ONU : les femmes, maîtresses en éducation du coeur

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Hommage du Saint-Siège

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Pour le Saint-Siège, « les femmes sont les professeurs du monde » dans « l’éducation du cœur » à l’amour : c’est l’un des traits du « génie féminin » que d’être « un cœur qui voit spécifiquement là où l’amour est nécessaire et qui agit en conséquence ».

Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies, à New York, est en effet intervenu, lors d’un colloque sur « Les femmes qui défendent la dignité humaine », au Conseil économique et social, le 18 mars 2015.

Cet événement avait pour but de braquer les projecteurs sur le « génie féminin », a expliqué l’archevêque en introduction : « toute la civilisation et l’Église ont une dette de reconnaissance impossible à acquitter envers les contributions peu rapportées ou mêmes inconnues de femmes qui ont façonné des civilisations ».

« En réponses aux différentes formes de souffrance humaine et aux besoins matériels, émotionnels et spirituels, les gens ont besoin d’une attention personnelle aimante… Chaque personne humaine a une telle valeur intrinsèque que la seule réponse appropriée est l’amour », a-t-il souligné.

Et les femmes « excellent » dans cette réponse aimante : elles « repèrent plus vite que les hommes les besoins des autres et y apportent plus rapidement une réponse » car elles ont un « cœur qui voit ».

A.K.

Intervention de Mgr Auza

Excellences, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,
Chers amis, Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir en cet après-midi à cet événement qui va braquer les projecteurs sur des femmes qui défendent la dignité humaine pour vanter les efforts et les réalisations souvent méconnus de la multitude des femmes qui agissent.

Quand nous parlons de dignité humaine, nous nous référons à la valeur intrinsèque de chaque personne, peu importe qu’elle soit jeune ou vieille, riche ou pauvre, forte ou vulnérable, en bonne santé ou malade, voulue ou non désirée, économiquement productive ou handicapée, influente dans le monde ou insignifiante. Chaque personne humaine a une telle valeur intrinsèque que notre seule réponse appropriée est l’amour.

Nous sommes tous appelés à donner cette réponse aimante, et au long des siècles, beaucoup d’hommes et de femmes se sont distingués en agissant ainsi. Mais la plupart des gens reconnaissent que les femmes excellent dans ce domaine bien au-delà de leurs homologues masculins. Je crois que la plupart d’entre nous seront d’accord pour affirmer que les femmes repèrent plus vite que les hommes les besoins et les situations des autres et y apportent plus rapidement une réponse. J’espère qu’aucun homme ici présent ne me contredira sur ce point !

Saint Jean-Paul II faisait référence à ce brio particulier des femmes pour prendre soin de la dignité intrinsèque de tous et pour faire grandir les dons des autres comme le « génie féminin ».

Aujourd’hui, nous sommes ici pour réfléchir sur ce génie féminin, pour le célébrer, pour en remercier Dieu et pour en remercier les femmes et faire leur éloge, en particulier nos mères et toutes ces femmes qui, avec ce génie, nous ont nourris, élevés, éduqués, aimés et … disciplinés !

En outre, nous sommes ici pour apprendre de ce génie et pour nous décider à faire ce que nous pouvons pour qu’il puisse se développer et assumer une plus grande influence, pour le bien des individus et de la société d’aujourd’hui et pour le progrès des personnes et des nations de demain. Je suis convaincu qu’une reconnaissance plus profonde et une meilleure appréciation de ce génie sont la clé pour combattre la violence à l’encontre des femmes.

Je voudrais particulièrement mettre l’accent sur le lien qui existe entre le génie féminin et la solidarité dans le soin accordé aux plus vulnérables et dans la création d’un monde meilleur.

Le but fondamental des gouvernements est la justice, et un ordre social juste est un ordre dans lequel chaque personne a ses droits garantis et respectés. Mais même dans la société la plus juste, certains membres de notre famille humaine sont oubliés ou bien ont un handicap ou d’autres facteurs de risque que même des sociétés bien ordonnées et justes peuvent négliger ou auxquels elles accordent moins d’attention. Plus que de justice, et au-delà de cette justice, ils ont besoin de notre solidarité.

