« Même si tu me tuais, j’espérerais en Toi », par Mgr Francesco Follo

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Méditation sur l’espérance chrétienne

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ROME, Mardi 13 mai 2008 (ZENIT.org) – « Même si tu me tuais, j’espérerais en Toi » : l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, Mgr Francesco Follo, offre aux lecteurs de Zenit en français cette méditation sur l’espérance chrétienne à la lumière de l’encyclique de Benoît XVI « Spe salvi », et de son voyage apostolique aux Etats-Unis et aux Nations Unies, spécialement de sa prière à « Ground Zero ».

Un itinéraire spirituel qui passe aussi par Dante et Padre Pio, Jean-Paul II et Mère Teresa, jusqu’à Marthe Robin, témoins pour notre temps de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.

Le texte italien vient d’être publié par l’agence SIR (Service d’information religieuse, Servizio Informazione religiosa) de la conférence des évêques d’Italie. Les intertitres sont de Zenit.

« Même si tu me tuais, j’espérerais en Toi »

Par Mgr Francesco Follo

Déjà, à la première lecture de l’encyclique « Spe salvi » de Benoît XVI, cette phrase de Job m’était revenue en mémoire: « Même s’il me tuait, j’espérerais en Lui » (« Etiam si occiderit me, in ipso sperabo », Job 13, 15). Une affirmation d’espérance qui m’a troublé lorsque je l’ai lue pour la première fois, citée dans une lettre de saint Pio de Pietrelcina, qui suggérait de la méditer et de la répéter pour grandir dans la confiance en Dieu (Ep.II, p.395).

La lecture méditée de « Spe salvi » m’a fait providentiellement comprendre la fécondité et le caractère raisonnable de la suggestion du Padre Pio et j’ai compris que le cri de confiance exprimé par Job est accompli par celui du Christ en Croix: « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46).

Par l’intelligence et par le coeur

De fait, déjà dans les premières lignes de cette encyclique, le pape écrit: « La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l’espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent: le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s’il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin » (n.1), un terme dont nous soyons sûrs, une terme aussi grand, attendu, espéré, au point de justifier la fatigue du chemin.

Ce chemin doit être parcouru par l’intelligence et par le coeur. C’est un exode de foi, d’espérance et de charité, vertus contiguës, parce que chercher Dieu est la foi, le trouver, c’est l’espérance, le connaître, c’est l’amour.

Dans la première encyclique « Deus caritas est », le pape nous a rappelé qu’avec la charité l’homme devient ami de Dieu, dans la deuxième, « Spe salvi », il nous enseigne que, grâce à la charité, l’espérance est rendue plus parfaite, parce que c’est de nos amis surtout que nous espérons avec une espérance raisonnable.

C’est justement l’amitié de Dieu qui accroît l’espérance, parce que l’ami est celui duquel tu attends pour toi un bien.

Un double exode

Un espérance qui, comme Dante l’écrit dans le XXVe chant du Paradis, « laggiù ben innamora » (XXV, 44), [c’est-à-dire: l’espérance qui, sur la terre, embrase les âmes de l’amour du bien et du vrai], et nous rend certains que nous sommes attendus par un grand amour, par l’Amour. L’espérance naît en effet de la foi en un Dieu qui aime l’homme, le rachète du péché et de la mort, le rend son enfant, l’appelle « ami », et lui promet la vie éternelle. « La speme è un attendere certo della gloria futura, il qual produce grazia divina e precedente merito » (XXV, 65-68) [c’est-à-dire: l’espérance est une attente certaine de la gloire future, que produit la grâce divine et par les mérites précédemment acquis]. Sans l’espérance, aucun voyage n’a de sens, seul qui espère peut se mettre en route.

Un chemin vers l’Amour qui nous attend et que nous attendons, un chemin qui nous fait passer de la fermeture à la tension. Une tension qui est un exode, un exode qui a deux directions, intérieure et extérieure.

Aller vers les autres, vers l’Autre

Un double exode, non pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. Abraham, notre père dans la foi, a été appelé par Dieu à être un « Araméen nomade », errant. Notre vie de croyants est vouée à une aventure qui n’est pas seulement celle d’Abraham, mais celle, fondatrice, pour l’humanité entière, des Hébreux qui ont quitté l’Egypte, en faisant « exode » vers la terre promise. Mais alors, comme aujourd’hui, cet exode de conversion n’est possible qu’en nous « abandonnant » nous-mêmes et pas seulement en abandonnant une terre d’esclavage. Nous devons renoncer à demeurer dans ce qui nous enferme, nous enclôt, nous renferme, sortir pour aller vers les autres, vers l’Autre, vivre de tout notre être la rencontre.

