Missionnaires de la joie au service des pauvres

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Interview du fondateur, père Richard Ho Lung

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ROME, Dimanche 14 février 2010 (ZENIT.org) – Le fondateur d’un nouvel ordre monastique international, dédié au service des pauvres parmi les pauvres, affirme que cette vocation est source de joie pour beaucoup.

Fondé en 1981 par le père Richard Ho Lung, l’ordre des Missionnaires des Pauvres (« Missionaries of the Poor ») compte actuellement 550 frères et prêtres actifs en Jamaïque (où il a été fondé et a son siège), en Inde, aux Philippines, en Haïti, en Ouganda, au Kenya et aux Etats-Unis.

Le père Ho Lung, qui a été initialement formé et ordonné dans l’ordre des Jésuites, a ressenti un autre appel, différent, à la Jamaïque quand il s’est hasardé dans les bidonvilles du quartier de la paroisse dont il était alors le curé. Il a décidé, à ce moment-là, de se consacrer exclusivement à construire des familles et des communautés parmi les pauvres et les défavorisés, à travers un nouvel ordre religieux.

Dans cet entretien accordé à l’émission de télévision « Où Dieu pleure » du Catholic Radio and Television Network (CRTN) avec la coopération de l’association Aide à l’Eglise en détresse, le prêtre parle de son appel au service des pauvres, de la joie qu’il expérimente au sein de son ordre, et de ses espoirs pour l’avenir.

Q – Comment avez-vous perçu cet appel, cela n’a pas dû être une décision facile pour vous ?

Père Ho Lung – Il y avait la réalité des sans-logis et des démunis de toutes sortes, les exclus de Jamaïque. Et il y a eu aussi un incident terrible : 155 femmes, notamment des dames âgées, ont péri dans l’incendie d’un édifice exproprié, géré par l’Etat de Jamaïque. J’ai été remué au plus profond de moi-même. Ce fut une terrible tragédie.

Après cet évènement, alors que j’enseignais à l’Université des Indes occidentales en Jamaïque, je me suis mis à beaucoup prier, et c’est alors que j’ai été hanté par la figure du Christ travaillant […] avec les personnes les plus pauvres, les plus délaissées.

J’ai commencé à me poser des questions ; c’était le Seigneur qui les posait : « Alors veux-tu être un authentique chrétien ou non ? Et encore, veux-tu être un authentique prêtre ou non ? »

Q – Etre soumis à ces questions a dû être terrible ?

Père Ho Lung – Oui, on aurait dit Jacob luttant avec l’Ange. Et naturellement, le Seigneur a eu le dessus.

Ce fut une période très éprouvante sur le plan spirituel, mais [et cela l’est encore] la plus belle de toutes.

Parfois je m’en prenais au Seigneur et lui demandais : « Comment peux-tu te contredire à ce point ? » D’abord, tu me fais faire toutes ces études, pour ensuite revenir apparemment sur ta décision, et m’appeler à travailler avec les plus pauvres, et dans les situations les plus difficiles qui n’avaient rien à voir, me semble-t-il, à ce moment là, avec l’intellect. Mais je réalise maintenant que, de bien des façons, pour affronter les problèmes des plus pauvres, un peu de chaque chose qui m’avait été enseignée m’a été utile et nécessaire ; et donc que le temps passé chez les Jésuites a été réellement une préparation pour ma vocation [comme fondateur des Missionnaires des Pauvres].

Q – Avez-vous toujours eu un cœur pour les pauvres ? Bat-il toujours en vous ? A quel moment vous êtes-vous réellement dit : « C’est bien cela que je suis appelé à faire ? »

Père Ho Lung – Mon père était Chinois et venait d’Extrême-Orient ; quand il a épousé ma mère, il nous a enseigné l’extrême dénuement et les besoins des pauvres.

Il nous répétait sans cesse : « Rappelez-vous que vous êtes pauvre. Rappelez-vous que je suis pauvre et rappelez-vous des plus pauvres. » Il nous a toujours rappelé que les gens de Jamaïque, bien que pauvres, sont les meilleurs des gens, et que sans les pauvres qui venaient chez nous et dans notre petite épicerie, à l’heure qu’il est nous ne serions pas vivants.

Il nous disait : « Remerciez toujours, et quoique vous fassiez dans votre vie n’oubliez pas les pauvres, où que vous soyez. »

Tout a débuté là, avant même que je sois catholique.

Q – Père Richard, vous avez choisi comme devise : « Service joyeux avec le Christ sur la Croix. » Pourquoi le choix de cette devise pour les Missionnaires des pauvres ?

Père Ho Lung – Dès le démarrage de la communauté, j’ai remarqué un phénomène très étrange.