De plus, en réponses aux différentes formes de souffrance humaine et aux besoins matériels, émotionnels et spirituels, les gens ont besoin de davantage que de bureaucrates polis et efficaces remplissant leurs devoirs. Ils ont besoin d’une attention personnelle aimante. Ils ont besoin de remèdes qui touchent l’âme et non seulement la maladie, la faim physique, les difficultés financières ou les besoins matériels. En bref, ils ont besoin de personnes qui se sentent concernées, qui les traitent avec un amour qui satisfasse la plénitude de leur dignité humaine.

Le pape Benoît XVI écrivait, dans son encyclique sur la charité (Deus caritas est), en 2006 : « La compétence professionnelle est une des premières nécessités fondamentales, mais à elle seule, elle ne peut suffire. En réalité, il s’agit d’êtres humains, et les êtres humains ont toujours besoin de quelque chose de plus que de soins techniquement corrects. Ils ont besoin d’humanité. Ils ont besoin de l’attention du cœur. »

C’est pour cette raison que tous, mais surtout ceux qui travaillent dans des institutions au contact direct des personnes, nous avons besoin, disait-il, d’une « formation du cœur ». Nous avons besoin d’un « cœur qui voit » : un cœur qui voit spécifiquement là où l’amour est nécessaire et qui agit en conséquence ; un cœur qui reconnaisse la personne de sorte que nous ne traitions jamais simplement les problèmes d’un client, ou d’un patient, ou d’un électeur, mais d’une personne avec sa dignité.

Dans cette formation ou éducation du cœur, les femmes sont les professeurs du monde. « Un cœur qui voit » est une autre façon de définir le « génie féminin ».

Pour ceux qui acceptent l’inspiration de la Bible hébraïque, Dieu exprime son amour en des termes féminins. À travers Isaïe, Dieu dit : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait » – ce qui, sous-entend le texte, est impossible pour Dieu – « moi, je ne t’oublierai pas. » (Is 49,15). Plus tard, Dieu ajoute, par la bouche du même prophète : « Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai » (Is 66,13).

Pour ceux qui acceptent la révélation chrétienne, nous voyons le déploiement du génie féminin dans la femme que Dieu le Père a choisie pour être la mère de son Fils. Nous le voyons dans Marie lorsqu’elle se hâte pour s’occuper de sa cousine Élisabeth, âgée et enceinte. Nous le voyons dans sa prévenance à l’égard du jeune couple qui n’avait plus de vin lors du repas des noces à Cana. Nous le voyons dans son courage au pied de la Croix. Nous le voyons lorsqu’elle guide les apôtres et les membres de la première Église qui attendaient l’aide de Dieu pour apporter l’Évangile à toutes les nations. Pour nous, qui la vénérons comme notre Mère, sa vie tout entière est un bel hymne aux cœurs qui voient et une constante invitation à aimer les autres et à prendre soin d’eux.

Alors que les livres d’histoire chantent les victoires de vaillants empereurs et guerriers – ainsi que les défaites et les folies de certains ! – toute la civilisation et certainement l’Église ont une dette de reconnaissance impossible à acquitter envers les contributions peu rapportées ou mêmes inconnues de femmes qui ont façonné des civilisations, telles le flux silencieux mais constant des eaux profondes
qui façonnent les rivières. Nos manuels sont habituellement obsédés par les noms qui figurent en haut des hiérarchies politiques, et sont foncièrement préoccupés par les tendances économiques et militaires. Mais le véritable progrès humain se produit fondamentalement dans les relations que les êtres humains tissent entre eux et dans la manière dont les êtres humains se soucient les uns des autres. Un tel progrès n’apparaît généralement pas sur les écrans radars des journalistes mais il est peut-être plus important pour l’épanouissement humain que les inventions scientifiques et technologiques. Et bien, nous sommes devenus super technologiques et super informés, mais sommes-nous devenus de meilleures personnes ?

Louise de Marillac, Françoise-Xavière Cabrini, Elizabeth Anne Seton, Dorothy Day et Mère Teresa de Calcutta ne sont qu’un petit échantillon de ces femmes qui, à travers les siècles, ont joué un rôle sur la scène de l’amour bienveillant pour l’humanité.

