Mgr Paul Richard Gallagher, wikipedia

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«Notre Église est une Église de martyrs», par Mgr Gallagher (1/2)

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Pour une action énergique et concertée entre les États

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La persécution, le terrorisme, l’exode des chrétiens, au risque de leur vie, la Syrie, la Libye: autant de situations tragiques, voire désespérées, abordés par Mgr Gallagher qui demande « une action énergique et concertée entre les États afin de sauvegarder les droits de l’homme, le système démocratique tout entier des pays individuels et la sécurité internationale ».
Le Secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États est intervenu lors d’une rencontre de Formation missionnaire organisée par le diocèse de Rome, samedi dernier, 12 mars 2016.
La troisième rencontre de formation missionnaire, lancée par le Centre pour la coopération missionnaire entre les Églises du diocèse de Rome, s’est tenue au grand séminaire de Rome, au Latran, sur le thème : « Notre Église est une Église de martyrs » (Pape François).
« Voici donc la position du Saint-Siège, explique Mgr Gallagher : rechercher toujours le bien de la personne et des peuples, protéger la paix et garantir le respect de la dignité de toute personne humaine et de ses droits fondamentaux, et tout ceci pour la dignité et la sauvegarde des êtres humains et non pour une simple raison d’État, ni pour défendre ses propres intérêts partisans. Pour atteindre ces finalités, le Saint-Siège s’emploie par tous ses efforts à promouvoir le dialogue avec tous les interlocuteurs disponibles, invitant les États et les autres entités à coopérer et à chercher à résoudre les conflits par des solutions politiques et diplomatiques, toujours dans le plein respect du droit international. À ceci il faut ajouter l’application du principe de la « responsabilité de protéger », dont la promotion a toujours été l’un des principes fondamentaux de l’activité internationale du Saint-Siège et a toujours fait partie de son message à la communauté des Nations. »
Voici notre traduction de la première partie de l’intervention de Mgr Gallagher.
A.B.
Intervention de Mgr Paul Richard Gallagher (1/2)
Excellence,
Chers prêtres,
Monsieur Visar Zhiti, Chargé d’Affaires a.i. de l’Ambassade d’Albanie auprès du Saint-Siège,
Chers amis,
Permettez-moi, en premier lieu, d’exprimer mes remerciements aux organisateurs de cette rencontre pour l’invitation qui m’a été faite d’y participer, que j’ai acceptée bien volontiers. Le thème « Notre Église est une Église de martyrs », choisi pour cette « session de formation missionnaire », peut certainement être considéré comme un leitmotiv qui accompagne l’Épouse du Christ depuis sa naissance. Jésus-Christ lui-même en a fait une béatitude : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,10). En effet, les martyrs représentent la grandeur de l’Église parce qu’ils ont eu le courage d’exprimer de manière totale leur dévouement et leur adhésion au Christ, témoignant au prix de leur vie de la vérité de l’Évangile.
Depuis quelques années, avec une grande inquiétude, nous assistons à un crescendo exponentiel de cas d’intolérance, de discrimination, d’extrémisme, de fondamentalisme, de risques pour les libertés individuelles, surtout en ce qui concerne la liberté religieuse et la liberté d’expression. Ensuite, nous n’oublions pas les attaques et les menaces continuelles du terrorisme de différentes origines. Ces défis, auxquels nous sommes quotidiennement exposés, requièrent une action énergique et concertée entre les États afin de sauvegarder les droits de l’homme, le système démocratique tout entier des pays individuels et la sécurité internationale.
En particulier, il me semble que je peux dire que les extrémismes et les fondamentalismes religieux de différentes provenances sont souvent à l’origine des hostilités contre les chrétiens et contre les fidèles d’autres minorités religieuses, à partir de la montée des groupes armés de souche fondamentaliste, transformés en organisations terroristes, qui compromettent sérieusement la sécurité internationale. Il faut ajouter à cela la promulgation dans certains pays de lois sur le blasphème, qui sont devenues un prétexte facile pour qui entend poursuivre les personnes qui professent un credo religieux différent de celui de la majorité. Il ne faut pas non plus oublier que dans les pays gouvernés par des régimes autoritaires ou totalitaires, on observe de graves limites imposées à la liberté religieuse. En outre, dans d’autres pays, les détenus pour motifs religieux reçoivent des traitements pires que les autres prisonniers[1]. On ne peut pas non plus ignorer le fléau du trafic illicite d’armements, ni la production et la vente d’armes de la part de sujets de droit international, qui rendent possible la prolongation des conflits. Enfin, la déstabilisation continuelle du Moyen-Orient a aggravé les violences contre les minorités religieuses, y compris les chrétiens, les contraignant quotidiennement à abandonner leur maison pour fuir les horreurs de la guerre et les persécutions.
Nous avons devant les yeux les images de nos frères désespérés qui émigrent en risquant même leur vie. L’exode forcé des chrétiens du Moyen-Orient laisse un vide dans les communautés qui risquent ainsi de disparaître. À ce sujet, les données contenues dans le Rapport récemment publié par la fondation « Aide à l’Église en détresse », ainsi que celles du Rapport 2014 sur la liberté religieuse dans le monde, édité par le Département d’État américain, sont frappantes. Dans ces documents, on observe qu’en Irak, de 2003 à aujourd’hui, le nombre des chrétiens a diminué de plus d’un million à moins de 300 000. Dans la seule ville de Mossoul, l’antique Ninive, qui représente une des communautés chrétiennes les plus anciennes, dont l’histoire remonte à plus de 1 700 ans, en une nuit (le 6 août 2014), 150 000 chrétiens ont laissé leur maison et leur village, après que tous leurs biens ont été dérobés. Aujourd’hui, dans cette ville occupée par l’État islamique, il n’y a plus de chrétiens. De même, au Nigeria, Boko Haram a forcé à fuir 100 000 chrétiens dans le seul diocèse de Maiduguri, où ont été détruites 350 églises.
En Syrie, ensuite, outre les horreurs de la guerre qui a déjà fait plus de 260 000 morts, les cas d’hostilité ne se comptent plus. Mais aussi en Libye, la situation des chrétiens est extrêmement dramatique ; en effet, à partir de 2013, la majeure partie des chrétiens ont été obligés d’abandonner le pays à cause de l’aggravation des conditions de sécurité, due à l’extrémisme religieux qui les menace de mort. En somme, nous nous trouvons devant une hémorragie incontrôlable, qui met en danger l’existence même des communautés chrétiennes[2].
C’est pourquoi, la coopération internationale devient plus que jamais urgente et nécessaire pour arrêter ces atrocités, mais aussi pour réaffirmer pleinement le droit à la liberté religieuse et condamner tout type de discrimination et d’intolérance pour des motifs religieux aux quatre coins de la terre, y  compris en Occident, où des formes de discrimination sont assez souvent avérées et apparaissent fréquemment sous l’apparence d’une soi-disant « défense des valeurs démocratiques »[3].
Dans un article paru il y a quelques mois, le président de la République italienne écrivait : « La persécution à caractère religieux n’est jamais isolée, mais elle participe de la violation féroce et systématique des libertés fondamentales de l’homme, dont le droit de professer, de prêcher, et même de changer de croyance religieuse sans devoir subir de discrimination ou carrément de violences, est un élément fondamental[4]. »
Il a déjà été affirmé plusieurs fois, et le Saint-Siège lui-même l’a redit à maintes reprises, que ce ne sont pas seulement les chrétiens qui pâtissent des discriminations, des actes d’intolérance ou des persécutions, mais aussi les autres nombreux groupes religieux, ethniques et culturels. Toutefois, loin de toute forme extrémisée d’appartenance ou d’influence idéologique, il faut aussi admettre qu’aujourd’hui les chrétiens sont le groupe religieux qui souffre le plus et qui compte le nombre le plus élevé de victimes. Sur ce point, le Saint-Père s’est exprimé clairement, déclarant que « les chrétiens sont persécutés. […] Peut-être y a-t-il autant, ou même plus, de martyrs maintenant que dans les premiers temps, parce qu’ils disent la vérité, ils annoncent Jésus-Christ à cette société mondaine, à cette société un peu tranquille qui ne veut pas de problèmes : mais c’est la peine de mort ou la prison pour avoir chez soi l’Évangile, pour avoir enseigné le catéchisme »[5].
Les hostilités contre les minorités religieuses devraient interpeller la conscience de la communauté internationale et sortir de leur torpeur tous ceux qui sont préposés à veiller sur le respect des droits fondamentaux, dont la liberté religieuse et le droit à la vie. En fait, « la compréhension la plus élémentaire de la dignité humaine oblige la communauté internationale, en particulier à travers les normes et les mécanismes du droit international, à faire tout ce qui est possible pour arrêter et prévenir les violences systématiques ultérieures contre les minorités ethniques et religieuses » et pour protéger les populations innocentes[6].
Voici donc la position du Saint-Siège : rechercher toujours le bien de la personne et des peuples, protéger la paix et garantir le respect de la dignité de toute personne humaine et de ses droits fondamentaux, et tout ceci pour la dignité et la sauvegarde des êtres humains et non pour une simple raison d’État, ni pour défendre ses propres intérêts partisans. Pour atteindre ces finalités, le Saint-Siège s’emploie par tous ses efforts à promouvoir le dialogue avec tous les interlocuteurs disponibles, invitant les États et les autres entités à coopérer et à chercher à résoudre les conflits par des solutions politiques et diplomatiques, toujours dans le plein respect du droit international. À ceci il faut ajouter l’application du principe de la « responsabilité de protéger »[7], dont la promotion a toujours été l’un des principes fondamentaux de l’activité internationale du Saint-Siège et a toujours fait partie de son message à la communauté des Nations.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
(À suivre)
 


