Les premières bombes tombent sur Cracovie, Wojtyla n'a pas vingt ans

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Karol Wojtyla dans l’ « apocalypse » de la Seconde guerre mondiale

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CITE DU VATICAN, Dimanche 16 mars 2003 (ZENIT.org) – Les premières bombes tombent sur Cracovie, Wojtyla n’a pas vingt ans.

Jean-Paul II vient d’évoquer à brûle pourpoint, à l’angélus, son expérience de la Seconde guerre mondiale, conscient d’avoir « survécu » alors que d’autres sont tombés, pour exhorter les jeunes: « Plus jamais la guerre ». Mais, comment Karol Wojtyla a-t-il vécu les années de guerre? Jean-Paul II l’a désignée par le terme d' »apocalypse ».

Le pape a en effet évoqué cette période à plusieurs reprises au cours de dialogues avec ses séminaristes, et, en 1996, à l’occasion du 50e anniversaire de son ordination sacerdotale, dans son livre « Ma vocation. Don et Mystère ».

Le pape y affirme qu’il a contracté une « dette », envers, dit-il, « les personnes connues de moi, sans aucune différence de nation ou de langue, qui, par leur sacrifice sur le grand autel de l’histoire ont contribué à la réalisation de ma vocation sacerdotale ».

La Seconde guerre mondiale éclate avec l’invasion de la Pologne par les troupes du IIIe Reich le 1er septembre 1939: lorsque les premières bombes tombent sur Cracovie, le jeune Wojtyla n’a pas vingt ans.

« La journée du 1er septembre 1939 ne s’effacera jamais de ma mémoire, écrira-t-il en 1996. C’était le 1er vendredi du mois. La cathédrale était vide. Ce fut sans doute la dernière fois que je pus entrer librement dans l’église ».

Avec son père, ils tentent de fuir vers l’Est. C’est l’exode. Une marche épuisante. Mais les troupes de Staline avancent sur ce front-là et reprennent la Lituanie et la Biélorussie, reconquises par Joseph Pilsudski en 1920, alors que le jeune Wojtyla venait au monde: son deuxième prénom est Joseph en souvenir de ce héros de la nation polonaise. Karol Wojtyla et son père doivent se replier sur Cracovie.

Karol Wojtyla commence cependant à suivre la seconde année de l’université de Cracovie, en Lettre et philosophie. Les professeurs poursuivirent leurs cours. C’était un acte de résistance. Et, le 6 novembre, les nazis les déportèrent au camp de Sachsenhausen. Peu en reviendront. Karol Wojtyla évoquera à différentes reprises l’héroïsme de ces professeurs.

En février 1940, il fait la connaissance de Jan Tyranowski, ce tailleur et mystique, formé à l’école du Carmel qui introduit le jeune étudiant aux écrits de Jean de la Croix et Thérèse d’Avila. Il est aussi initié au « Rosaire vivant », chaque jeune d’un groupe étant particulièrement chargé de contempler un mystère du rosaire. Le rosaire pour la paix, déjà.

Au même moment, commence le théâtre clandestin sous la direction de Tadeusz Kudlinski. Il s’agit d’une véritable entrée dans la « résistance culturelle » à la barbarie nazie. Les acteurs de la jeune troupe risquent leur vie par ces représentations clandestines. Il y a en aura une vingtaine: un défi à la Gestapo qui contrôle la ville rue par rue.

A partir du 1er novembre, l’étudiant échappe au travail obligatoire en Allemagne en travaillant à la carrière de pierre de Zakrzówek, à une demi-heure de Cracovie. Il y a va tous les jours à pied.

Depuis Noël 1940, la santé de son père s’altère sérieusement, il ne sort plus. Il meurt le 18 février 1941, alors que son fils n’est pas encore rentré du travail.

Jean-Paul II écrira, en 1996: « Devant l’extension du mal et devant les atrocités de la guerre, le sens du sacerdoce et de sa mission dans le monde devenait toujours plus clair pour moi. Le déclenchement de la guerre m’éloigna des études et du milieu universitaire. A cette époque, je perdis mon père, la dernière personne qui me restait de mes plus proches parents. Cela aussi entraînait un détachement de mes projets antérieurs; en quelque sorte, c’était comme être déraciné du sol sur lequel jusqu’alors ma personnalité humaine s’était développée. Mais il ne s’agissait pas d’un processus entièrement négatif. En effet, une lumière s’imposait alors de plus en plus à ma conscience : le Seigneur veut que je devienne prêtre. Un jour, je le perçus clairement ».

