Monter dans le train de la vie

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Commentaire de l’évangile du dimanche 31 août, par le P. Cantalamessa

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ROME, Vendredi 29 août 2008 (ZENIT.org).- Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 31 août, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 16, 21-27)

Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.
Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite.

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Si quelqu’un veut marcher derrière moi , qu’il renonce à lui-même

Dans l’Evangile de ce dimanche nous écoutons Jésus qui dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ».

Que signifie « renoncer à soi-même ? » Et avant tout, pourquoi renoncer à soi-même ? Nous connaissons l’indignation que suscitait chez le philosophe Nietzsche cette question de l’Evangile. Je commence par répondre par un exemple.. Au cours de la persécution nazie de nombreux trains chargés de juifs partaient de toute l’Europe vers les camps d’extermination. Ils étaient amenés à monter avec de fausses promesses d’être conduits dans des lieux meilleurs pour leur bien, alors qu’ils allaient à leur perte. Il arrivait parfois que lors de l’arrêt du convoi quelqu’un qui connaissait la vérité, alerte de manière cachée les passagers : descendez, fuyez, et certains réussissaient à se sauver.

L’exemple est un peu fort, mais il exprime quelque chose de notre situation. Le train de la vie sur lequel nous voyageons se dirige vers la mort. Sur ce point au moins, il n’y a pas de doute. Notre moi naturel, étant mortel, est destiné à prendre fin. Ce que l’Evangile nous propose quand il nous exhorte à renoncer à nous-mêmes, c’est de descendre de ce train et de monter sur un autre qui conduit à la vie. Le train qui conduit à la vie est la foi en celui qui a dit : « Qui croit en moi, même mort vivra ».

Paul avait réalisé ce « transbordement » et le décrit ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». Si nous assumons le moi du Christ nous devenons immortels parce que lui, ressuscité de la mort, ne meurt plus. Voilà le sens des paroles à peine entendues : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ». Il est alors clair que renoncer à soi-même n’est pas une action masochiste, et de renoncement, mais l’élan courageux le plus intelligent que nous n’ayons jamais réalisé dans notre vie.

Nous devons toutefois immédiatement apporter une précision. Jésus ne demande pas de « renoncer à « ce que nous sommes », mais à ce que « nous sommes devenus ». Etant à l’image de Dieu, nous sommes donc quelque chose de « très bon », comme le dit Dieu lui-même après avoir créer l’homme et la femme. Ce à quoi nous devons renoncer n’est pas ce qu’à fait Dieu, mais ce que nous avons fait de nous-mêmes, en faisant un mauvais usage de notre liberté. En d’autres termes, les mauvaises tendances, le péché, toutes choses qui sont comme des incrustations venues après et superposées à l’original.

Il y a quelques années, on découvrait au fond de la mer, au large des côtes ioniques, deux masses informes qui avaient une vague ressemblance avec des corps humains, recouvertes d’incrustations marines. Elles furent ramenées à la surface et patiemment nettoyées. Aujourd’hui il s’agit des célèbres « Bronzes de Riace », qui se trouvent dans le musée de Reggio Calabre, et comptent parmi les sculptures les admirées de l’antiquité.

Ce sont des exemples qui nous aident à comprendre l’aspect positif qui se trouve dans la proposition évangélique. Nous ressemblons, en esprit, à ces statues avant leur restauration. La belle image de Dieu que nous devrions être, est recouverte des sept couches qui sont les sept péchés capitaux. Peut-être n’est il pas superflu de les rappeler au cas ou nous les aurions oubliés. Ce sont : la paresse, l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère, l’envie. Saint Paul appelle cette image défigurée « l’image terrestre », par opposition à « l’image céleste » qui est la ressemblance avec le Christ.

« Renoncer à soi-même » n’est donc pas une action pour la mort, mais pour la vie, pour la beauté et pour la joie. C’est aussi un moyen d’apprendre le langage du véritable amour. Imagine, disait un grand philosophe du siècle dernier, Kierkegaard, une situation purement humaine. Deux jeunes s’aiment. Toutefois ils appartiennent à deux peuples différents et parlent deux langues totalement différentes. Si leur amour veut survivre et grandir, il est nécessaire que un des deux apprenne la langue de l’autre. Autrement ils ne pourront pas communiquer et leur amour ne durera pas.

Ainsi en est-il entre Dieu et nous, commentait-il. Nous parlons le langage de la chair, lui celui de l’esprit ; nous celui de l’égoïsme, lui celui de l’amour. Renoncer à soi-même c’est apprendre la langue de Dieu pour pouvoir communiquer avec lui, mais c’est aussi apprendre la langue qui nous permet de communiquer entre nous. L’on ne peut pas ètre capables de dire des « oui » à l’autre, à commencer pare son propre conjoint, si l’on n’est pas capable de se dire des « non » à soi-même. Pour demeurer dans le cadre du mariage, de nombreux problèmes et échecs dans le couple dépendent du fait que l’homme ne s’est jamais préoccupé vraiment d’apprendre le moyen d’exprimer l’amour de la femme, et la femme celui de l’homme. De même quand il parle de renoncement de soi, l’Evangile, comme l’on voit, est beaucoup moins éloigné de la vie qu’on ne le croit.

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ZENIT Staff

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