Mémoire doctoral sur la mort et les funérailles de Jean-Paul II

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Entretien avec l’auteur, Giovanni Tridente

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ROME, Jeudi 2 juillet 2009 (ZENIT.org) – Pourquoi autant de personnes, des millions de personnes, ont-elles convergé vers la place Saint-Pierre pour un dernier adieu à la dépouille mortelle de Jean-Paul II ? Quelles sont leurs motivations ? Comment la presse a-t-elle informé le public et dans quelle mesure a-t-elle influé sur ce grand événement planétaire de la communication, le plus grand après le 11 septembre? 

Voila quelques unes des questions auxquelles tente de répondre Giovanni Tridente, attaché de presse à l’université pontificale de la Sainte-Croix et assistant à la Faculté de communication, dans son mémoire de doctorat intitulé : « La mort de Jean-Paul II dans la presse italienne », soutenu le jeudi 25 juin à l’université pontificale de la Sainte-Croix à Rome. 

La commission d’examen réunissait le prof. Norberto González Gaitano, le prof. Daniel Arasa et le père Giuseppe Costa, directeur de la maison d’édition du Vatican, la Libreria Editrice Vaticana
 
Dans son mémoire, l’auteur analyse comment la presse italienne a couvert la maladie, la mort et les funérailles de Jean-Paul II. 
 
Une analyse qui s’appuie sur quelque 2000 articles et passe en revue les quatorze plus grands journaux italiens, dans la période qui s’écoule entre le Chemin de Croix du vendredi saint (24 mars 2005) et la célébration des obsèques sur la place Saint-Pierre. 
 
Le nombre de personnes ayant signé au moins un article durant cette période s’élève à 655, avec en tête les « vaticanistes » qui constituent la majorité, les hommes politiques, les ecclésiastiques et les représentants du monde de la culture.  
 
Outre la présentation de données générales et un détail des contenus analysés, le travail tient compte des choix de style et de narration adoptés dans la formulation des textes, mettant particulièrement en avant les éléments religieux et spirituels présent dans les articles. 
 
Un chapitre à part, réservé au récit par la photo, illustre les caractéristiques d’une prise extrapolée de sa matrice, disant qui en sont les principaux auteurs et comment ils agissent, en s’appuyant sur du matériel infographique. 

Pour mieux approfondir ce thème, ZENIT a interrogé l’auteur de ce mémoire, Giovanni Tridente, jeune docteur en Communication sociale institutionnelle. 

ZENIT : Votre mémoire doctoral porte sur la couverture médiatique de la mort et des funérailles de Jean Paul II. Pourquoi ce choix ? 

G. Tridente : Nous savions que le pontificat de Jean-Paul II avait été long, bondé de gestes surprenants, que les médias n’ont cessé de suivre. Nous connaissions les derniers moments de la vie de Karol Wojtyla, sa grande souffrance physique et nous savions dans quel esprit il vivait sa faiblesse physique. Nous avions assisté par ailleurs à la grande mobilisation de personnes, provenant de toutes les régions du monde, qui sont venues ici à Rome participer en direct à ce grand rendez-vous avec la foi, et nous étions au courant que les grands journaux et les télévision du monde accordaient beaucoup d’attention à ce qui se passait en cette période, d’abord à l’hôpital Gemelli et puis place Saint-Pierre.

Du coup nous nous sommes retrouvés devant un patrimoine de documents de grande ampleur qui demandaient à être quelque peu reclassés et remis dans leur contexte de manière adéquate. Tout d’abord pour que le souvenir de cette période reste un souvenir vivant, mais aussi pour donner à cet événement populaire, le plus populaire et le plus communicatif de ces derniers temps, sa juste interprétation, pour dire quel est son vrai sens. 

ZENIT : Quelles grandes questions vous êtes-vous posées avant d’entreprendre cette enquête? 

G. Tridente : Parmi toutes les hypothèses d’étude, il y a une question qui s’est posée très clairement à nous : qu’est-ce qui a poussé des millions de personnes à converger Place Saint-Pierre pour rendre hommage au pape et comment la presse a-t-elle informé et influé sur le plus grand événement de communication  planétaire après le 11 septembre. 

ZENIT : Votre étude se focalise sur les 14 grands journaux de la presse italienne. Pourquoi ne pas avoir pris en considération la presse internationale? 

G. Tridente : Il y a au moins deux raisons à cela. Tout d’abord l’ampleur de l’espace que ces journaux ont réservé au pape et au Vatican pendant cette période. Elle dépasse de très loin celui de la presse internationale. Puis l’information vaticane où, incomparablement, la plupart des journaux  indiqués jouent un rôle de premier plan, faisant souvent fonction de source autorisée pour la presse étrangère, grâce entre autre à la figure des vaticanistes, une catégorie professionnelle quasi exclusive en Italie. 

ZENIT : Pouvez-vous nous donner quelques résultats significatifs de votre recherche? 