En août, Karol Wojtyla accueille chez lui la famille de Mieczyslaw Kotlarczyk, fondateur du théâtre de la parole vivante, le théâtre « Rhapsodique », (Rapsodyczny).

Le 1er novembre, c’est la Première de « Król Duch » (« Esprit royal »), de Juliusz Slowacki.

Au printemps 1942, il est transféré de la carrière à l’usine chimique Solvay.

En octobre, il commence à fréquenter les cours clandestins de la Faculté de théologie de l’Université Jagellone en tant que séminariste du diocèse de Cracovie. Jean-Paul II a évoqué à plusieurs reprises avec « ses » séminaristes cette étrange situation d’un séminariste qui étudie tout en étant ouvrier et dans la clandestinité.

Chaque matin, à l’archevêché, il sert la messe de l’archevêque, souvent avec un autre séminariste, Jerzy Zachuta. Dans « Don et Mystère », on lit ce récit : « Un jour, il ne se présenta pas. Après la messe, quand je passai chez lui, à Ludwinow, j’appris qu’il avait été emmené par la Gestapo pendant la nuit. Tout de suite après, son nom apparut sur la liste des Polonais destinés à être fusillés ».

En mars 1943, c’est la Première de « Samuel Zborowski » , une pièce de Juliusz Slowacki. K. Wojtyla interprète le premier rôle. C’est sa dernière apparition en scène, toujours dans la clandestinité, dans des appartements privés.

Au cours des année 1943-44, il continue son travail à Solvay tout en entrant en deuxième année de théologie.

Le 29 février 1944, alors qu’il rentre chez lui, il est percuté par un camion de l’occupant. Le chauffeur ne s’arrête pas. Une femme le trouve, et le fait hospitaliser. Il a une fracture du crâne. Il reste plusieurs jours dans le coma. Mais il pourra sortir le 12 mars.

En août 1944, après une rafle à laquelle il échappe on ne sait comment, le prince-archevêque Adam Stefan Sapieha l’accueille, avec d’autres séminaristes, au palais épiscopal. Ils revêtent la soutane. Karol Wojtyla y restera jusqu’à la fin de la guerre. Son nom sera effacé par une main amie de la liste des ouvriers de Solvay pour ne pas attirer les soupçons de l’occupant.

Le 9 novembre, il reçoit la tonsure. Le 17 décembre, il reçoit les deux premiers ordres mineurs.

Le 18 janvier 1945, l’armée rouge « libère » Cracovie des nazis. Une autre occupation commence… Karol Wojtyla sera ordonné prêtre le jour de la Toussaint 1946.

« De ce qu’a été le vaste et horrible theatrum de la Deuxième guerre mondiale, une grande part m’a été épargné, écrit-il encore. Tous les jours, j’aurais pu être arrêté chez moi, dans la carrière de pierre ou à l’usine pour être emmené dans un camp de concentration. Je me demandais parfois : il y a tant de mes camarades qui meurent, pourquoi pas moi? Je sais aujourd’hui que ce n’était pas dû au hasard ».

Il évoque cette guerre comme une « apocalypse »: « Ce que j’ai dit des camps de concentration ne représente qu’un aspect, et particulièrement dramatique, de cette sorte d’ « apocalypse » de notre siècle. J’y ai fait allusion pour souligner le fait que mon sacerdoce, dès son origine, s’est situé par rapport au grand sacrifice de nombreux hommes et de nombreuses femmes de ma génération. La Providence m’a épargné les expériences les plus dures: j’ai d’autant plus conscience de la dette que j’ai contractée envers les personnes connues de moi, sans aucune différence de nation ou de langue, qui, par leur sacrifice sur le grand autel de l’histoire, ont contribué à la réalisation de ma vocation sacerdotale ».

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ZENIT Staff

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