En effet, le pape nous rappelle qu’à la foi qui attend (= tend à), en espérant (cf. Spe salvi, n. 7), il faut unir la foi qui opère par la charité (Gal 5,6 cité aussi dans « Deus caritas est, n. 31), elle qui espère tout (1 Co 13, 13). Par un seul mouvement de vie, l’arbre pousse ses racines dans la terre et ses branches dans le ciel. Les vivants que nous sommes, sont appelés à grandir vers l’intérieur et vers l’extérieur, vers le monde et vers les autres. Croissance décisive, qui nous empêche de végéter sur le fil de nous-mêmes, et assure la réussite définitive de notre vie personnelle et communautaire.

L’existence devient eucharistique

Pour l’exode intérieur, chemin d’espérance à l’intérieur de nous-mêmes, il faut creuser à l’intérieur de notre coeur, par la prière, qui, comme nous l’enseigne le pape, est une école d’espérance (Spe salvi,nn. 32-34). Il faut élargir notre coeur afin que Dieu puisse le remplir (cf. id. n. 32). Les hommes du Moyen Age parlaient par la prière de « vacare Deo » (« vaquer à Dieu » ndlr), d’être en vacance pour Dieu, être disponible à Dieu. Dans une société placée sous le signe de l’utile, de l’efficacité, des choses à faire, cette vacance pour Dieu est un luxe. Mais si on ne comprenait l’efficacité, la force purificatrice (n.34) et libératrice, nous ne serions pas avare de temps à consacrer à la prière et nous deviendrions libres pour Dieu et ouverts aux autres (n. 33). La prière, école et chemin d’espérance, qui met en pratique le fait que « de toi, homme, Dieu demande: d’accomplir la justice, d’aimer avec tendresse, de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8). Cet humble chemin avec Dieu nous conduit en outre à la distinction prière/action. Notre exode accompagné par Dieu est unité de prière et d’œuvres. Notre vie devient une grande prière, qui, dans l’offrande unit la charité de Dieu au travail humain et l’existence devient eucharistique.

Le rapport à celui qui souffre

Pour l’exode extérieur, en premier lieu, il ne faut pas oublier que les grandes âmes priantes (on pense par exemple à Mère Teresa de Calcutta et au pape Jean-Paul II) sont toujours présentes à leur temps. Leur prière, sans perdre la puissance d’adoration, se fait intercession. Le coeur humain ne mûrit que dans l’accueil de l’autre. En écrivant que tout agir sérieux et droit de l’homme est espérance en acte (Spe salvi, n. 35) et que « la mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre » (id., n 38), le Pape Benoît XVI répète que l’autre est un don, une promesse d’amour et d’espérance, d’un avenir amoureux. Pour le croyant, l’autre est présence authentique du Christ, son icône vivante, et l’accueillir est se laisser combler par sa présence.

L’exode extérieur, c’est rencontrer l’autre, se mettre en marche vers Emmaüs, et pouvoir ainsi rencontrer l’Autre, qui se rend reconnaissable à la fraction du pain, au geste eucharistique, et donne la force de reprendre le chemin du retour.

Les deux disciples d’Emmaüs étaient tristes, mais non désespérés, autrement, ils ne se seraient pas mis en route. Ils seraient restés enfermés au cénacle. L’exode, le fait de sortir d’un lieu clos est toujours une action mue par l’espérance, puisque l’on ne marche que vers un terme possible. L’exode est en outre un chemin de charité, cette charité qui espère tout (cf. 1 Cor 13,13).

Je conclus en rappelant que nous sommes en chemin, que

– le Christ est le Chemin et qu’il est l’Amour;

– l’amour, qui est plus grand que la foi et que l’espérance, rend plus puissante, plus forte, et plus sûre l’espérance, nous permet d’espérer aussi pour ceux qui n’espèrent pas et qui ne croient pas. L’espérance devient un acte, pas une pensée, mais une action, qui d’un côté engendre l’amour et d’une autre est soutenu par lui. Alors que l’amour soutient l’espérance, celle-ci est rendue visible dans les œuvres de charité, dans les « actes d’amour »;

– l’espérance s’enracine dans la foi, et s’ouvre comme une fleur, lorsque l’amour la conduit à s’abandonner à la volonté de Dieu, lorsque nous savons accepter les douleurs de la vie, lorsque nous luttons contre le mal et le péché, en tournant notre coeur et notre esprit vers la vie éternelle ardemment désirée.

La prière de Benoît XVI à « Ground Zero » dit justement que seule une grande espérance nous donne la force de survivre à une si grande douleur. Et un grand amour sait engendrer à nouveau l’espérance qui nous pousse à nouveau vers la charité. Pour qui entreprendre le chemin, sinon pour celui qui, avec amour, nous conduit à l’espérance, lorsque tout paraît perdu? En qui placer notre espérance, sinon en ce Dieu qui secourt toujours, même lorsqu’il semble que la vie nous manque, « nous tue »?

Marthe Robin a dit:

«Chercher Dieu, c’est la foi, le trouver c’est l’espérance, le connaître c’est l’amour, le sentir c’est la paix, le goûter c’est la joie, le posséder c’est l’ivresse.»

           

© Mgr Francesco Follo – 2008

Traduction, Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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