[1] Cf. Aide à l’Église en détresse, Rapport annuel 2015, in http://www.aiuto-chiesa-che-soffre.ch/relazione.html ; Idem, Persecuted and forgotten? A Report on Christians oppressed for their Faith 2013-2015 (Persécutés et oubliés ? Rapport sur les chrétiens opprimés pour leur foi 2013-2015). Executive Summary; U.S Department of State, International Religious Freedom Report for 2014 (Résumé exécutif ; Département d’État des États-Unis, Rapport international sur la liberté religieuse), in http://www.state.gov/j/drl/rls/irf/religiousfreedom/index.htm#wrapper.
[2] Idem.
[3] Cf. Intervention du Saint-Siège devant la IIIe Commission sur la liberté religieuse à l’occasion de la 64e Session de l’Assemblée générale des Nations unies, New York, 26 octobre 2009 ; Intervention du Saint-Siège à la 23e session ordinaire du Conseil des droits de l’homme sur la violence contre les chrétiens, Genève, 27 mai 2013.
[4] Sergio Mattarella, « Lo sterminio dei cristiani. Come reagire a una tragedia moderna » (L’extermination des chrétiens. Comment réagir à une tragédie moderne, quotidien Il Foglio, 21 novembre 2015.
[5] Pape François, Homélie, Maison Sainte-Marthe, 4 avril 2014.
[6] Pape François, Lettre au Secrétaire général des Nations unies, 9 août 2014.
[7] Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, affirme, au N. 505 que : « Le principe d’humanité, inscrit dans la conscience de chaque personne et de chaque peuple, comporte l’obligation de tenir la population civile à l’écart des effets de la guerre. »
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Constance Roques

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