G. Tridente : Le nombre total d’articles utilisés dans notre recherche s’élève à 1.850. Les deux quotidiens à avoir consacré aux divers événements et célébrations le plus d’espaces et le plus d’articles sont la Repubblica et le Corriere della Sera, qui dépassent les 14% de notre échantillon.

Le nombre de personnes ayant écrit et signé un papier durant toute cette période s’élève à 655, entre « vaticanistes » (la majorité), hommes politiques, ecclésiastiques et représentants du monde de la culture. Nous trouvons parmi eux la plus jeune de toute cette période, Maria Vittoria de Viterbe, d’à peine 9 ans, dont la lettre adressée au pape défunt, le 4 avril, a fait la Une du journal Il Tempo. 

Au plan strictement rédactionnel, 7% des reportages ont été réalisés parmi les personnes, ceci montrant que le journaliste était en contact direct avec les personnes, sur les lieux de l’événement, qu’il n’a rien perdu des moments les plus émouvants, les rapportant ensuite dans ses papiers. Autre détail significatif est le fait que 22% des textes parlent du pape et de l’Eglise de façon élogieuse, absolument positive, alors que 2,1% d’entre eux seulement donnent une vision négative du pontificat et critiquent expressément l’Eglise. 

ZENIT : Quelles sont les réflexions de fond qui émergent de toute cette étude? 

G.Tridente : Ce que l’on a constaté et qui nous  a frappé le plus, c’est sans nul doute la manière dont la presse italienne, la presse ‘laïque’ comme on dit, a su s’arrêter sur le thème de la souffrance de Jean-Paul II, a su décrire les frontières de ce qui s’avèrera être un vrai Evangile : reconnue par les journaux eux-mêmes! 

Le témoignage et l’esclavage de la maladie ne sont pas restés lettre morte. Ils ont créé autour d’eux un climat de bonnes intentions avec les personnes qui, après avoir écouté et vu, ont été saisies d’affection, de piété, de compassion et de solidarité vis-à-vis du Saint-Père. 

A cette petite minorité de gens qui mettaient en doute l’« honnêteté » d’un tel comportement, imaginant une sorte de trouvaille médiatique cultivée volontairement, nos confrères eux-mêmes  leur ont fait remarquer qu’il y avait un fil cohérent entre le pontificat et le témoignage des derniers jours. 

On ne saurait ignorer aussi cette dextérité des journaux à suivre et raconter la mobilisation de ces foules, envahissant la place Saint-Pierre dans le contexte d’un pèlerinage de foi, au point d’ailleurs que pour les chroniqueurs italiens, n’était visible entre les colonnades que l’Eglise, vivante et jeune! 

Même les « grands de la terre » sont restés en deuxième ligne derrière la puissance du vrai pouvoir des personnes, qui se dégageait de la force de leur amour, du courage de leurs idées, de leur foi et de l’espérance de leur
s âmes. 

Lors des funérailles, la foule était impressionnante mais la solennité du rite aussi était boulversante, avec tous ses symboles, du crucifix au livre des Evangiles. Intéressantes aussi les interprétations données à l’image poignante de l’Evangile effeuillé par le vent, un vent fort et impétueux.

ZENIT : Qui a décidé de l’agenda des médias durant ces journées? 

G. Tridente : Il est clair que les divers organes de presse n’ont négligé aucun détail de la série d’événements et célébrations en ce mois d’avril 2005, et il ne pouvait en être autrement vu la popularité de Jean-Paul II et le fait que lui-même n’avait jamais évité les médias, même dans les pires des cas, conscient qu’à travers eux il pouvait atteindre directement les personnes. 

L’agenda des médias a donc été dicté d’une part, par Jean-Paul II qui, par son témoignage, dans une société centrée sur le succès, la beauté et le divertissement, invitait à réfléchir sur la souffrance et sur la mort, réaffirmant  par le biais des médias, que la souffrance, la mort, peuvent elles aussi, si elles sont bien vécues, acquérir de la dignité. 

Et puis il y avait les gens ordinaires, chaque personne avec ses histoires personnelles et ses   inquiétudes spirituelles, ces personnages inattendus qui, occupés à s’interroger sur le sens de l’existence et à honorer la grandeur de l’homme, Karol Wojtyla, ont poussé les médias à se poser de nouvelles questions et à redonner, dans les journaux, une place à la religion, aux témoignages de foi, aux prières, au sens de la messe … 

ZENIT : En définitive? 

G. Tridente : En définitive, on a vu que les journalistes, qui se sont sans aucun doute fatigués physiquement, descendant par centaines au milieu de la foule pour la décrire de près, pour l’écouter et la vivre en personne, ont donné de l’espace à l’essentiel et se sont rendus vaillamment complices d’une « catéchèse » moderne. 

A notre avis, il y a eu comme une vraie fête de la communication, tant humaine que religieuse, dont les protagonistes étaient les personnes, à commencer par le pape, puis la foule et les journalistes. Et la religion, le sens du sacré, l’image de la papauté, en ont bénéficié. 

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ZENIT Staff

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