P. Cantalamessa : « Au milieu de nous il y a quelqu’un qui est ‘plus fort’ que le mal »

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Commentaire de l’Evangile du dimanche 25 février

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ROME, Vendredi 23 février 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 4, 1-13

Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le démon lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. »
Le démon l’emmena alors plus haut, et lui fit voir d’un seul regard tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m’appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras. »
Puis le démon le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus répondit : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le démon s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.

© AELF

Il fut mis à l’épreuve par le démon

L’évangile de Luc que nous lisons cette année fut écrit, comme Luc le dit lui-même dans l’introduction, afin que le lecteur croyant puisse se rendre « bien compte de la sûreté des enseignements » qu’il avait reçus. Cette tentative est d’une actualité extraordinaire. Face aux attaques de toutes parts à l’historicité des évangiles et aux manipulations sans limite de la figure du Christ, il est plus que jamais important que le chrétien et tout lecteur honnête de l’évangile se rende aujourd’hui compte de la solidité des enseignements et des nouvelles qui y sont rapportées.

Pour cela, j’ai pensé utiliser les commentaires aux évangiles allant du premier dimanche de Carême au dimanche in Albis. En partant chaque fois de l’évangile du dimanche, nous étendrons le regard à tout un secteur ou un aspect de la personne et de l’enseignement du Christ qui y est lié, pour découvrir qui était vraiment Jésus, s’il était un simple prophète et un grand homme ou quelque chose d’autre et de plus. Nous voudrions, en d’autres termes, faire également un peu de culture religieuse. Des phénomènes comme celui du Da Vinci Code de Dan Brown, avec les imitations et les discussions qu’il a suscitées, ont montré l’alarmante ignorance religieuse qui règne parmi les personnes et qui devient le terrain idéal pour n’importe quelle opération commerciale sans scrupule.

L’évangile de ce premier dimanche de Carême est celui des tentations de Jésus dans le désert. Selon le plan annoncé, je voudrais partir de cet évangile pour élargir le discours à la question plus générale de l’attitude de Jésus envers les puissances diaboliques et les personnes possédées par le démon.

C’est un fait indéniable et parmi les plus sûrs sur le plan historique, que Jésus a libéré de nombreuses personnes du pouvoir destructeur de Satan. Nous n’avons pas le temps de rappeler tous les épisodes. Nous nous limiterons à souligner deux choses : tout d’abord l’explication que Jésus donnait de son pouvoir sur le démon ; deuxièmement, ce que ce pouvoir nous dit de lui et de sa personne.

Devant la libération éblouissante d’une personne possédée, opérée par Jésus, ne pouvant nier le fait, ses ennemis déclarent : « C’est par Béelzéboul, le prince des démons, qu’il expulse les démons » (Lc 11, 15). Jésus montre combien cette explication est absurde (si Satan était divisé en lui-même, son règne serait fini depuis longtemps, en revanche il prospère). L’explication est autre : il expulse les démons avec la main de Dieu, c’est-à-dire l’Esprit Saint, et ceci montre que le royaume de Dieu est arrivé sur la terre.

Satan était « l’homme fort » qui tenait l’humanité en son pouvoir, mais quelqu’un de « plus fort que lui » est arrivé et est en train de le dépouiller de son pouvoir. Ceci nous enseigne une chose formidable sur la personne du Christ. Avec sa venue, une nouvelle ère a commencé pour l’humanité, un changement de régime. Une telle chose ne peut être l’œuvre d’un simple homme, ni même d’un grand prophète.

Il est important de remarquer le nom et le pouvoir avec lequel Jésus chasse les démons. La formule habituelle avec laquelle l’exorciste s’adresse au démon est : « Je te conjure par… » ou « au nom de… je t’ordonne de sortir de cette personne ». C’est-à-dire que l’on fait appel à une autorité supérieure qui est en général celle de Dieu, et pour les chrétiens celle de Jésus. Jésus ne fait pas ainsi : il dit sèchement au démon « je t’ordonne ». Je t’ordonne ! Jésus n’a pas besoin de faire appel à une autorité supérieure ; c’est lui l’autorité supérieure.

La défaite du pouvoir du mal et du démon faisait partie intégrale du salut définitif (eschatologique) annoncé par les prophètes. Jésus invite ses adversaires à tirer les conséquences de ce qu’ils voient de leurs yeux : il n’y a donc plus à attendre, à regarder devant soi ; le royaume et le salut sont au milieu d’eux.

L’affirmation tant discutée sur le blasphème contre l’Esprit Saint s’explique à partir de là. Attribuer à l’esprit du mal, à Béelzéboul, ou à la magie ce qui était si manifestement une œuvre de l’Esprit de Dieu signifiait fermer obstinément les yeux devant la vérité, se mettre contre Dieu lui-même, et donc se priver soi-même de la possibilité de pardon.

Le fait de vouloir donner une dimension historique et éducative à ces commentaires de Carême ne doit pas nous empêcher de tirer également chaque fois une réflexion pratique de l’évangile du jour. Il y a beaucoup de mal autour de nous aujourd’hui également. Nous assistons à des formes de méchanceté qui dépassent souvent notre entendement ; nous sommes effarés et restons sans voix devant certains faits divers. Le message réconfortant qui découle des réflexions que nous venons de faire est qu’au milieu de nous il y a quelqu’un qui est « plus fort » que le mal. La foi ne nous met pas à l’abri du mal et de la souffrance mais nous assure qu’avec le Christ nous pouvons transformer même le mal en bien, le rendre utile pour notre rédemption et celle du monde.

Dans leur propre vie ou chez elles, certaines personnes font l’expérience d’une présence du mal qui leur semble être d’origine purement diabolique. Parfois, ceci est certainement le cas (nous savons que les sectes et les rites sataniques sont répandus dans notre société, surtout parmi les jeunes), mais il est difficile de comprendre dans les cas individuels, s’il s’agit véritablement de Satan ou de troubles d’origine pathologique. Il n’est heureusement pas nécessaire d’arriver à une certitude sur les causes. Il faut s’attacher au Christ par la foi, l’invocation de son nom, la pratique des sacrements.

L’évangile de ce dimanche nous suggère un moyen pour mener ce combat, important à cultiver surtout en temps de Carême. Jésus n’est pas allé dans le désert pour être tenté ; son intention était de se retirer dans le désert pour prier et écouter la voix de son Pè
re.

Tout au long de l’histoire, une foule d’hommes et de femmes ont choisi d’imiter ce Jésus qui se retire dans le désert. Mais l’invitation à suivre Jésus dans le désert ne s’adresse pas seulement aux moines et aux ermites. De manière différente, elle s’adresse à tous. Les moines et les ermites ont choisi un espace de désert, nous devons au moins choisir un temps de désert. Passer un temps de désert signifie faire un peu de vide et de silence autour de nous, retrouver le chemin de notre cœur, se soustraire au vacarme et aux sollicitations qui nous entourent, pour entrer en contact avec les sources les plus profondes de notre être et de notre foi.

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ZENIT Staff

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