Pope Francis Blessed a image of Mary in the general audience - 9 Sett. 2015

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Mariage : le pape François fait confiance aux évêques, par Mgr Pinto

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Le président de la Commission chargée de préparer la réforme du droit canon en matière de procès en nullité explique les principaux points de cette réforme. Traduction intégrale.

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Mgr Pinto évoque « la nouveauté de l’intervention du pape François », et notamment la « confiance dans les évêques » que traduit la réforme des procès en déclaration de nullité de mariage.

Le pape François a publié le 8 septembre, en latin et en italien, deux lettres apostoliques en forme de « motu proprio » simplifiant les dispositions du droit canon des Églises orientales catholiques (Mitis et misericors Iesus, « Jésus doux et miséricordieux ») et de l’Église catholique latine (Mitis Iudex Dominus Iesus, « Le Seigneur Jésus doux juge ») quant aux démarches juridiques en vue d’une « déclaration de nullité » d’un mariage célébré selon les rites catholiques. Nous en avons présenté les grandes lignes le 8 septembre.

Ces questions ont été examinées par une commission mise en place par le pape François en août 2014, sous la présidence de Mgr Pio Vito Pinto, doyen du tribunal de la Rote romaine, qui a présenté la réforme à la presse, aux côtés du cardinal Francesco Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, nommé à ce poste par Benoît XVI en 2007 et fait cardinal par lui en 2012.

Ils étaient accompagnés de quatre membres de la Commission : Mgr Dimitrios Salachas (Athènes), Mgr Luis Francisco Ladaria Ferrer, S.I. (Doctrine de la foi, cf. Zenit du 8 septembre 2015), Mgr Alejandro W. Bunge (Rote romaine, nous publions la traduction intégrale de son intervention également ce 10 septembre), Mgr P. Nikolaus Schöch, O.F.M. (Signature apostolique).

« Fidèle à Vatican II, [le pape François] a voulu, à travers ses actes dès le début de son pontificat, exprimer sa fidélité à la théologie de la collégialité de Vatican II. Le premier motif du procès publié maintenant se base sur ce principe : le pape investit sur la collégialité, dans la confiance envers les évêques », explique, entre autres, Mgr Pinto.

Voici notre traduction intégrale de l’intervention du président de la Commission qui a travaillé à la réforme.

A.B.

 

Intervention de Mgr Pio Vito Pinto

Avant tout, quelques mots sur la Commission spéciale de réforme du procès matrimonial.

La Commission, décidée par le Saint-Père, a avancé rapidement et avec la pleine coopération de tous ses membres. Le pape a voulu être informé périodiquement.

Le Saint-Père a été conforté, dans sa décision de promulguer ces deux documents législatifs importants, de savoir que le travail de groupe et collégial de la Commission a ensuite obtenu l’approbation presque toujours à l’unanimité, lors des votes de chaque proposition, de chaque nouveau canon et de chaque article de la procédure promulguée dans ce même document législatif.

À la fin, le pape a voulu entendre quatre grands experts, parce que tout est perfectible. Ces experts lui ont apporté leurs observations et ont trouvé que le contenu ainsi que la forme des documents pouvaient tranquilliser le Saint-Père.

Je peux donc témoigner que le Saint-Père est parvenu à cette décision avec gravité, mais aussi avec une grande sérénité ; soutenu dans la conviction de poursuivre ce qui, pour lui, est la plus grande loi, le salut des âmes, dans le contenu et dans les procédures et dans les temps, par le consensus exprimé par les évêques que ce soit lors du dernier synode ou dans les réponses au questionnaire envoyé auparavant par le secrétariat général.

 

Le second aspect que je voudrais souligner ici concerne la question suivante : pourquoi cette troisième réforme profonde du procès matrimonial ? Et pourquoi est-ce la troisième ? Parce que dans l’histoire, à commencer par le XVIIIe siècle, trois papes ont réformé le procès matrimonial de façon déterminante : Benoît XIV, saint Pie X et François.

Avant Benoît XIV, le grand pape Lambertini, le procès de nullité se concluait avec une seule sentence ; par conséquent sans la nécessité de la double sentence conforme.

Si le pape Lambertini, éminent juriste, a d’un côté donné une impulsion à la dissolution du mariage conclu et non consommé, par le pouvoir des clés, de l’autre, en raison de la nécessité de freiner des abus communs très graves, surtout dans une nation d’Europe centrale, il a innové le système en donnant force à l’intervention du Défenseur du lien et en introduisant la nécessité de la double sentence conforme. Ce système de procès a continué depuis Benoît XIV jusqu’à nos jours.

En effet, le procès matrimonial – même avec la grande réforme de Pie X au début du XXe siècle –, est resté quasiment identique depuis trois siècles jusqu’à nos jours. Il faut rappeler saint Pie X qui, grâce au cardinal Lega, alors doyen de la Rote restituée, a ordonné que les procès soient faits surtout dans les diocèses ; en cela, il a certainement été un précurseur.

