Mères porteuses, gestation pour autrui, mère intentionnelle

Print Friendly, PDF & Email

Analyse de l’Alliance pour un nouveau féminisme européen

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Jeudi 10 juillet 2008 (ZENIT.org) – L’Alliance pour un nouveau féminisme européen propose une analyse du rapport du Sénat concernant les mères porteuses, que nous publions ci-dessous.

Alliance pour un Nouveau Féminisme Européen

Mères porteuses, gestation pour autrui, mère intentionnelle

Comme à l’habitude, lorsque qu’on veut faire accepter une transgression, on profite d’un cas particulier pour généraliser sa portée par la loi.

La question des mères porteuses n’échappe pas à la règle. Pour mémoire, rappelons qu’un couple français ayant eu recours à une mère porteuse américaine a été poursuivi par la justice pendant six ans pour adoption frauduleuse jusqu’à ce que la cour d’appel de Paris lui donne satisfaction et autorise l’inscription à l’état civil des deux enfants ainsi nés et reconnaisse le couple comme père et mère des enfants. Mais l’affaire n’est pas terminée puisque cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation….

Il n’empêche ! Certains ont considéré l’occasion trop belle pour ne pas en profiter et lancer le débat au motif qu’il faut arrêter ces pratiques clandestines, que les enfants ont « droit » à un état civil et que…les progrès scientifiques étant ce qu’ils sont, il faudrait que la loi suive ce que la science permet !

C’est ainsi que le Sénat a décidé de lancer un groupe d’étude pour répondre à la demande de certains milieux qui souhaitent intégrer cette question lors de la révision des lois de bioéthique prévue en 2009, ou qui pourrait arriver en débat dès l’automne sous forme de proposition de loi comme le souhaitent certains membres de ce groupe.

Ce groupe d’étude est présidé par Michelle André, sénateur PS du Puy de Dôme et vice-présidente du Sénat. Marie Thérèse Hermange, sénateur UMP de Paris est vice-présidente. Alain Milon sénateur UMP du Vaucluse et Henri de Richemont, sénateur UMP de Charente seront les rapporteurs. Les conclusions étaient évidemment très attendues.

« Il faut autoriser les mères porteuses, mais encadrer la pratique » déclarait Michelle André au journal La Croix le18 mai 2008. Les arguments avancés sont l’injustice des femmes qui en raison d’un problème médical ne peuvent être mères, le flou juridique des enfants nés de ces pratiques dans un pays étrangers et le tourisme procréatif.

Aussi, le groupe du Sénat propose d’encadrer d’une manière stricte cette Gestation Pour Autrui (GPA) :

– autoriser la GPA dans les cas d’impossibilité d’être mère pour des raisons médicales,- réserver cette pratique aux couples stables et hétérosexuels, après examen

psychique et physique donnant lieu à un agrément, avec obligation qu’au moins un

des deux soit le parent biologique, c’est-à-dire donneur de gamètes.

– autoriser comme mères porteuses seules des femmes qui ont au moins un enfant et

domiciliées en France,

– reconnaître le « droit au repentir » de la mère porteuse qui pourrait décider de garder

l’enfant, dans un délai de trois jours.

Ces propositions appellent des remarques de fond :

La déconstruction de la maternité : la maternité de substitution

Alors que la Grande Bretagne autorise que la mère porteuse donne ses ovocytes, la proposition du groupe d’étude du Sénat l’écarte. La maternité de substitution pourrait s’articuler autour de cinq acteurs : la mère génétique, la mère porteuse, la mère intentionnelle, le père génétique et le père intentionnel, c’est-à-dire la maternité éclatée où la technocratie envahit la famille !

Le groupe de travail du Sénat n’est d’ailleurs pas à une contradiction près. En réaffirmant le principe « Mater semper certa est », la mère est celle qui accouche, il laisserait la possibilité à la mère porteuse de refuser de donner « son » enfant et de le garder pour elle. Ce qui pose deux questions :

– la mère porteuse est-elle « propriétaire » de l’enfant, si l’ovocyte ne vient pas d’elle ?

– quelle suite donner à la rupture du contrat entre la mère porteuse et les parents

intentionnels ?

Que dire d’un enfant né avec un grave handicap ou qui ne correspondrait pas à la commande ? La mère porteuse sera-t-elle dans l’obligation de garder l’enfant qu’elle a porté pour le compte d’une autre femme ?

La déconstruction de la filiation : la filiation intentionnelle

Le statut du beau parent a inventé la « filiation sociale », la Gestation Pour Autrui innove un nouveau concept de parentalité : la « parentalité intentionnelle ». Bernard Debré en défendant la maternité pour autrui, veut aider les femmes privées de capacité gestatrice (absence d’utérus, par exemple) mais pouvant utiliser leurs propres ovocytes. Il oublie qu’il reste des cas où des couples devront avoir recours à des donneurs anonymes, proposition retenue par le groupe sénatorial. Ces parents là n’auront pour eux que la parentalité intentionnelle. Ont-ils réfléchi à l’intérêt de l’enfant ? La générosité et l’altruisme de l’homme ou de la femme, les parents donneurs, peuvent-ils aller jusqu’à donner ces cellules reproductives tout en ignorant de qui ils seront père et mère ?

