement fait l’expérience au pied de la Croix » (Ecclesia de Eucharistia, 56).

Comme la Vierge Marie, les Vierges consacrées participent à la célébration de l’Eucharistie avec la joie qui vient de la foi (cf. Ac 8,8.3 ; 13,48.52 ; 16,34), que Notre Dame avait expérimentée et exprimée dans le Magnificat (Lc 1,46-47), et la simplicité du cœur qui est propre à qui est pauvre en esprit et aux personnes qui vivent d’une manière évangélique.

Ces femmes consacrées témoignent avoir compris à quel point il est incontournable de se donner complètement au Christ qui, dans l’Eucharistie, s’est donné Lui-même, et a donné son amour. Cet amour vise l’éternité et la vie que Jésus nous communique, en se faisant pain, est la vie éternelle. Cette vie vraie n’est pas seulement pour l’au-delà mais aussi pour ici-bas et, déjà, dès maintenant, elle redonne dignité aux jours terrestres de l’homme et, donc, à sa vie quotidienne, à son travail qu’il cherche à concilier avec les temps de la fête et de la famille et par lequel il s’efforce de dominer l’incertitude liée à ce qui est provisoire.

Lecture Patristique

Théophylacte (+ 1109)

Commentaire sur l’évangile de Jean,

PG 123, 1309-1312

Nous venons d’entendre cette parole : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils, vous n’aurez pas la vie » (Jn 6,53). Lorsque nous participons aux divins mystères, il ne faut donc pas que notre foi chancelle, ni que nous cherchions à connaître la manière dont cela se fait. Car l’homme laissé à sa seule nature, j’entends celui qui obéit à des pensées purement humaines ou naturelles, n’accueille pas les réalités surnaturelles et spirituelles.

Ainsi ne comprend-il pas ce qu’est la nourriture spirituelle procurée par la chair du Seigneur. Ceux qui ne la reçoivent pas en communion n’auront aucune part à la vie éternelle, parce qu’ils n’auront pas reçu Jésus, qui est la vraie vie. Car la chair que nous mangeons n’est pas celle d’un être simplement humain, mais celle d’un Dieu. Unie à la divinité, elle est assez puissante pour nous déifier. Elle est aussi une vraie nourriture : son efficacité ne dure pas seulement quelques instants, et elle ne se décompose pas à la manière d’une nourriture passagère, mais elle est un secours pour la vie éternelle.

De même, la coupe du sang du Seigneur est une vraie boisson, car elle n’étanche pas notre soif pour un temps limité, mais elle préserve pour toujours de la soif celui qui la boit, et elle ne le laisse pas insatisfait, comme le Seigneur l’a dit à la Samaritaine : « Celui qui boira de l’eau que moi, je lui donnerai, n’aura plus jamais soif » (Jn 4,14). En effet, quiconque recevra la grâce de l’Esprit Saint en participant aux divins mystères, ne souffrira ni de la faim spirituelle ni de la soif, comme ceux qui n’ont pas la foi.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi (Jn 6,56-57). Cette parole nous apprend à connaître le mystère de la communion. Ainsi celui qui mange la chair et boit le sang du Seigneur demeure-t-il dans le Seigneur, et le Seigneur en lui. Ainsi s’opère un mélange merveilleux et inexplicable, si bien que Dieu est en nous et nous en Dieu.

La parole que tu viens d’entendre ne te remplit-elle pas de crainte ? Nous ne mangeons pas Dieu purement et simplement, car il est impalpable et incorporel, et il ne peut être saisi ni par les yeux ni par les dents. Nous ne mangeons pas non plus la chair d’un être simplement humain, car elle ne pourrait nous être d’aucun secours. Mais depuis que Dieu s’est uni un corps selon une union ineffable, ce corps aussi est vivifiant. Non qu’il se soit changé en la nature divine – absolument pas – mais de la même manière que le fer rougi au feu reste du fer et dégage l’énergie du feu.

C’est ainsi que le corps du Seigneur, étant le corps du Verbe de Dieu, a aussi le pouvoir de donner la vie tout en restant un corps. De même que je vis par le Père, dit Jésus, c’est-à-dire de même que je suis engendré par le Père, qui est Vie, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi, en étant uni à moi, et pour ainsi dire transformé en moi, qui ai le pouvoir de donner la vie.

Oh ! Le Saint Sacrement ! L’Eucharistie ! Que de merveilles n’opérait-il pas chaque fois dans l’âme très sainte et immaculée de l’auguste Vierge Marie, notre mère bien-aimée, et dans son être tout entier si magnifiquement divinisé dans l’amour… Quand elle recevait le Pain consacré, elle le considérait avec une foi parfaite : ses yeux de chair ne voyaient qu’une apparence de pain, mais son regard intérieur, éclairé par la lumière divine, dépassait les apparences et, pénétrant la substance réelle, découvrait le Fils de Dieu caché dans les voiles de l’Hostie… Elle l’adorait maintenant sous la forme d’un peu de pain, comme jadis sous la forme d’un petit enfant vagissant et frêle, comme elle l’avait adoré pendant tout son ministère public, et dans le divin crucifié du Calvaire. Pauvre Mère ! C’était toute la Passion de son Jésus, qui, en ces moments, repassait devant elle ! Et c’est ce qu’elle a toujours vu jusqu’à la fin de sa vie en ce monde ! Si elle pouvait supporter ce spectacle horrible avec sérénité, c’est parce qu’elle savait que sa mission sur la terre était terminée ; qu’il avait donné tout ce que l’amour infini d’un Dieu pouvait donner et que, grâce à lui, à son sacrifice, tous les pauvres humains dont elle est la Mère ét
aient sauvés ! Tous ? Hélas, non ! Car je vois souvent ses yeux se porter au loin avec une expression de douleur indéfinissable et des larmes brûlantes couler sur son visage. L’arche d’Alliance était faite de bois précieux lamé d’or. Pourtant elle ne contenait que les tables de la loi et un peu de manne. Combien plus riche et plus précieux était le tabernacle de la loi nouvelle, Marie, l’immaculée Mère de Jésus et notre Mère à nous. Dieu la fit sans tache, pour recevoir la Pureté vivante et essentielle !

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel