Les sectes, l’« occasion » pour une nouvelle évangélisation

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Selon l’auteur du « Diccionario Enciclopédico de las Sectas », Manuel Guerra

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ROME, Mardi 6 février 2007 (ZENIT.org) – « L’existence des sectes peut même devenir un avantage, mais à condition qu’elles nous poussent à les étudier et à approfondir la connaissance des enseignements du Christ, en union avec Lui », affirme l’Espagnol Manuel Guerra, auteur d’un Dictionnaire encyclopédique des sectes.

En préparation au voyage de Benoît XVI au Brésil, qui se tiendra en mai, à l’occasion de l’inauguration de la Conférence Générale de l’Episcopat Latino-américain (CELAM), les évêques du « continent de l’espérance » perçoivent ces sectes comme une grande menace pour le catholicisme en Amérique.

Pour mieux comprendre le phénomène des sectes Zenit a interviewé Manuel Guerra, consultant auprès de la Commission épiscopale pour les relations interconfessionnelles de la Conférence épiscopale espagnole, auteur du « Diccionario Enciclopédico de las Sectas », un ouvrage de 1098 pages (Biblioteca de Autores Cristianos, cf. BAC), professeur à la Faculté de théologie du Nord de l’Espagne, et membre de la Société espagnole des Sciences de la religion.

Zenit : Dans quelques mois aura lieu au Brésil la Conférence Générale de l’Episcopat latino-américain (CELAM). Un des thèmes soulevés sera celui des sectes. En tant qu’expert, quels conseils donneriez-vous à l’Eglise en Amérique sur la question?

M. Guerra : Les experts latino-américains sur les sectes connaissent mieux que moi la situation. Il y a un peu plus d’un an, a été institué le Réseau Ibero-américain d’Etude des Sectes Rede Ibero-Americana de Estudo das Seitas (RIES), auquel ont participé jusqu’ici plus de trente experts de tous les pays de langue espagnole et portugaise.

Le RIES a déjà publié une douzaine de bulletins électroniques Info-RIES, envoyés gratuitement à plus de 4000 abonnés, et s’apprête à lancer une page internet que nous considérons nécessaire pour donner des informations sur les sectes en espagnol.

Cela dit, je voudrais rappeler une chose évidente : il serait absolument catastrophique de tomber dans la tentation de penser que les maux viennent d’eux-mêmes et surtout de l’extérieur, et que les méchants sont les autres.

Lorsque une population commence à être touchée par une épidémie, elle doit se faire vacciner, dans le cas présent, elle doit recevoir des informations justes sur le virus des sectes, afin d’éviter de s’exposer, par ignorance, au risque d’infection.

Il est également nécessaire de renforcer le soutien à la vie et à la spiritualité chrétienne, à la connaissance, à la formation doctrinale (biblique, dogmatique, morale, liturgique, sociale), à la vie intérieure (personnes qui se nourrissent de la prière et qui encouragent la prière), au vrai dynamisme apostolique qui découle de la sainteté personnelle et de l’union avec Jésus Christ fondée sur la rencontre personnelle avec Lui.

Comme point de départ, il faut aider les personnes à abandonner leur comportement passif ou réceptif et promouvoir le sens « critique », pour qu’elles apprennent à écouter, et enseigner à écouter les autres et la radio « de manière critique », à lire la presse, regarder la télévision et le cinéma « de manière critique », en suivant un « critère » qui pour les catholiques est celui de la raison éclairée par la foi ou par la révélation divine, interprétée à la lumière du Magistère de l’Eglise.

Il serait opportun et décisif de parvenir à définir les caractéristiques qui permettent d’identifier les sectes.

En Amérique Latine on appelle « sectes » ces innombrables groupes issus du mouvement évangélique et de ses vastes courants (les pentecôtistes et le fondamentalisme protestant), sans tenir compte du fait que la plupart de ces groupes sont chrétiens.

Si les catholiques qualifient les chrétiens-protestants de sectaires et si ces derniers (et il y en a) font la même chose avec l’Eglise catholique, alors qu’est-ce qui n’entre pas dans la définition de secte ?

Il faut élaborer une série de normes pastorales pratiques. Par exemple, que les structures catholiques ne cèdent leurs locaux (écoles, maisons de spiritualité, etc.) ni aux sectes, ni aux soi-disant Mouvements du Potentiel Humain (MPH). Cela s’est déjà produit et continue de se produire, bien qu’il s’agisse d’une manipulation mentale relevant d’un prosélytisme négatif.

Les locaux sont utilisés pour faire tomber la résistance – si faible soit-elle – des éventuels adeptes et surtout – quand il s’agit de jeunes mineurs – pour faire tomber celle des parents ou des tuteurs. Ceux-ci risquent de conclure que le contenu des conférences et des journées de retraite animées par les sectes est compatible avec la foi et la morale chrétiennes tout simplement en raison du local dans lequel elles se déroulent.

Zenit : Les sectes continuent-elles d’augmenter ou l’heure des grandes religions est-elle arrivée ?

M. Guerra : Il est en général plus facile et plus commode de se fragmenter et de se diviser, bien que cela soit souvent très traumatisant. Je ne saurais dire si ce phénomène est en expansion en terme de chiffres, qu’il s’agisse des sectes ou des adeptes.

En revanche, on constate une augmentation des soi-disant Mouvements du Potentiel Humain (MPH): méditation transcendantale, rei-ki, taïchi (chuan), yoga, zen, dianétique, méthode Silva de contrôle mental, association latino-américaine du développement humain, sahaja yoga, énergie humaine et universelle, etc.

D’après eux il s’agit de procédures psychotechniques pour le plein développement des forces cachées de l’esprit humain.

Un chrétien peut les pratiquer puisqu’il s’agit d’une psychotechnique, mais il faut être conscient que ces techniques constituent une voie dont le but final est religieux ou idéologiquement non chrétien ; un but qui est volontairement et stratégiquement occulté, du moins au début ou durant les premières sessions.

Il est triste de constater que les catholiques, surtout les femmes, ne sont pas rares à consacrer plusieurs heures par semaine à la pratique des Mouvements du Potentiel Humain, alors que ces personnes affirment pourtant ne pas avoir suffisamment de temps pour se consacrer quotidiennement à la prière chrétienne.

Certainement, après la tempête initiale et une fois que l’engouement pour tout ce qui est nouveau ou inconnu est passé, « l’heure des grandes religions a sonné », au moins par réaction face à tant de superficialité, tant de subjectivisme et de sentimentalisme.

Les sectes sont un des signes de notre temps et un défi pour la pastorale de l’Eglise. Face à cette réalité nous devons nous demander : qu’est-ce que le Seigneur nous dit à travers ces sectes ? Et, comme saint Paul, nous devons demander à Jésus : « Que dois-je faire, Seigneur ? » (Ac 22, 10).

Mais si les sectes sont un signe et un défi, ou pour qu’elles le soient, elles doivent être un « kairos » ou une « occasion » pour une nouvelle évangélisation (Jean-Paul II). Et alors l’existence des sectes peut même devenir un avantage (cf. 1Co 11, 19), mais à condition qu’elles nous poussent à les étudier et à approfondir la connaissance des enseignements du Christ, en union avec Lui, commente saint Augustin.

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ZENIT Staff

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