La banalisation du corps de la femme

Toutes les féministes devraient se rassembler pour crier haut et fort leur horreur d’être utilisées comme un ventre, fut-il généreux ! Quelle femme accepterait de « louer son corps » pour la maternité d’autrui quand les récentes découvertes indiquent que des liens indélébiles se créent dès la conception de l’enfant. Les hommes ne peuvent imaginer ce qui se passe entre la mère et son enfant surtout quand celui-ci commence à bouger et à manifester sa présence…

En tant que femmes nous ne pouvons accepter cette instrumentalisation et cette exploitation de notre corps, plus précisément de notre ventre. La femme enceinte serait-elle appelée à devenir « prestataire d’enfant » ? Mais la dignité de la femme ne peut se réduire à ses capacités de gestatrice. Ce qui reviendrait à désacraliser la maternité : les femmes valent mieux que leur capacité à procréer, elles valent plus que leur utérus. Et c’est ce que nous attendons des représentants de l’Etat : une reconnaissance comme personne et comme citoyenne et non comme « emprunteuse d’utérus » ou de « loueuse de ventre ».

Il restera sans doute des femmes consentantes pour porter l’enfant d’une autre, les plus fragiles, les plus pauvres et les plus vulnérables. Car ce ne sont pas les femmes aisées qui accepteraient de voir leur corps déformé par une grossesse pour autrui. Comme nous le voyons déjà pour les dons d’ovocytes dont la pénurie conduit aux pires dérives…gare au trafic de ventre !

Même si la proposition parle de dédommagement et non de rémunération, il est difficile de ne pas voir dans cette pratique une entorse au principe de non patrimonialité et de non commercialisation du corps humain…en attendant l’utérus artificiel !

Le dualisme ou l’unité brisée

La séparation pour ne pas dire la dialectique entre le corps et le coeur est insupportable, pour nous les femmes, telle la femme qu’on oblige à la prostitution et qui subit le commerce de son corps pour quelques deniers tout en mettant son coeur sous le boisseau ! On retrouve dans cette idéologie l’opposition entre nature et culture qui refuse la nature comme un donné assumé par la culture, ce qui nous protège pourtant des idéologies. Au contraire, la personne « est » son corps, son intelligence et son coeur. Tout son être est constitutif de sa dignité. Une femme enceinte ne l’est pas seulement
dans son corps, mais dans tout son être. La gestation pour autrui est inacceptable en ce sens qu’elle déconstruit l’unité de la femme.

Cette position dualiste se retrouve dans les propos de notre secrétaire d’Etat à la famille, Nadine Morano, interrogée sur une radio nationale le 26 juin : « La gestation pour autrui est un acte d’amour. L’enfant grandit dans le corps d’une femme et dans le coeur d’une autre…l’encadrement stricte prévu par le groupe d’étude nous met à l’abri de toute marchandisation ».

Le droit des enfants ou le droit à l’enfant

La souffrance de certains couples qui pour des raisons médicales connaissent la stérilité justifie-t-elle toute pratique, même les plus invraisemblables comme la gestation pour autrui ? Il n’est pas possible de satisfaire son désir d’enfant par des procédés contraire à l’intérêt de l’enfant. Celui-ci sera livré comme un produit fini d’un projet à deux, trois, quatre ou cinq acteurs, sur lequel s’appliquera la traçabilité en guise de filiation. L’Etat devra-t-il se contenter du contrôle du process ? L’enfant ne sera plus le petit d’homme reçu, mais le produit choisi dans un catalogue d’ovocytes, de spermatozoïdes et de ventres disponibles. Ce n’est pas une vue de l’esprit, des sites Internet existent déjà…

Il est d’ailleurs paradoxal qu’au moment où le Conseil de l’Europe s’apprête à adopter une résolution sur l’abandon des enfants à la naissance, le groupe sénatorial demande l’institutionnalisation de l’abandon d’enfant par la mère qui l’a porté ! En effet, cette résolution « rappelle et réaffirme le droit de l’enfant de vivre dans sa famille et son droit de connaître ses origines, droit constitutif de l’être humain et vital pour son développement » (Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant de 1989), et de tout faire pour éviter à une mère d’abandonner son enfant

J’en appelle à toutes les femmes : ne nous laissons pas instrumentaliser par des lois contre les femmes et contre notre dignité : celle de porter la vie gratuitement dans tout notre être et de considérer l’enfant comme un don et non comme un droit !

Elizabeth Montfort, le 26 juin 2008

Ancien député européen,

Présidente de l’Alliance pour un Nouveau Féminisme Européen

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel