Lourdes ou la leçon du silence

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Dimanche 14 février 1858 – Deuxième apparition

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Dimanche 14 février 1858

Deuxième apparition

C’est un dimanche. Depuis jeudi, la nouvelle s’est répandue : la petite Soubirous a vu quelque chose à la grotte de Massabielle. Certains ne tardent pas à dire que c’est la Sainte Vierge tandis que d’autres la traitent de folle. Les parents, la mère surtout, ne veulent pas entendre parler de cette histoire : ils ont déjà suffisamment d’ennuis !

Le samedi en fin d’après-midi, Bernadette s’est glissée dans la vieille église de Lourdes. Elle savait qu’elle trouverait à son confessionnal le seul prêtre qu’elle connaisse un peu, l’abbé Pomian. Elle lui raconte ce qui s’est passé le 11 février. Il l’écoute, respectueusement. Il lui demande même une autorisation : d’en parler au curé, l’abbé Peyramale.

Après le signe de croix, la confidence à un prêtre est un deuxième signe de la culture chrétienne de Bernadette. Bernadette est d’Eglise. Lourdes est d’Eglise, dès les origines. C’est une des raisons de son développement harmonieux. Marie conduit à Jésus. Les lieux de dévotion mariale ne sont pas des chapelles et leurs fidèles ne forment pas des sectes.

La fin de la matinée du dimanche se passe en tractations. Alors que la mère y est opposée, comment obtenir l’autorisation de retourner à Massabielle. Des petites amies de Bernadette s’en mêlent et intercèdent. La mère renvoie au père qui, ce jour-là, travaille. Heureusement, son employeur a cette formule, elle aussi, de grande sagesse chrétienne : « Une dame avec le chapelet, ce n’est toujours rien  de mauvais ! »

La permission est accordée mais il faudra être rentrées pour les vêpres, à deux heures de l’après-midi. Il ne faut pas perdre de temps mais, par prudence, Bernadette passe à l’église et remplit une fiole d’eau bénite.

Quand l’Apparition se manifeste, Bernadette l’asperge. Elle sait que le diable n’aime pas l’eau bénite. « Si vous venez de la part de Dieu, restez ! Sinon » L’Apparition est amusée par la franche audace de Bernadette. Elle sourit, peut-être même rit-elle, d’autant plus que les aspersions sont plus copieuses. Il ne faut pas oublier que l’Apparition se présente comme une « petite demoiselle », de la taille et de l’âge de Bernadette. A 14 ans, on a bien le droit de rire et Bernadette elle-même ne s’en privait pas.  

Tout comme la première, cette deuxième apparition est silencieuse. Bernadette dit le chapelet. L’Apparition fait défiler les grains et ne remue les lèvres, silencieusement, qu’au Gloria Patri. De même, les des dernières apparitions (7 avril et 16 juillet 1858) seront, elles aussi, silencieuses. Lourdes est donc entourée de silence. N’y aurait-il pas une leçon pour notre temps, soulé de musique souvent insignifiante comme dans les temples commerciaux pour droguer le consommateur, ou dans les lieux publics pour masquer l’ennui ? Nous sommes nous-mêmes responsables de notre dépendance, en restant perpétuellement pendus à notre portable. Au concert, entre les applaudissements du public et la première mesure de musique, il faut un espace de silence.

A l’entrée de certaines église, le fidèle ou le visiteur peut lire que Dieu veut, sans doute, lui parler, mais pas sur son portable. L’affiche a un but pratique : que les sonneries ne viennent pas troubler la cérémonie, tout particulièrement le sermon. Mais l’avis vaut aussi au plan personnel. Dieu ne parle pas à Elie dans le vacarme mais dans le murmure d’une brise légère : comment l’aurait-il entendue, les oreilles bouchées par ses écouteurs ? « Alors qu’un profond silence enveloppait toutes choses, ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue du ciel », dit la liturgie du temps de Noël (Sagesse 18, 14-15). Marie «méditait toutes ces choses dans son cœur », répète saint Luc. les grands spirituels ne sont pas des bavards.

L’Apparition ne dit rien à Bernadette. Même pas son nom, qu’elle ne prononcera que le 25 mars. Et, pourtant, Bernadette veut revenir. Les gestes de la Dame l’invitant à s’approcher, sa jeunesse, son sourire, sa proximité d’âge, la lumière qui l’entoure, tout lui inspire confiance. Il dut en être de même pour ceux qui vinrent à Jésus sans bien le connaître : Jésus leur inspirait tellement confiance qu’ils n’hésitaient pas à franchir les barrages de la foule ou des convenances. Exemples : la Cananéenne, la pécheresse, le chef de synagogue, le centurion.

Bernadette pressent-elle que la « petite demoiselle », c’est la Vierge Marie ? En tout cas, elle n’en dit rien. Elle parle de l’Apparition en disant « Aquero », un mot dont on ne sait même pas s’il faut le traduire par un neutre (« cela ») ou un féminin (« celle-là »). Mais son désir est plus fort que sa connaissance : elle reviendra.

L’apparition du 14 février pourrait nous indiquer trois intentions de prière :

–          que nous trouvions les espaces de silence où l nous soit possible d’entendre les appels du Seigneur ;

–          que nos communautés inspirent confiance à ceux qui sont sincèrement en recherche ;

–          que les catéchumènes aient la même joie que Bernadette, allant au lieu de la rencontre, sûre que l’Apparition vient de Dieu, même si elle n’a pas dit son nom.     

O Marie,

toi qui es une femme de silence,

apprends-nous à nous tenir près de toi

comme Bernadette,

prêts à entendre ta voix qui nous rappellera notre baptême

au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Amen !

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Jacques Perrier

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