Les frères travaillaient chaque jour avec les plus pauvres, s’adonnant à fond aux tâches les plus simples, comme laver les personnes, faire la cuisine, les raser, leur couper les cheveux ; et pas seulement, mais ranger tout le désordre accumulé en fin de journée. Et même s’il se trouvait parmi eux des personnes malades du sida en fin de vie, des malades mentaux, ou des lépreux, ils rentraient tous comblés de joie.

Et cela me paraissait très mystérieux parce que, d’un côté, nous insistons sur le fait que travailler avec les pauvres signifie porter la croix du Christ.

Pourtant ils étaient tellement heureux à la fin de la journée, que nous avons adopté la devise : Service joyeux avec le Christ sur la Croix.

Q – Père, qu’est-ce qui dans ce travail vous donne la plus grande joie ?

Père Ho Lung – Simplement de savoir que nous sommes unis au Christ, esprit et coeur, et aussi savoir que nous vivons les sacrements et la Parole de Dieu.

Cette sensation de proximité et d’intimité avec Dieu est merveilleuse.

Et puis, quand je regarde ces magnifiques vocations de jeunes et que je vois leur formidable joie, leur enthousiasme, leur ouverture, leur bonheur, jusque dans la mort (ils sont prêts à donner leur vie), rien ne peut me combler davantage.

Q – Et qu’est-ce qui vous fait souffrir le plus ?

Père Ho Lung – Notre plus grande souffrance a été quand deux de nos frères ont été tués. Ils ont été abattus à Kingston, en plein coeur du ghetto, très mystérieusement, la nuit. Toute la zone était plongée dans le silence et nos deux frères ont été tués par balle. Ce meurtre a été une grande tristesse pour moi et pour la communauté.

Q – Avez-vous trouvé un sens à ces meurtres ?

Père Ho Lung – Avant tout, la mort des frères a démontré le formidable engagement de nos jeunes.

Personne n’a abandonné, en fait notre communauté s’est agrandie, et même de façon remarquable, après la mort de nos frères.

Et, depuis, le sens réel de la croix du Christ et de boire à la coupe de la souffrance a été très fort dans le coeur et l’esprit des autres frères.

Il leur a fallu accomplir un grand discernement et comprendre que c’est sérieux. Autrement dit, leur vie et leur mort sont peut-être en jeu, mais nous devons continuer avec les gens.

L’exode sur l’île – qui n’est pas une île catholique – [a été] terrible, de tous les coins de l’île. Il y a eu un sentiment très profond de la tragédie que représente la vie de ghetto moderne en Jamaïque.

Q – Père, quels sont vos besoins aujourd’hui ? Quels sont vos projets ? Quels sont vos espoirs ?

Père Ho Lung – On observe une poussée en faveur de la légalisation de l’avortement en Jamaïque, ce qui constitue une grande offense au Seigneur.

Un jour, nous parcourions les ghettos, quand les frères sont tombés brusquement sur deux sacs en plastique, et dans ces sacs il y avait des bébés que l’on avait tués.

Les frères sont alors venus me trouver et m’ont dit : « Père, vous le savez, vous nous avez toujours enseigné que l’avortement était le plus cruel, le plus abominable des crimes. Il nous faut ouvrir une maison pour les mères célibataires, les femmes qui veulent avorter, et une autre maison pour les bébés, comme alternative à offr
ir aux femmes qui autrement tueraient leurs enfants. »

Et après la prière, nous avons décidé, en tant que communauté, d’ouvrir une maison.

Beaucoup de ces femmes ne sont pas mariées, bien sûr, et elles peuvent chaque jour laisser leurs enfants avec nous. Elles peuvent se rendre au travail, et ne pas perdre leur emploi, reprendre ensuite leurs bébés et repartir chez elles.

Nous aimerions aussi avoir la Messe, une évangélisation sur place, le samedi et le dimanche, de façon à amener le peuple au Christ et à l’Eglise.

Nous aimerions aussi avoir une clinique prénatale afin que les femmes qui envisagent un avortement puissent venir à nous, voir leur bébé sur l’échographie, et être convaincues. Nous leur proposerions d’utiliser notre centre de soins journaliers ou, si elles préfèrent, de nous confier leurs bébés en vue d’une adoption ; nous pourrions ainsi leur offrir une solution.

Traduit de l’anglais par Elisabeth De Lavigne
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Sur le Net :

– Aide à l’Eglise en détresse France  
www.aed-france.org

– Aide à l’Eglise en détresse Belgique

www.kerkinnood.be

– Aide à l’Eglise en détresse Canada  
www.acn-aed-ca.org

– Aide à l’Eglise en détresse Suisse 
www.aide-eglise-en-detresse.ch

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ZENIT Staff

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