Les voyages du pape et leur effet sur l’opinion publique

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Entretien avec le professeur espagnol Norberto González Gaitano

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ROME, Mercredi 12 mai 2010 (ZENIT.org) – Lors du récent congrès Church communications : identity and dialogue (Communication de l’Eglise : identité et dialogue), organisé à l’Université pontificale de la Sainte-Croix, des dizaines d’experts d’Europe, d’Amérique latine, des Etats-Unis et d’Afrique ont parlé des expériences et des stratégies de communication de l’Eglise au troisième millénaire. 

Une des interventions portait sur : « Les voyages du pape et leur effet sur l’opinion publique », traité par le professeur Norberto González Gaitano de l’Université de la Sainte-Croix, qui a évoqué le voyage du pape aux Etats-Unis en avril 2008. 

La visite de Benoît XVI a été suivie par 84% des américains à travers les médias. Plus de 60% des américains ont exprimé un avis favorable, contre 17% d’avis non favorables. 61% du total ont estimé que la visite avait dépassé leurs attentes. 

Le professeur Gonzàlez a mené son étude sur un échantillon représentatif concernant toutes les nouvelles liées à la vie normale de l’Eglise aux Etats-Unis et publiées avant et deux mois après la visite du pape. Il a par ailleurs passé en revue tous les sondages du pays où les citoyens sont interpellés sur l’Eglise et ses prêtres. 

ZENIT a interrogé Norberto González Gaitano, docteur en communication sociale à l’université de Navarre, consultant au Conseil  pontifical pour les communications sociales et directeur du portail sur la famille et sur les moyens de communication www.familyandmedia.eu, sur le thème de sa conférence et lui a demandé en quoi cela pouvait nous éclairer sur la situation que l’Eglise vit actuellement. 

ZENIT : Pourquoi avoir voulu faire une étude sur l’impact que le voyage du Pape Benoît XVI aux États-Unis a pu susciter dans l’opinion publique? 

Norberto González Gaitano : J’ai vécu quelques mois aux Etats-Unis. J’avais l’impression que quelque chose avait changé dans la perception publique et dans les médias par rapport à la crise sur les abus d’enfants par certains prêtres. Cette question est dans l’agenda des médias américains depuis 2002. Aux Etats-Unis, j’ai assisté à un congrès de professeurs en communication de nombreuses facultés, et il y avait une table ronde qui s’occupait de religion et média. En commentant mon intuition à ce moment-là, les journalistes m’ont dit qu’ils la partageaient, que le thème n’était plus d’actualité car le pape avait affronté de façon si claire le problème durant son voyage, qu’il n’était plus considéré aussi prioritaire dans l’information. J’ai voulu essayer de comprendre s’il s’agissait d’une simple intuition ou pas. 

ZENIT : Quelles sont les caractéristiques de cette recherche? 

Norberto González Gaitano : « L’approche empirique » : les vrais changements, mêmes sociaux, ont lieu à l’intérieur des consciences, et donc aucune approche empirique n’est en grade de mesurer les effets d’un voyage du pape sur les consciences. Ce que cette recherche, ou tout autre type d’analyses empiriques, a essayé de mesurer, ce sont les changements au niveau de la perception, chez les journalistes (opinion publique) et dans la population (opinion publique), en résumé ce que nous appelons communément l’image publique. Il n’en reste pas moins que les changements qui se vérifient dans les consciences, au plan individuel aussi, ont ensuite des effets extérieurs, seulement voilà ils ne se manifestent en général pas tout de suite, mais bien plus tard. 

ZENIT : Qu’avez-vous noté de particulier dans ce voyage du pape? 

Norberto González Gaitano : Le pape s’y rendait à l’invitation des Nations unies. Il y avait une attente énorme. Ratzinger, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait une image négative. Il allait dans un pays fortement sécularisé dans ses élites mais profondément religieux au niveau social. La religion a une présence publique, pas institutionnelle mais publique, et donc qui ne se discute pas, contrairement à ce qui se passe en Europe. Le voyage  a fait apparaître un modèle de cohabitation sociale respectueuse de la religion, et pas seulement « tolérante », et un climat de liberté politique et sociale. 

ZENIT : Quels sont d’après vous, les facteurs qui ont servi l’image du pape aux États-Unis? 

Norberto González Gaitano : Le fait qu’il ait été vu et écouté. Presque sans filtres. J’ai l’impression que le résultat de tous les voyages a été le même partout jusqu’ici. Voyez la Turquie, Sydney ou son récent voyage à Malte. L’effet est toujours plus positif que les attentes soulignées dramatiquement par certains commentateurs qui écrivent dans les moyens de communication et diffusent un certain climat d’opinion aux moins informés ou à tous ceux qui ne se sont pas sur place.  

Maintenant, en termes d’image, pour autant qu’on arrive à le mesurer, ce qui n’est pas simple du tout, je pense que l’on peut dire que l’humble courage, l’honnêteté et la sincérité de Benoît XVI à affronter le grave problème des abus sexuels dès le commencement de son voyage et ensuite plusieurs fois durant ( nous nous souvenons tous bien de la conférence de presse dans l’avion et de la réponse franche et bien pesée aux questions d’un journaliste qui se trouvait là) ont plus fait pour l’image de l’Eglise aux Etats-Unis que tout le travail de communication entrepris dans les réalités ecclésiales américaines. Je sais que cette affirmation est exagérée, mais permettez-moi de quitter mon rôle de chercheur de laboratoire et d’argumenter un peu. 

ZENIT : Face à cette vague d’informations négatives contre l’Eglise et le pape à propos des scandales d’abus sexuels sur des mineurs, quelle morale tirer de cette recherche pour la situation actuelle? 

Norberto González Gaitano : Comme dans le cas du nuage provoqué par le volcan irlandais, il restera hélas quelques résidus toxiques dans l’air ; et puis chez les moins superficiels restera la conscience de la faiblesse du système (des transports dans le premier cas, des médias dans l’autre) ; Les plus préparés prendront ensuite conscience qu’« une parole de vérité pèse plus que le monde entier », comme disait Soljenitsyne, et, ajouterais-je, ils auront la preuve qu’un homme juste suffit à semer le trouble chez ceux qui n’ont pas bonne conscience (dans les deux cas)… et puis il restera cette certitude que nous oublierons rapidement cette leçon et d’autres leçons que nous avons eu tant de mal à apprendre. 

Carmen Elena Villa 

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ZENIT Staff

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