Lourdes, jeudi 25 février 1858: la source

Print Friendly, PDF & Email

Neuvième apparition

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Les journées des 25 et 26 février 1858 sont, sans doute, parmi les plus pénibles que Bernadette ait connues : le matin, au sortir de la Grotte, elle est pitoyable ; le soir, la comparution devant le procureur est encore plus rude que celle du 21, chez le commissaire ; le lendemain, 26 février, la Dame ne se montrera pas. Toute autre que Bernadette aurait pu perdre cœur. 

Hier, la Dame avait demandé à Bernadette si elle voulait bien monter à genoux vers le fond de la Grotte et baiser la terre en pénitence pour les pécheurs. Bernadette l’avait fait, « de tout son cœur » dira-t-elle. Sauf les plus proches, les gens ne s’étaient pas rendu compte de grand-chose. Mais la découverte de la source sera autrement spectaculaire.
Qu’une source soit associée à un sanctuaire marial, rien de plus banal : l’eau, c’est la pureté et ce symbole convient bien à Marie. Mais les conditions dans lesquelles la source de Massabielle a été découverte nous renvoient surtout à la pénitence et à la Passion.

Alors qu’aucun filet d’eau n’est perceptible, Bernadette entend : « Allez boire à la fontaine et vous y laver. » Elle se dirige vers le Gave, où l’eau coule en abondance. La Dame lui fait comprendre que ce n’est pas la bonne direction. S’ensuit tout un manège. A trois reprises, Bernadette monte, redescend et remonte vers le fond de la Grotte. Le sol, couvert de détritus, était, de plus, fortement en pente : depuis, la voûte n’a pas été modifiée, mais le sol a été aplani.

Il faut à Bernadette une grande patience pour recommencer ses allers et retours, sans aucun succès. Toujours pas d’eau ! Finalement, sous le rocher, Bernadette aperçoit un peu de terre humide. Elle se met à « gratigner » le sol et finit par recueillir un peu d’eau dans le creux de sa main. Trois fois encore, elle essaie de boire cette eau pour obéir à la Dame. Mais l’eau est si sale qu’elle la recrache. A la quatrième fois, elle boit et se met en devoir de réaliser l’autre partie de ce que la Dame lui a demandé : se laver. Catastrophe ! Son beau visage des autres jours est maintenant couvert de boue. Pour achever de la rendre ridicule, elle va même manger quelques herbes qui se trouvent par là.

Elle redescend. Tante Bernarde lui tend un mouchoir pour s’essuyer, non sans lui avoir administré une bonne gifle. Bernadette n’est pas troublée. Elle prie encore quelques instants puis disparaît. Cette fois-ci, le scandale est public. Comment ne pas donner raison au journal local qui, en termes savants, traite Bernadette de folle ?

Nous pouvons rester à la surface des faits et admirer simplement l’obéissance et l’humilité de Bernadette. Mais un rapprochement est possible avec bien des textes bibliques qui nous orientent du côté de la Passion. Par trois fois, Bernadette marche à genoux comme Jésus, dans la tradition des Chemins de Croix, tombe à terre trois fois. Elle mange quelques herbes, comme les Juifs au repas pascal, en mémoire de leur servitude en Egypte. Le visage méconnaissable de Bernadette, tout taché de boue, fait penser au Serviteur Souffrant d’Isaïe qui n’avait plus figure humaine et devant qui on se voile face.

« Ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive pour se creuser des citernes lézardées, qui ne tiennent pas l’eau » (Jérémie 2, 13). Cette source n’est autre que le côté du Christ, transpercé par la lance du soldat. A la paroisse, chaque vendredi de Carême est consacré à un des instruments de la Passion : demain, ce sera la sainte lance.

Très vite, l’eau deviendra plus abondante et plus claire. C’est un beau symbole de la conversion. Il faut commencer par la pénitence, la reconnaissance de la laideur du péché. Il est bien normal que, comme Bernadette, nous reculions de dégoût. Mais si nous avons le courage et l’humilité de faire pénitence, l’eau de la grâce coulera, abondante et claire.

C’est la pédagogie de l’Eglise qui, pour nous conduire à Pâques, commence par nous asperger de cendres. Des cendres, grises, qui n’accrochent pas la lumière. Des cendres avec lesquelles on ne peut rien bâtir : au moindre souffle, elles se dispersent.

Une fois encore, admirons le courage de Bernadette. Il ne s’agit plus seulement de tenir tête à des autorités malveillantes. Par des gestes symboliques, elle suit le Christ dans sa Passion, comme elle le fera toute sa vie, sans jamais se plaindre, joyeusement.

Marie,
Ce que tu demandais à Bernadette était difficile.
Aujourd’hui, tu as mis Bernadette sur le chemin de la Passion.
Elle t’a fait confiance.
Heureusement pour elle. Heureusement pour nous.
Fais-nous reconnaître la laideur du péché
Pour que nous puissions puiser aux sources vives de la grâce.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Amen !

Share this Entry

Jacques Perrier

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel