Migrants/Dialogue interreligieux: "Eloigner le spectre des guerres de religion"

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« Migrations et dialogue interreligieux », message 2002 de Jean-Paul II

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CITE DU VATICAN, Jeudi 18 octobre 2001 (ZENIT.org) – L´Eglise, dit Jean-Paul II, invite au dialogue entre personnes de différentes religions dans un même pays. Car le dialogue est la « voie maîtresse » pour pouvoir passer « de la méfiance au respect, du refus à l´accueil » et entretenir l´espérance « d´éloigner le spectre des guerres de religion ».

« Migrations et dialogue interreligieux », c´est en effet le thème du Message de Jean-Paul II pour la 88e Journée mondiale des Migrants et réfugiés 2002, présenté ce matin à la presse.

« Il est urgent, écrit le pape en citant sa Lettre « Au début du troisième millénaire », d´agir pour que le Nom du Dieu unique devienne ce qu´il est, « toujours davantage un Nom de paix et un impératif de paix » (N. 55). Jean-Paul II demande la reconnaissance de la liberté de religion et de conscience dans les différents pays du monde. Et sur le terrain, le pape encourage les paroisses, en tant que lieux « d´apprentissage de l´hospitalité », à promouvoir des initiatives de dialogue et d´échanges. Le pape emploie cette expression de « véritables « laboratoires » de coexistence civile et de dialogue constructif ».

Demandant pour tous les pays la liberté de conscience et de religion, le pape insiste en particulier sur le sort des immigrés chrétiens, « qui, hélas, dit-il, ne jouissent pas toujours d´une liberté de religion et de conscience effective » dans les pays où la religion majoritaire est autre que le christianisme.

Ce message, en date du 25 juillet 2001, a été présenté aujourd´hui en la salle de presse du Saint-Siège, par Mgr Stephen Fumio Hamao, président du conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et Personnes en déplacement. Le P. Angelo Negrini, CS (scalabrinien), Chargé du secteur Migrations, et Mgr Felix Anthony Machado, Sous-secrétaire du dicastère, ont également pris part à cette présentation.

La Journée est fixée à des dates différentes selon les conférences épiscopales. En France, il n´y a pas de jour fixe, mais des rassemblements diocésains prévus à différentes dates. Pour tout renseignement, on peut d´adresser au Service national de la pastorale des Migrants (Comité épiscopal des migrations, à l´adresse: snpmparis@wanadoo.fr).

Le message de Jean-Paul II, en italien (il existe une traduction officielle en anglais) se présente sous la forme d´un texte assez bref (environ 8.000 caractères), en cinq « paragraphes ». Nous offrons ci-dessous notre traduction rapide, de travail, et donc non-officielle. Les intertitres sont de la rédaction.

– Message de Jean-Paul II –

Le grand village
1. Au cours des dernières décennies, l´humanité a assumé peu à peu de visage d´un grand village où les distances ont été raccourcies et où le réseau de communications s´est étoffé. Le développement des moyens de transport facilite de plus en plus les déplacements des personnes d´un pays à l´autre, d´un continent à l´autre. Parmi les conséquences de ce phénomène social notable, il y a la présence d´environ cent cinquante millions d´immigrés distribués dans différentes régions de la terre. Cette donnée oblige la société et la communauté chrétienne à réfléchir pour répondre adéquatement, au début du nouveau millénaire, à ces défis émergeants dans un monde à l´intérieur duquel sont appelés à vivre, les uns à côté des autres, des hommes et des femmes de cultures et de religions diverses.

Faire tomber la barrière de la méfiance
Pour qu´une telle coexistence se développe de façon pacifique, il est indispensable que tombent, entre les personnes appartenant aux différentes religions, les barrières de la méfiance, des préjugés, et des peurs, hélas encore existantes. Le dialogue et la tolérance réciproques sont requis, à l´intérieur de tout pays, entre ceux qui professent la religion de la majorité et ceux qui appartiennent aux minorités, constituées, fréquemment, d´immigrés qui suivent différentes religions. Le dialogue est la voie maîtresse à emprunter et c´est sur cette route que l´Eglise invite à marcher pour passer de la méfiance au respect, du refus à l´accueil.