Le nouveau Code de droit canonique de 1983 aussi a essentiellement laissé le procès comme Lambertini l’avait créé ; malgré l’intervention législative du Canon 1682.2, selon lequel, en seconde instance, le Tribunal d’appel peut décider, par décret judiciaire, de confirmer la sentence en première instance ou de renvoyer à un nouvel examen ordinaire de second degré. Cette intervention dans le Code mit fin aux facultés particulières concédées exceptionnellement par le bienheureux pape Paul VI à la Conférence des évêques américains, entre autres l’abolition de la double sentence conforme ; laissant ainsi le procès essentiellement tel qu’il avait été défini par Benoît XIV Lambertini.

 

Quelle est alors la nouveauté de l’intervention du pape François ? Je voudrais la résumer dans ses points essentiels. Fidèle à Vatican II, il a voulu, à travers ses actes dès le début de son pontificat, exprimer sa fidélité à la théologie de la collégialité de Vatican II. Le premier motif du procès publié maintenant se base sur ce principe : le pape investit sur la collégialité, dans la confiance envers les évêques. Aucun pape n’a rassemblé deux synodes à distance d’une année. Pour lui, il est clair – et il l’a aussi dit dans une audience générale en novembre 2014 – que l’Église n’est pas la propriétaire, et le pape non plus n’est pas le propriétaire, du pouvoir des clés ; l’Église est servante et le pape est serviteur. Ce qu’il demande, c’est que les évêques soient serviteurs avec lui ; c’est ce qu’il a clarifié dans son important discours en conclusion du synode dernier et qui l’a conduit à la décision de publier maintenant, et non après le synode, cette réforme du procès canonique ; en espérant que le synode ordinaire pourra non seulement accueillir et mettre en œuvre cette réforme, mais se consacrer sous le signe de la diaconie à favoriser une renaissance chrétienne des jeunes sur leur chemin vers le mariage.

Le second aspect de la réforme a une âme double : le rôle central de l’évêque diocésain en tant que juge ; et la disponibilité honnête d’esprit et de cœur pour mettre les pauvres au centre. C’est ce qui distingue profondément la réforme de François après les pontificats mentionnés : cette double centralité, l’évêque diocésain et les p
auvres. Parmi ces pauvres, François veut servir le grand nombre de fidèles divorcés et remariés.

Il est évident que le système actuel du procès matrimonial est pour quelques milliers, et que le nouveau système ne sera pas automatique. Il n’est pas exclu qu’il y ait çà et là des résistances et des verrouillages ; cela fait partie de notre humanité. Toutefois le Saint-Père investit, avec une totale confiance, dans la libre communion, libre parce que l’âme de la communion est l’Esprit auquel nous savons tous, nous qui sommes pécheurs, qu’il n’est pas toujours facile d’obéir en tout.

Ceux qui me suivent exposeront dans les détails la manière dont l’évêque sera l’âme de la nouvelle forme du procès de nullité matrimoniale. Évidemment, les évêques ne pourront pas en trois mois mettre en œuvre le nouveau procès partout et immédiatement. Il faudra un temps moyennement long ; mais l’important est que cette loi de François soit accueillie avec une obéissance pleine d’amour.

La formation est essentielle. La Rote romaine a organisé ces derniers jours un cours important en Amérique centrale et je peux témoigner personnellement que j’ai été impressionné par le désir de nombreux prêtres et laïcs, hommes et femmes, d’apprendre, de se préparer à assister leurs évêques. J’ai été édifié en constatant l’humilité des deux évêques, dont un métropolite d’un pays d’Amérique latine, qui étaient avec leurs prêtres et leurs laïcs, à suivre avec intérêt les exercices proposés par deux prélats auditeurs de la Rote. Dans une lettre envoyée au doyen, le pape a souligné l’importance de ces cours ; il a indiqué expressément qu’il voyait dans cet effort nécessaire, un nouveau moyen pour Pierre d’être proche des Églises, afin qu’elles soient aptes à venir au secours de ceux qui attendent la justice.

 

En conclusion : « le pauvre au centre » et l’évêque diocésain maître et père du jugement de nullité matrimoniale sont les nouveautés qui distinguent avant tout la réforme de François de celle de Pie X et de celle de Benoît XIV ; l’abolition de la double sentence conforme, la rapidité des jugements, la connexion libre et nécessaire avec les tribunaux régionaux et interdiocésains, la gratuité, etc., sont des aspects importants, mais qui s’éclairent et tirent leur force de cette double centralité indispensable. Avec aussi la nécessaire ecclésiologie du signe : il est en effet évident qu’un évêque qui a des millions de fidèles dans son diocèse ne pourrait pas présider personnellement la décision de nullité de tous les fidèles qui la demandent. Il pourra demander à ses évêques auxiliaires de le remplacer, quand ce sera nécessaire. Mais l’important est que l’évêque assume la manifestation concrète de son pouvoir sacramentel, au moins en raison du signe. En fixant les trois dates mariales si chères au peuple chrétien (15 août : signature ; 8 septembre : publication ; 8 décembre : entrée en vigueur), le pape remet dans les mains bénies de la Bienheureuse Vierge Marie la pleine confiance que les évêques accueilleront cet acte de son magistère pontifical. Il ne s’agit pas d’une obéissance à Pierre, mais au Christ.

@ Traduction de Zenit, Constance Roques

 

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ZENIT Staff

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