Les minarets en occident : entre culture de l’intimidation et entente

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Un entretien avec Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie

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ROME, vendredi 4 décembre 2009 (ZENIT.org) – Mgr Paul Hinder, de l’ordre des frères mineurs capucins, dans un entretien au journal national de la Suisse orientale, prend position sur les relations entre chrétiens et musulmans. 

Mgr Paul Hinder est vicaire apostolique d’Arabie et réside à Abu Dhabi. A Thurgau, sa ville natale en Suisse, il est connu pour sa grande capacité à nouer des relations. « Personne comme lui n’est capable de combler aujourd’hui le fossé entre le monde oriental et le monde occidental », écrit la presse locale.

Depuis 1916, le vicariat apostolique d’Arabie est confié aux frères capucins de Florence. Mgr Paul Hinder, né en 1942, a grandi à Sternberg, en Suisse. Il est entré dans l’ordre des frères mineurs capucins en 1962 et a été ordonné en 1967.

En 1994 il a été nommé  définiteur général de l’ordre. En décembre 2003, Jean-Paul II l’a nommé évêque auxiliaire, et en mars 2005 il est devenu vicaire apostolique d’Arabie. Dans les Emirats arabes unis, Mgr Paul Hinder a en charge près de deux millions de catholiques et coordonne le travail de 60 prêtres qui l’assistent dans son action pastorale, pour répondre aux besoins spirituels et matériels des fidèles. 

ZENIT – Quelles sont les limites pour les chrétiens dans la terre où vous habitez ? Que peuvent-ils faire ou ne pas faire? 

Mgr Paul Hinder – Je réside à Abu Dhabi dans les Emirats arabes unis, mais en ma qualité d’évêque je suis responsable de 5 autres pays : Bahreïn, Qatar, Oman, Arabie saoudite et Yémen. Dans aucun de ces pays, la liberté religieuse et de culture n’est absolue. Toutefois, dans tous ces pays, à l’exception de l’Arabie saoudite, nous avons des églises où les chrétiens peuvent célébrer librement leurs fonctions religieuses. Ici règne la peur d’une « islamisation rampante ». 

ZENIT – Ce danger existe-t-il vraiment?

Mgr Paul Hinder – Je ne suis pas un prophète. Mais il est un fait qu’aujourd’hui l’islam gagne de plus en plus de terrain. Le motif principal est la migration actuelle de pays en sureffectif de naissances vers des pays où la population souffre de la tendance inverse. 

ZENIT – Que pensez-vous du préjugé sur la « fameuse haine des musulmans envers l’occident » ? 

Mgr Paul Hinder – Cette « fameuse haine des musulmans pour l’occident » est une légende instrumentalisée, utilisée à des  fins politiques. Aujourd’hui comme hier, beaucoup de musulmans admirent les nombreuses conquêtes de l’occident et voudraient les voir se réaliser dans leurs propres pays, comme les droits de l’homme ou la démocratie.  

Néanmoins, il est vrai que, par le passé, la domination arrogante des puissances coloniales a laissé des blessures qui saignent encore. Depuis que l’occident a lancé la « guerre contre la terreur » dans beaucoup de pays islamiques il y a eu apparemment un changement de paradigmes, tandis que dans ces mêmes pays la situation des chrétiens a empiré. L’aggravation de la situation ne s’est pas vérifiée de manière généralisée, plutôt de manière épisodique. Une plus forte accentuation de l’identité islamique de la part du régime au pouvoir est la conséquence d’une faible légitimité. 

ZENIT – Parlons du référendum en Suisse : Les minarets sont-ils réellement considérés par la doctrine islamique comme des « pointes de lance » ou tout ceci n’est-il que le fruit d’une mauvaise campagne politique? 

Mgr Paul Hinder – D’un point de vue théologique les minarets tout près d’une mosquée ne sont pas une nécessité absolue, tout comme ne l’est le clocher d’une église. Autrefois, ni les églises ni les mosquées n’avaient de tours. De plus, ils ont très probablement repris l’architecture des églises. C’est pourquoi parler de ‘pointes de lance’ ou de ‘missiles’ est sûrement une boutade. Comme lorsque l’on met dans la main du pape un clocher avec une croix et que l’on dit qu’il doit lui servir de pare-choc pour la conquête du monde. Mais ces boutades ne sont signe d’intelligence, au contraire, cela dénote une bonne dose d’ignorance, voire même de méchanceté. 

ZENIT – A-t-on raison de dire qu’il n’y a aucune différence entre les sons des cloches et les Muezzin? 

Mgr Paul Hinder – Entre les sons des cloches et les Muezzin il y a une certaine parentèle, dans la mesure où tous deux invitent les fidèles à la prière. 

ZENIT -Pensez-vous que l’on ne devrait pas mettre en discussion la liberté des religions étrangères en interdisant les minarets, sachant toutefois que dans ces pays notre liberté religieuse est fortement limitée ? 

Mgr Paul Hinder – Oui, il en est ainsi. La limitation des droits fondamentaux garantis par la constitution ne doit être utilisée que dans des situations d’extrême urgence et momentanément. Et non pas pour « leur faire voir » à ceux-là en Arabie ou ailleurs. Une culture de l’intimidation se heurterait-elle donc à une culture locale de l’entente ? Moi je dirais plutôt : dans les deux régions, en orient comme en occident, coexistent deux cultures, celle de l’intimidation et celle de l’entente. Nous en occident on connaît l’intimidation, par exemple, en agissant sur les minarets, et l’on connaît l’entente quand on veut manifester publiquement sa propre foi religieuse.   

Charly Pichler  

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ZENIT Staff

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