Les prostituées et le royaume : Médiation du prédicateur de la Maison pontificale

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Commentaire de l’Evangile du dimanche 25 septembre

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ROME, Dimanche 25 septembre 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche (Mt 21, 28-32) que proposait cette semaine le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale, dans l’hebdomadaire catholique italien « Famiglia cristiana ».

XXVIe dimanche du temps ordinaire (année A) – 25 septembre 2005
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 21, 28-32.

Que pensez-vous de ceci ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne.’
Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier ».Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.
Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole.

Dans la parabole, le fils qui dit oui et n’obéit pas représente ceux qui connaissaient Dieu et observaient sa Loi, mais qui ensuite, concrètement, lorsqu’il s’est agit d’accueillir le Christ qui était « le but de la Loi », ont fait marche arrière. Le fils qui dit non et obéit représente ceux qui à un moment donné vivaient en dehors de la Loi et de la volonté de Dieu mais qui, par la suite, face à Jésus, se sont repentis et ont accueilli l’Evangile. Lue aujourd’hui, la parabole des deux fils dit que pour Dieu les paroles et les promesses comptent peu si elles ne sont pas suivies par les œuvres.

Mais maintenant que nous avons expliqué le contenu central de la parabole, il faut éclaircir l’étrange conclusion que Jésus en tire : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu ». Aucune parole du Christ n’a fait l’objet d’autant d’abus que celle-ci. On a parfois fini par créer une espère d’auréole évangélique autour de la catégorie des prostituées, en les idéalisant et en les opposant aux soi-disant bien-pensants, qui seraient tous, indifféremment, des scribes et des pharisiens hypocrites. La littérature est remplie de « bonnes » prostituées. Il suffit de penser à la « Traviata » de Verdi, ou à la douce Sonia du « Crime et châtiment » de Dostoïevski. Mais il y a un terrible malentendu. Jésus prend un cas extrême, comme pour dire : « Même les prostituées – et ce n’est pas peu dire – vous précéderont dans le royaume de Dieu ». Plus encore, on ne se rend pas compte qu’en idéalisant la catégorie des prostituées, on en arrive à idéaliser aussi celle des publicains qui l’accompagne toujours dans l’Evangile, à savoir des usuriers.

Ce serait dramatique si ces paroles de l’Evangile affaiblissaient la détermination des chrétiens à combattre le phénomène dégradant de la prostitution. Jésus avait un trop grand respect pour la femme pour ne pas souffrir, lui d’abord, en la voyant réduite à la prostitution. S’il l’apprécie, ce n’est pas pour sa manière de vivre, mais pour sa capacité de changer et de mettre au service du bien sa propre capacité d’aimer. L’Evangile n’incite pas à faire des campagnes moralistes contre les prostituées mais il n’incite pas non plus à prendre ce phénomène à la légère comme s’il était sans importance.

Aujourd’hui, d’ailleurs, la prostitution se présente sous une forme nouvelle qui peut faire gagner énormément d’argent, sans courir les risques qu’ont toujours couru les pauvres femmes dans la rue. Cette forme consiste à vendre son corps, en restant tranquillement derrière un appareil photo ou une caméra. Ce que fait la femme – où ce qu’elle est contrainte de faire – lorsqu’elle se prête à la pornographie et à certains excès de la publicité, c’est vendre son corps. C’est une forme de prostitution pire, dans un certain sens, que la prostitution traditionnelle, car elle ne respecte ni la liberté ni les sentiments des personnes, en s’imposant souvent publiquement, sans que l’on puisse s’en protéger.

Des phénomènes de ce genre susciteraient aujourd’hui chez le Christ la même colère qu’il exprimait face aux hypocrites de son époque. Car il s’agit précisément d’hypocrisie. Faire semblant que tout est normal, inoffensif, qu’il n’existe aucune transgression, aucun danger pour personne, en se donnant même un certain air d’innocence et d’ingénuité recherché en jetant son propre corps en pâture à la concupiscence des autres.

Mais je trahirais l’esprit de l’Evangile si je ne soulignais pas l’espérance que cette parole du Christ offre aux femmes, qui en raison des circonstances les plus diverses (souvent le désespoir) se sont retrouvées dans la rue, le plus souvent victimes de proxénètes sans scrupules. L’Evangile est « évangile » c’est-à-dire bonne nouvelle, annonce de rachat, d’espérance, y compris pour les prostituées. Et même peut-être avant tout pour elles. Jésus a voulu qu’il en soit ainsi.

[Original en italien publié par « Famiglia cristiana » – Traduction réalisée par Zenit]

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ZENIT Staff

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