P. Cantalamessa : « Jésus est venu ramener le mariage à sa beauté originelle »

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Commentaire de l’Evangile du dimanche 25 mars

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ROME, Vendredi 23 mars 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 8, 1-11

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.

Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui.

Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

© AELF

Jésus, la femme et la famille

L’Evangile du cinquième dimanche de Carême est l’épisode de la femme surprise en flagrant délit d’adultère que Jésus sauve de la lapidation. Jésus n’entend pas dire par là que l’adultère n’est pas un péché ou qu’il ne s’agit pas de quelque chose de grave. Les paroles qu’il adresse à la femme, à la fin, sont une condamnation explicite de l’adultère, même si extrêmement délicate : « Ne pèche plus ». Jésus n’entend donc pas approuver ce qu’a fait la femme ; il entend plutôt condamner le comportement de ceux qui sont toujours prêts à dévoiler et dénoncer le péché des autres. Nous l’avons vu la semaine dernière, en analysant l’attitude de Jésus envers les pécheurs en général.

A présent, comme de coutume, en partant de cet épisode, élargissons notre horizon en examinant l’attitude de Jésus envers le mariage et la famille dans l’ensemble de l’Evangile. Parmi les nombreuses thèses étranges avancées sur Jésus ces dernières années figure également la thèse d’un Jésus qui aurait répudié la famille naturelle et tous les liens familiaux, au nom de l’appartenance à une communauté différente, dont le père est Dieu et les disciples sont tous frères et sœurs. Jésus aurait proposé aux siens une vie errante comme le faisaient à cette époque, en dehors d’Israël, les philosophes ciniques.

Il existe effectivement dans les Evangiles des paroles du Christ sur les liens familiaux qui, à première vue, semblent déconcertantes. Jésus dit : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). Des paroles dures, certes, mais l’évangéliste Matthieu s’empresse d’expliquer le sens de la parole « haïr » dans ce contexte : « Qui aime son père ou sa mère… son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Jésus ne demande donc pas de haïr les parents ou les enfants, mais de ne pas les aimer au point de renoncer à cause d’eux à le suivre.

Il existe un autre épisode déconcertant. Un jour Jésus dit à quelqu’un : « ‘Suis-moi’. Celui-ci dit : ‘Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père’. Mais Jésus réplique : ‘Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu’ » (Lc 9, 59 s.). Ciel, ouvre-toi ! Certains critiques se déchaînent ici. Il s’agit d’une demande scandaleuse, une désobéissance à Dieu qui ordonne de prendre soin des parents, une violation éclatante des devoirs filiaux !

Le scandale de ces critiques est pour nous une preuve précieuse. Il est impossible d’expliquer certaines paroles du Christ tant qu’on le considère simplement comme un homme, même en reconnaissant qu’il est exceptionnel. Seul Dieu peut demander qu’on l’aime davantage que son propre père et que, pour le suivre, on renonce par conséquent à assister à sa sépulture. D’ailleurs, dans une perspective de foi comme celle du Christ, qu’est-ce qui faisait davantage plaisir au père défunt : que son fils soit à la maison à ce moment-là à enterrer son corps ou qu’il soit en train de suivre l’envoyé de ce Dieu auquel son âme devait maintenant se présenter ?

Mais dans ce cas, l’explication est peut-être encore plus simple. On sait que l’expression : « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père » était parfois utilisée (comme elle l’est encore) pour dire : laisse-moi aller prendre soin de mon père tant qu’il est vivant ; lorsqu’il sera mort, je l’enterrerai puis je te suivrai ». Jésus demanderait par conséquent seulement de ne pas renvoyer à un moment indéterminé la réponse à son appel. Combien parmi nous religieux, prêtres et religieuses se sont retrouvés à devoir faire ce même choix et souvent les plus heureux de notre obéissance ont été nos parents.

Le désarroi face à ces demandes de Jésus vient en grande partie du fait que l’on ne tient pas compte de la différence entre ce qu’il demandait à tous indistinctement et ce qu’il demandait seulement à quelques uns appelés à partager sa vie entièrement consacrée au royaume, comme c’est encore le cas aujourd’hui dans l’Eglise.

On pourrait examiner d’autres phrases célèbres de Jésus. On pourrait même l’accuser d’être responsable des difficultés proverbiales que les belles-mères et les brus ont à s’entendre, car il a dit : « Je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère » (Mt 10, 35). Mais ce n’est pas lui qui séparera ; ce sera l’attitude différente que chacun adoptera à son égard qui déterminera cette division. Un fait que l’on constate douloureusement également aujourd’hui dans de nombreuses familles.

Tous les doutes sur l’attitude de Jésus envers la famille et le mariage tombent si l’on tient compte de l’ensemble de l’Evangile et pas seulement des passages qui nous arrangent. Jésus est plus rigoureux que n’importe qui envers l’indissolubilité du mariage, il répète avec force le commandement d’honorer son père et sa mère jusqu’à condamner la pratique de se soustraire, avec des prétextes religieux, au devoir de les assister (cf. Mc 7, 11-13). Combien de miracles Jésus accomplit-il précisément pour répondre à la douleur de pères (Jaïre, le père de l’épileptique), de mères (la Cananéenne, la veuve de Naïn !), ou de plusieurs personnes vivant ensemble (les sœurs de Lazare), c’est-à-dire pour honorer les liens de parenté. A plusieurs reprises il partage même la douleur des familles jusqu’à pleurer avec elles.

A un moment comme aujourd’hui où tout semble concourir à l’affaiblissement des liens et des valeurs de la famille, il ne manquerait plus que l’on ne lui oppose également Jésus et l’Evangile ! Mais il s’agit de l’une des nombreuses choses étranges sur Jésus que nous devons connaître pour ne pas nous laisser impressionner lorsque nous entendons parler de nouvelles découvertes sur les Evangiles. Jésus est venu ramener le mariage à sa beauté originelle (cf. Mt 19, 4-9), pour le renforcer et non pour l’affaiblir.

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ZENIT Staff

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