Des gestes quotidiens, avec simplicité et constance
Récemment, au terme du Grand Jubilé de l´An 2000, j´ai voulu renouveler dans ce sens un appel à tisser « un rapport d´ouverture et de dialogue avec des représentants d´autres religions » (cf. Novo millennio ineunte, 55). Pour atteindre cet objectif, les initiatives qui attirent l´intérêt des grands moyens de communication sociale ne suffisent pas. Il faut plutôt des gestes quotidiens accomplis avec simplicité et constance, capables d´opérer un authentique changement dans les relations interpersonnelles.

Les sociétés multiculturelles, occasions d´échanges interreligieux
2. Le vaste et intense entrecroisement de phénomènes migratoires, qui est une caractéristique de notre époque, multiplie les occasions de dialogue interreligieux. Les pays aux anciennes racines chrétiennes comme les sociétés multiculturelles offrent des occasions concrètes d´échanges interreligieux. Dans le continent européen, marqué par une longue tradition chrétienne, accostent des citoyens qui professent d´autres croyances. L´Amérique du Nord, terre qui vit désormais une expérience multiculturelle confirmée, accueille des adeptes des nouveaux mouvements religieux. En Inde, où prévaut l´Hindouisme, travaillent des religieux et des religieuses catholiques qui rendent leur service humble et effectif aux plus pauvres du pays.

Un témoignage clair de sa propre foi
Le dialogue n´est pas toujours facile. Mais pour les chrétiens, sa recherche patiente et confiante, constitue un engagement à toujours continuer. Comptant sur la grâce du Seigneur, qui éclaire les esprits et les cœurs, que ceux-ci demeurent ouverts et accueillants envers ceux qui professent d´autres religions. Sans cesser de pratiquer avec conviction leur propre foi, qu´ils cherchent le dialogue aussi avec qui n´est pas chrétien. Cependant, ils savent bien que pour dialoguer de façon authentique avec les autres, un témoignage clair de sa propre foi est indispensable.

Les exigences de la liberté religieuse et de conscience
Cet effort sincère de dialogue suppose, d´un côté, l´acceptation réciproque des différences, et parfois même des contradictions, mais aussi le respect des décisions libres que les personnes assument selon leur propre conscience. Il est donc indispensable que chacun, à quelque religion qu´il appartienne, tienne compte des exigences incontournables de la liberté religieuse et de conscience, comme le concile œcuménique Vatican II l´a bien mis en évidence (cf. Dignitatis humanae, 2).

Eloigner le spectre des guerres de religion
J´exprime le vœu que cette coexistence solidaire puisse se réaliser aussi dans les pays où la majorité professe une religion différente de la religion chrétienne, mais où vivent des immigrés chrétiens, qui, hélas, ne jouissent pas toujours d´une liberté de religion et de conscience effective. Si tous sont animés d´un tel esprit, dans le monde de la mobilité humaine, se créeront, comme dans un creuset, des occasions providentielles de dialogue fécond, où ne sera jamais démenti le caractère central de la personne. C´est l´unique voie pour entretenir l´espérance « éloigner le spectre des guerres de religion qui ont marqué de sang de si nombreuses périodes de l´histoire de l´humanité », et ont souvent contraint tant de personnes à abandonner leurs propres pays. Il est urgent d´agir pour que le Nom du Dieu unique devienne ce qu´il est, « toujours davantage un Nom de paix et un impératif de paix » (cf. Novo millennio ineunte, 55).

Une occasion d´initiatives dans les paroisses
3. « Migrations et dialogue interreligieux « : tel est le thème proposé p
our la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de 2002. Je prie le Seigneur pour que ce rendez-vous annuel offre à tous les chrétiens l´occasion d´approfondir ces aspects d´autant plus actuel de la nouvelle évangélisation, en mettant en valeur tous les instruments disponibles, afin de pouvoir donner naissance, dans les communautés paroissiales, à des initiatives apostoliques et pastorales appropriées.

La paroisse, lieu de l´apprentissage de l´hospitalité
La paroisse représente l´espace où peut être réalisée une véritable pédagogie de la rencontre avec des personnes de convictions religieuses et de cultures différentes. Dans ses différentes articulations, la communauté paroissiale peut devenir le lieu de l´apprentissage de l´hospitalité, un lieu où s´accomplit un échange d´expériences et de dons, et cela ne pourra pas ne pas favoriser une coexistence sereine, en prévenant le risque des tensions avec des immigrés porteurs d´autres croyances religieuses.

