Lourdes, jeudi 25 mars 1858 : "Je suis l'Immaculée Conception"

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Seizième apparition

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Jeudi 25 mars 1858

16ème apparition

« Je suis l’Immaculée Conception » 

Pendant la quinzaine du 18 février au 4 mars, la foule avait grossi de jour en jour : beaucoup voulaient voir Bernadette, tant elle était belle quand la Dame lui apparaissait. La quinzaine achevée sans signe particulièrement spectaculaire, Bernadette gardait ses partisans, malgré les gestes bizarres des jours de pénitence.

Mais le « phénomène » Lourdes avait commencé à se détacher de Bernadette. L’eau de la source coulait, de plus en plus abondante, de plus en plus claire. Sans que Bernadette y soit pour rien, des hommes de Lourdes installaient des canalisations artisanales pour que l’eau ne se perde pas. On commençait à parler de guérisons, mais Bernadette se défendait d’en être responsable, si peu que ce soit. D’ailleurs, elle n’allait même plus à la Grotte.

Arrive le 25 mars, le jour de l’Annonciation. Bien avant le jour, Bernadette se réveille : il faut qu’elle aille à la Grotte.

–          Mais, voyons, cela te ferait du mal (Bernadette était très enrhumée)… Tu n’es pas assez malade comme cela !

–          Je suis guérie maintenant.

–          Attends ce soir qu’il fasse soleil !

–          Non, il faut que j’y aille, et vite.

Comme le 11 février, Bernadette arrache l’accord parental. Même le Père Laurentin (le meilleur expert de Lourdes) ne dit pas si quelqu’un l’accompagne. Elle part, alors qu’il fait encore nuit. A la Grotte, elle trouve quelques personnes en prière. Même le commissaire est là : on ne sait jamais, un jour de fête mariale, Bernadette pourrait bien revenir. Le commissaire est là, mais la Dame aussi. Bernadette récite son chapelet.

A la fin du chapelet, Bernadette se risque, une nouvelle fois, à demander son nom à celle qui s’est approchée d’elle, encore plus que d’habitude. Le curé n’a pas tort : cette mystérieuse Apparition qui demande des processions et une chapelle, qu’elle décline d’abord son identité !

Bernadette s’y reprend à trois fois, sans succès. Elle essaie de soigner ses phrases mais elle s’embrouille dans ces formules trop polies. Les trois premières fois, la Dame sourit. Mais, la quatrième fois, la Dame ouvre les bras vers la terre ; puis, elle joint les mains en levant les yeux (les yeux, pas la tête, comme Bernadette le reprochera au sculpteur Fabisch) et donne enfin son nom : « Que soy era Immaculada Councepciou ».

Monsieur le curé va être content : il aura sa réponse. Mais Bernadette ne comprend rien aux mots qu’elle a entendus. Passe encore pour « immaculada ». Mais : « coucepciou » ? Tout en remontant le plus vite possible vers la ville haute, Bernadette se répète les sons pour ne pas les oublier. Arrivée au presbytère, elle, ordinairement si respectueuse, ne salue même pas l’abbé Peyramale et lui jette à la tête les mots qu’elle a entendus à la Grotte.

Très logiquement, le curé répond : « Une dame ne peut pas porter ce nom-là. ». Il vérifie que Bernadette ne comprend pas le sens des sons qu’elle répète. C’est justement ce qui le convaincra : la petite ne peut pas avoir inventé des mots-là. Certes, sur la médaille « miraculeuse » était gravée l’invocation « O Marie, conçue sans péché… ». Bernadette la savait, sans doute. Mais, elle qui n’arrivait pas à retenir la moindre réponse du catéchisme, comment aurait-elle engrangé un mot abstrait comme « concepciou » ? C’est cette invraisemblance qui convainc le curé Peyramale : Bernadette n’a pas pu inventer le nom de la Dame. A partir de cette date, le curé ne ménagera pas sa peine pour que les apparitions soient reconnues authentiques et que la chapelle soit construite.

Pendant que la conviction s’installe chez le curé, Bernadette ne sait toujours pas ce que peuvent signifier ces mots étranges. C’est l’après-midi, chez Estrade, contrôleur des indirects, assisté de sa sœur, que Bernadette reçoit quelques explications : belle coopération du laïcat ! Par la suite, elle ne variera jamais sur les mots prononcés par la Vierge, mais, dans sa prière personnelle, elle ne les emploiera jamais.

Ce n’est, évidemment, pas par hasard que la Vierge donne son nom le jour de l’Annonciation. Ce jour-là, dans l’évangile selon saint Luc rédigé en grec, l’ange l’a saluée, non pas en l‘appelant « Marie » (comme nous le faisons en récitant l‘Ave Maria), mais par un mot unique de la langue grecque. Un mot que nous traduisons par « pleine de grâce ». On pourrait dire : « chef d’œuvre de la grâce ».

Par pure grâce et en vue de sa mission exceptionnelle dans l’histoire du salut, Marie est totalement indemne de tout péché, de toute blessure du péché. Car le péché, même pardonné, laisse des traces. Comme après une maladie, nous restons vulnérables.

Parce qu’elle est indemne du péché, Marie est accueillante à tous les pécheurs, alors que le péché dresse les hommes les uns contre les autres, même les anciens complices.

Cette grâce, comme toutes les grâces, Marie la doit à la Croix de son Fils. C’est le moment de se rappeler que le premier geste de l’Apparition, le 11 février, fut le signe de la Croix.

« Je suis l’Immaculée Conception » : ces mots restent mystérieux. Ils n’ont pas fini de livrer leur secret. Ils sont dans la ligne du dogme de 1854 : « l’Immaculée Conception de la Vierge Marie ». Mais ils sont plus audacieux. Marie s’exprime comme son Fils quand il dit, dans l’évangile selon saint Jean : « Je suis la Résurrection et la Vie. »

La Vierge apparaîtra encore deux fois à Bernadette mais les mots du 25 mars sont les derniers : « Je suis l’Immaculée Conception. » Dans le Message de Lourdes, c’est le plus original. Ce trésor n’est pas immédiatement accessible mais Lourdes n’a pas le droit de le laisser dans l’ombre.

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Jacques Perrier

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