Les principes non négociables : un défi éducatif (II/III)

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Avec le magistère de Jean-Paul II

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Mgr Dal Covolo réfléchit sur la défense de la vie, en particulier sur les questions de l’avortement et de l’euthanasie, à la lumière des textes du bienheureux Jean-Paul II.

Nous publions ci-dessous la deuxième partie d’une synthèse du discours de Mgr Enrico Dal Covolo, recteur de l’Université pontificale du Latran, à l’occasion de l’inauguration de l’Ecole de formation politique promue par le mouvement italien « Politique Ethique Responsabilité » (PER), le 14 janvier 2013. (cf. Zenit du 19 janvier pour la première partie du texte).

Intervention de Mgr Enrico Dal Covolo

Le magistère de Jean-Paul II

En 1995, Jean-Paul II a publié un document puissant, ample et articulé, sur le thème de la défense de la vie, l’encyclique Evangelium Vitae. […] Je voudrais me limiter à en commenter deux passages concernant l’avortement et l’euthanasie.

I.1. L’avortement

Le premier, au sujet de l’avortement, dit ceci : « La gravité morale de l’avortement provoqué apparaît dans toute sa vérité si l’on reconnaît qu’il s’agit d’un homicide et, en particulier, si l’on considère les circonstances spécifiques qui le qualifient. Celui qui est supprimé est un être humain qui commence à vivre, c’est-à-dire l’être qui est, dans l’absolu, le plus innocent qu’on puisse imaginer. […] Il est faible, sans défense, au point d’être privé même du plus infime moyen de défense, celui de la force implorante des gémissements et des pleurs du nouveau-né. Il est entièrement confié à la protection et aux soins de celle qui le porte dans son sein » (EV, 58).

Il me semble que ces considérations de la raison sont suffisantes pour faire apparaître l’avortement et les tentatives pour le justifier comme tout à fait détestables. La raison répugne à supprimer l’existence d’un être innocent, faible et entièrement dépendant d’un autre être humain. Cette révolte – cette aversion de la raison – est précisément la conséquence du caractère non négociable du droit à la naissance de l’embryon. D’ailleurs, nous parlons de « principes » parce que, une fois admise la dérogation pour éliminer un être innocent, faible et entièrement abandonné, comme dans le cas d’un embryon ou d’un fœtus, on fait tomber une limite (limes) anthropologique et on permet l’introduction dans la civilisation (civitas) d’un contre-principe qui mène à la barbarie et à une violence inouïe. L’histoire du XXème siècle est si tristement éloquente : national-socialisme, stalinisme et maoïsme ont privé les sujets humains de leur dimension sacrée, et après les avoir réduits à un état de fragilité sans défense, ils ont perpétré contre leur vie des crimes exécrables. […]

Malheureusement, le lien qui subsiste entre l’érosion du principe non négociable de la vie naissante et les aberrations auxquelles cela conduit, sont sous les yeux de tous. Je donne un exemple douloureux et déconcertant : au Danemark, le gouvernement a désormais entrepris, depuis des années, un projet eugéniste offrant gratuitement la possibilité de recourir au diagnostic prénatal pour l’identification, et l’élimination qui s’ensuivrait, au moyen de l’avortement, des enfants à naître « défectueux ». Un journaliste, Nikolaj Rytgaard, dans le quotidien danois « Berlingske », a révélé que l’objectif à atteindre, d’ici 2030, était de faire du Danemark le premier pays au monde « Sans Trisomie 21 » (Down Syndrom Free).

A ce stade, nous nous demandons quelle différence il y a avec les expérimentations menées pendant le national-socialisme.

A la lumière de ces réflexions, il me semble que le droit à la vie de l’enfant à naître ne peut qu’apparaître non négociable. Confier à la culture, qui est passagère, ou à la politique, qui est changeante et donc susceptible de régresser, le droit de disposer de la vie d’un enfant à naître, innocent, faible et entièrement confié, revient à abandonner dangereusement la vie en commun des hommes et entre les hommes à l’arbitraire de ceux qui possèdent plus de force, plus de ressources matérielles, plus d’instruments de contrôle et d’influence. Le caractère non négociable de la protection de la vie naissante, innocente, sans défense, entièrement confiée à la protection de l’autre, nous rappelle que, si l’on abdique ce primat, alors c’est la porte ouverte aux abus de pouvoir, à l’arrogance, aux excès de toutes sortes, comme l’avait déclaré saint Augustin : « Enlève le droit – et alors, qu’est ce qui distingue l’État d’une grosse bande de brigands? » (saint Augustin, La cité de Dieu, 4, 4).

2. L’euthanasie

Je cite un second passage de l’encyclique Evangelium vitae : « la tentation de l’euthanasie se fait toujours plus forte, c’est-à-dire la tentation de se rendre maître de la mort en la provoquant par anticipation et en mettant fin ainsi « en douceur » à sa propre vie ou à la vie d’autrui. Cette attitude, qui pourrait paraître logique et humaine, se révèle en réalité absurde et inhumaine, si on la considère dans toute sa profondeur. Nous sommes là devant l’un des symptômes les plus alarmants de la « culture de mort », laquelle progresse surtout dans les sociétés du bien-être, caractérisées par une mentalité utilitariste qui fait apparaître très lourd et insupportable le nombre croissant des personnes âgées et diminuées. Celles-ci sont très souvent séparées de leur famille et de la société, qui s’organisent presque exclusivement en fonction de critères d’efficacité productive, selon lesquels une incapacité irréversible prive une vie de toute valeur » (EV, 64).

A partir des paroles de Jean-Paul II, nous comprenons que l’euthanasie aussi, définie dans la même encyclique comme une action ou une omission qui provoque la mort dans l’intention d’atténuer la douleur, est un acte contre la raison et inhumain. Il est contraire à la raison, en effet, de poursuivre une fin bonne avec des moyens mauvais. La fin bonne est d’atténuer la douleur, mais cela ne peut pas être obtenu par un moyen incomparablement préjudiciable et destructeur, à savoir la mort du sujet qui souffre. Le principe, selon lequel toute fin justifie les moyens, s’oppose à la raison si celle-ci est exercée de manière droite. En effet, si l’on introduit ce critère, toute l’existence des sujets humains et du tissu social devient vulnérable et, comme dans le cas de l’avortement provoqué, exposée à la prédominance des malfaisants et de leur cruauté. Mais l’euthanasie aussi est inhumaine. Elle ne peut prétendre à une certaine plausibilité que dans une mentalité qui exalte l’efficacité et la fonctionnalité, aspects de l’existence qui, si on les exalte et si on les met à la première place dans la hiérarchie des valeurs, rendent la vie sans pitié et cruelle. Ce qui n’est pas matériellement utile n’est pas digne d’exister. Il semble ainsi que la vie humaine soit évaluée et mesurée comme celle des objets, selon l’utilité qu’ils procurent.

Non, on ne peut pas s’abaisser à des compromis, on ne peut pas négocier. L’euthanasie est un élément d’une mosaïque terrifiante de mort et de brutalité, où les valeurs et les expériences de l’esprit, y compris la souffrance, ne reçoivent aucune considération.

(A suivre)

Traduction d’Hélène Ginabat

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Enrico dal Covolo

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