Des « laboratoires » de coexistence civile
Si la volonté de dialoguer tout en étant différents est commune, on peut trouver un terrain d´échanges profitables et développer une amitié utile et réciproque, qui peut se traduire aussi par une collaboration efficace pour des objectifs partagés au service du bien commun. C´est une occasion providentielle, spécialement pour les métropoles où le nombre des immigrés appartenant à des cultures et des religions différentes est très élevé. On pourrait à ce propos parler de véritables « laboratoires » de coexistence civile et de dialogue constructif. Le chrétien, se laissant conduire par l´amour de son divin maître qui, par sa mort sur la Croix a racheté tous les hommes, ouvre lui aussi ses bras et son cœur à tous. C´est la culture du respect et de la solidarité qui doit pénétrer son esprit, spécialement lorsqu´il se trouve dans des milieux multi-culturels et multi-religieux.

Le service de la charité, pas une simple aide humanitaire
4. Chaque jour, dans tant de parties du monde, migrants, réfugiés et déplacés s´adressent à des paroisses et à des organisations catholiques à la recherche de soutien et ils sont accueillis sans qu´il soit tenu compte de leur appartenance culturelle ou religieuse. Le service de la charité, qui les chrétiens sont toujours appelés à accomplir, ne peut se limiter à la simple distribution d´aides humanitaires. On en vient ainsi à créer des nouvelles situations pastorales, dont la Communauté ecclésiale ne peut pas ne pas tenir compte. Il reviendra à ses membres de chercher des occasions opportunes pour partager avec ceux qui sont accueillis le don de la révélation du Dieu-Amour « qui a tant aimé le monde qu´il lui a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Avec le pain matériel, il est indispensable de ne pas négliger d´offrir le don de la foi spécialement à travers le témoignage personnel de la vie et toujours avec un grand respect de tous. L´accueil et l´ouverture réciproque permettent de se connaître mieux et de découvrir qu´il n´est pas rare que les différentes traditions religieuses contiennent de précieuses semences de vérité. Le dialogue qui en résulte peut enrichir tout esprit ouvert à la Vérité et au Bien.

Le plus grand trésor
Ainsi, si le dialogue interreligieux constitue l´un des défis les plus significatifs de notre temps, le phénomène des migrations pourrait en favoriser le développement. Un tel dialogue, évidemment, comme je l´ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, ne pourra « être fondé sur l´indifférentisme religieux » (n. 56). Au contraire, nous, chrétiens, « nous avons le devoir de le développer en offrant un témoignage plein de l´espérance qui est en nous » (ibid.). Le dialogue ne doit pas cacher mais exalter le don de la foi. D´autre part, comment pourrions-nous garder une telle richesse pour nous seuls? Comment, tout en prêtant une grande attention aux sensibilités des autres, ne pas présenter aux migrants et aux étrangers qui professent des religions différentes et que la Providence nous fait rencontrer, le plus grand trésor que nous possédions?

L´Esprit de Vérité
Pour accomplir une telle mission, il convient de se laisser conduire par l´Esprit Saint. Le jour de la Pentecôte, c´est l´Esprit de Vérité qui a complété le projet divin de l´unité du genre humain dans la diversité des cultures et des religions. En entendant les Apôtres, les nombreux pèlerins rassemblés à Jérusalem s´exclamèrent, étonnés: « Nous les entendons annoncer dans nos langues les grandes œuvres de Dieu » (Ac 2,11). A partir de ce jour-là, l´Eglise a poursuivi sa mission en proclamant les  » grandes œuvres  » que Dieu ne cesse d´accomplir au milieu de personnes appartenant à différentes races, peuples et Nations.

Marie, qui a connu les tribulations de la migration
5. A Marie, Mère de Jésus et de toute l´humanité, je confie les joies et les fatigues de ceux qui empruntent avec sincérité la voie du dialogue entre les différentes cultures et religions, pour qu´elle accueille sous son manteau d´amour les personnes concernées par le vaste phénomène des migrations. Que Marie, le « Silence » où la « Parole » s´est faite chair, l´humble « Servante du Seigneur », qui a connu les tribulations de la migration et les épreuves de la solitude et de l´abandon, nous enseigne à témoigner de la Parole qui au milieu de nous et pour nous s´est faite Vie. Qu´elle nous rende prompts à un dialogue franc et fraternel avec tous nos frères et nos sœurs migrants, même s´ils appartiennent à des religions différentes.

J´accompagne ces vœux de l´assurance de mon souvenir dans la prière et je vous bénis tous avec affection,

De Castel Gandolfo, le 25 Juillet 2001

IOANNES PAULUS II

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ZENIT Staff

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