Et je vous entends me demander : ajoutez ma mère et ma grand-mère à cette liste, s’il vous plaît ! Oui, je le ferai : les mères donnent tout ce qu’elles ont par amour pour leurs enfants. Et sœur Norma demandera : et nous, les religieuses ? Oui, nous nous souvenons de toutes les religieuses avec une profonde gratitude, en particulier en cette Année de la vie consacrée. De bien des manières, elles sont le visage de l’Église, et sœur Norma les représente toutes ici cet après-midi.

Je suis très heureux d’accueillir cet événement et de présenter plusieurs femmes qui sont de tels exemples du génie féminin dont je viens de parler. Elles n’ont pas seulement un cœur qui voit, mais aussi un cœur et un esprit qui réagissent avec créativité et compassion à ce qu’elles voient.

Je suis très reconnaissant envers le Dr Carolyn Woo, PDG de l’association Catholic Relief Services, qui a pu se joindre à nous. Catholic Relief Services fournit une assistance à plus de cent trente millions de personnes dans plus d’une centaine de pays. J’attends avec impatience d’entendre le Dr Woo nous partager son expérience en première ligne en matière de développement et d’aide humanitaire.

Je suis très heureux de vous présenter deux amies dont le génie féminin m’a marqué lorsque j’étais nonce apostolique dans leur pays de Haïti, pendant plus de six ans, et j’espère que leur témoignage aura sur vous le même effet.

Son Excellence le professeur Michèle Pierre-Louis a été premier ministre en Haïti ; elle est chercheur résident à l’Institut de sciences politiques de Harvard et fondatrice et présidente de la Fondation Connaissance et Liberté, plus connue sous le nom de FOKAL. En Haïti, FOKAL propose des activités éducatives, économiques et de développement humain dans les communautés locales. Son Excellence nous parlera des femmes aux postes de gouvernement et de responsabilité civique, quelque chose qui est d’autant plus nécessaire dans des sociétés qui ont de faibles capacités institutionnelles.

Madame Magalie Dresse est propriétaire de Caribbean Craft Haïti où sa créativité entrepreneuriale, son souci de ses employés et ses réussites commerciales non seulement lui ont valu de nombreux prix, mais ont avec raison attiré l’attention de nombreux responsables mondiaux, d’animateurs de télévision populaires, de grands journaux et de beaucoup d’autres qui ont aidé Haïti à se reconstruire. Elle nous parlera aujourd’hui de son expérience en tant que dirigeante d’une industrie artisanale qui donne du travail à des centaines de femmes artisans, pauvres mais de grand talent, et de la façon dont, dans des conditions socio-économiques difficiles, les femmes peuvent s’aider mutuellement dans leur combat pour sortir de l’extrême pauvreté et de l’ignorance.

Je suis aussi honoré d’accueillir sœur Norma Pimentel, membre des Missionnaires de Jésus, directrice exécutive de Catholic Charities de la Vallée du Rio Grande, et chef de file en matière de défense de la dignité humaine et d’assistance humanitaire à des dizaines de milliers de migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Elle nous parlera de son travail auprès des migrants sans papiers qui traversent la frontière, et en particulier du fléau qu’est la traite des personnes humaines, et surtout des femmes et des enfants.

Et puis, nous avons des bonus pour vous : entre nos quatre intervenantes, nous entendrons trois jeunes femmes qui sont venues des États-Unis pour nous aider à comprendre le génie féminin.

Enfin, à l’issue de la conférence de la dernière intervenante principale, nous regarderons une courte vidéo intitulée « Femmes du monde », qui montre divers aspects du génie féminin.

Au début de ce mois, pour la Journée internationale des femmes, le pape François a dit, sur la Place Saint-Pierre, que les femmes « nous donnent la capacité de voir au-delà… de comprendre le monde à travers un regard différent, d’entendre les choses avec un cœur plus créatif, plus patient, plus tendre ».

Aujourd’hui, nos intervenantes nous aiderons à développer des cœurs qui voient : créatifs, patients et tendres.

Je vous remercie tous d’être venus.

Traduction de Zenit, Constance Roques

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Bernardito Auza

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