P. Cantalamessa : la vie est une attente, mais l’attente est vie !

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Méditation de l’Evangile du dimanche 3 décembre, 1er dimanche de l’Avent

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ROME, Vendredi 1er décembre 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 21, 25-36

Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »

Et il leur dit cette parabole : « Voyez le figuier et tous les autres arbres. Dès qu’ils bourgeonnent, vous n’avez qu’à les regarder pour savoir que l’été est déjà proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas sans que tout arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.

Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »

© AELF

La vie est une attente

L’automne est le moment idéal pour méditer sur les choses humaines. Nous avons devant nous le spectacle annuel des feuilles qui tombent des arbres. On y a vu depuis toujours une image du destin de l’homme. « On est – comme en automne – les feuilles – sur les arbres », dit le poète Giuseppe Ungaretti. Une génération vient, une génération va…

Mais est-ce vraiment cela notre destin final ? Plus misérable que celui de ces arbres ? L’arbre, après s’être dépouillé, refleuri au printemps. Une fois tombé à terre, l’homme, en revanche, ne voit plus la lumière. Au moins, la lumière de ce monde… Les lectures de ce dimanche nous aident à donner une réponse à cette question, la plus angoissante et la plus humaine des questions.

Je me souviens avoir vu, lorsque j’étais enfant, dans un film ou un petit livre d’aventure, une scène qui est restée gravée dans ma mémoire. Un pont sur lequel passait une ligne de chemin de fer s’est écroulé au cours de la nuit ; un train, qui n’en savait rien, arrive à grande vitesse ; le gardien du passage à niveau se place au milieu des rails en criant : Stop ! Stop ! » agitant une lanterne pour signaler le danger ; mais le conducteur est distrait et ne le voit pas. Il avance, entraînant derrière lui le train qui plonge dans le fleuve… Je ne voudrais pas exagérer mais il me semble que c’est l’image de notre société qui avance à toute allure, au rythme du rock’n roll, en ignorant tous les signaux d’alarme qui ne viennent pas seulement de l’Eglise mais de nombreuses personnes qui se sentent responsables de l’avenir…

Le premier dimanche de l’Avent marque le début d’une nouvelle année liturgique. L’Evangile qui nous accompagnera au cours de cette année, cycle C, est celui de Luc. L’Eglise saisit l’occasion de ces moments forts, de transition, d’une année à l’autre, d’une saison à l’autre, pour nous inviter à nous arrêter un instant, à faire le point sur notre route, à nous poser les questions qui comptent : « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Et surtout, où allons-nous ? ».

Dans les lectures de la messe de ce dimanche, tous les verbes sont au futur. Dans la première lecture nous entendons ces paroles de Jérémie : « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai naître chez David un Germe de justice… ».

A cette attente, réalisée avec la venue du Messie, le passage de l’Evangile donne un horizon ou un contenu nouveau, qui est le retour glorieux du Christ à la fin des temps. « Les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire ».

Ce sont des couleurs et des images apocalyptiques, de catastrophes. Et pourtant il s’agit d’un message de réconfort et d’espérance. Il nous dit que nous n’allons pas vers un vide et un silence éternels mais vers une rencontre, la rencontre avec celui qui nous a créés et qui nous aime plus que notre père et notre mère. Un autre passage de l’Apocalypse décrit cet événement final de l’histoire comme l’entrée à un banquet nuptial. Il suffit de rappeler la parabole des dix vierges qui entrent avec l’époux dans la salle des noces, ou l’image de Dieu qui, sur le seuil de l’autre vie, nous attend pour essuyer la dernière larme restée suspendue à nos yeux.

Du point de vue chrétien, toute l’histoire humaine est une longue attente. Avant le Christ, on attendait sa venue, après lui on attend son retour glorieux à la fin des temps. Précisément pour cette raison, le temps de l’Avent a quelque chose de très important à nous dire pour notre vie. Un grand écrivain espagnol, Calderon de la Barca, a écrit une œuvre célèbre intitulée : « La vie est un songe ». Il est tout aussi juste d’affirmer : la vie est une attente ! Il est intéressant que ce soit précisément le thème de l’une des œuvres théâtrales les plus célèbres de notre époque : « En attendant Godot » de Samuel Beckett…

Les bureaux des personnes importantes ont tous des « salles d’attente ». Mais tout bien réfléchi la vie même est une salle d’attente. Nous nous impatientons lorsque nous sommes obligés d’attendre, pour une visite, pour une démarche administrative. Mais malheur à nous si nous cessions d’attendre quelque chose. Une personne qui n’attend plus rien de la vie est morte. La vie est une attente, mais le contraire est également vrai : l’attente est vie !

Qu’est-ce qui différentie l’attente du croyant de toute autre attente, par exemple de l’attente des deux personnages qui attendent Godot ? Ces derniers attendent un mystérieux personnage (qui serait même selon certains, Dieu, God, en anglais), sans toutefois posséder la moindre certitude qu’il viendra vraiment. Il devait venir le matin, il envoie dire qu’il viendra l’après-midi, l’après-midi qu’il ne peut pas venir maintenant, mais qu’il viendra sûrement dans la soirée, le soir, qu’il viendra peut-être le lendemain matin… Les deux pauvres personnages sont condamnés à l’attendre, ils n’ont pas le choix.

Ce n’est pas le cas du chrétien. Il attend quelqu’un qui est déjà venu et qui marche à ses côtés. Pour cette raison, après le premier dimanche de l’Avent où l’on évoque le retour final du Christ, les dimanches qui suivent, nous écouterons Jean-Baptiste qui nous parle de sa présence au milieu de nous : « Au milieu de vous, dit-il, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas ! » (Jn 1, 26). Jésus est présent au milieu de nous, non seulement dans l’Eucharistie, dans la parole, dans les pauvres, dans l’Eglise… mais, par grâce, il habite dans nos cœurs et le croyant en fait l’expérience.

L’attente du chrétien n’est pas une attente vide, elle ne signifie pas laisser passer le temps. Dans l’Evangile de ce dimanche Jésus dit également comment doit être l’attente des disciples, comment ils doivent se comporter en attendant, pour ne pas être pris par surprise : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans la débauche,
l’ivrognerie et les soucis de la vie…. Restez éveillés et priez en tout temps ».

Mais nous aurons l’occasion de reparler de ces devoirs moraux. Je termine par un souvenir lié au cinéma. Deux grandes histoires d’iceberg ont été portées à l’écran. L’une est celle du Titanic, que nous connaissons bien, l’autre est racontée dans le film de Kevin Kostner Rapa Nui, sortie il y a quelques années. Une légende de l’île de Pâques, située dans l’océan pacifique, dit que l’iceberg est en réalité un navire qui tous les, un certain nombre d’années, ou siècles passe près de l’île pour permettre au roi ou au héros de l’île de monter à bord et partir pour le règne de l’immortalité.

Il existe un iceberg sur la route de chacun de nous, notre sœur la mort. Nous pouvons faire comme si nous ne la voyions pas et ne pas y penser, comme les personnes insouciantes qui cette nuit-là faisaient la fête sur le Titanic, ou nous pouvons nous tenir prêts à y monter et nous laisser conduire vers le royaume des bienheureux. Le temps de l’Avent devrait également servir à cela…

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ZENIT Staff

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