« Les grandes heures de Solesmes » : mille ans d’histoire

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« La vie monastique cloîtrée » exerce aujourd’hui « une certaine fascination »

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ROME, Mardi 20 avril 2010 (ZENIT.org) – « La vie monastique cloîtrée » exerce aujourd’hui « une certaine fascination » sur l’homme et la femme « modernes » fait observer Nathalie Duplan qui, avec Valérie Raulin, publie « les grandes heures de Solesmes » aux Presses de la Renaissance. Nathalie Duplan nous livre quelques secrets de cette exploration de mille ans d’une histoire passionnante.

Journaliste depuis près de vingt ans, Nathalie Duplan publie régulièrement des reportages dans la presse magazine. Valérie Raulin réalise depuis vingt-cinq ans des reportages pour la presse écrite et la télévision. Elles sont les auteurs, aux Presses de la Renaissance, de « Le Cèdre et la Croix » (2005) et « Tenir et se tenir », entretiens avec Patrick Poivre d’Arvor (2010).

Zenit – Nathalie Duplan, vous publiez avec Valérie Raulin un vrai « roman de Solesmes » : pourquoi Solesmes ? Et pourquoi cette forme originale ?

Nathalie Duplan – La raison est que l’abbaye bénédictine de Solesmes qui connaît un rayonnement international fête cette année – le 12 octobre 2010 pour être exacte – le millénaire de sa fondation. À cette occasion, notre éditeur, Christophe Rémond (Presses de la Renaissance), nous a demandé d’en retracer l’épopée. En ce qui concerne la forme, nous souhaitions précisément écrire un « roman » au sens premier du terme, à savoir qu’à l’origine « mettre en roman » signifiait rédiger en langage vernaculaire accessible à tous. Toutes les informations sont historiques, nous avons seulement imaginé un moine conteur, marseillais de surcroît, de manière à rendre le récit plus attrayant et vivant.

Zenit – Quelles sont les étapes qui vous ont le plus frappée dans la vie de Solesmes avant la Révolution ?

Nathalie Duplan – C’est l’ensemble qui est étonnant car, à travers la vie de ce modeste prieuré, on voyage au cœur de l’histoire de France et de l’Église. La fondation de Saint-Pierre de Solesmes, tout d’abord – à l’origine même de la « création » du bourg de Solesmes – est significative de la place qu’occupaient les moines à l’époque. Puis il y a différentes vicissitudes au cours des siècles – Guerre de Cent Ans durant laquelle le monastère est pillé par deux fois en 1370 et 1425, Guerres de Religions etc. – qui auraient pu, à maintes reprises, l’anéantir, de même que les monumentales et magnifiques statuaires des XVe et XVIe siècles, connues sous le nom de « Saints de Solesmes », serties dans l’édifice religieux et qui incarnent des épisodes bibliques. Il y a enfin les heures sombres pour l’Église elle-même : avant de disparaître, les Ordres bénédictins français – Bénédictins, Cisterciens, Clunisiens, Saint-Maur etc. – ont connu quelques dérives. Hormis le fameux régime de la commende qui permettait à des personnes – y compris laïques – dépourvues de tout souci spirituel, de devenir abbé par récompense royale, on avait à déplorer l’attitude de prêtres ou religieux qui se servaient de l’Église plus qu’ils ne la servaient ou encore celle de moines se laissant étourdir par leurs travaux intellectuels. Toutes ces épreuves qu’a traversées le prieuré de Solesmes auraient pu signer sa disparition, mais il a résisté pour renaître de la meilleure des manières.

Zenit – Solesmes renaît notamment grâce à dom Guéranger : pouvez-vous nous brosser un bref portrait de ce moine hors de l’ordinaire ?

Nathalie Duplan – Avant d’être moine, il est prêtre. Pour comprendre son œuvre, il est important de se rappeler deux points : tout d’abord, il a choisi le sacerdoce par vocation et non pour faire carrière comme certains de ses confrères de l’époque. Ensuite, du jour où il découvre chez son évêque, Mgr de la Myre, le missel romain qui selon son expression « parlait comme les saints Pères alors que l’autre parlait comme le premier venu », il adopte l’ultramontanisme, c’est-à-dire les doctrines favorables à la primauté du pape sur le pouvoir politique local dans une France au contraire marquée par le gallicanisme. Voilà, me semble-t-il, deux clés de lecture capitales pour comprendre tout ce que dom Guéranger va entreprendre à Solesmes.

Zenit – Quel est son principal héritage pour aujourd’hui ?

Nathalie Duplan – Nathalie Duplan – On doit à dom Guéranger la renaissance de l’Ordre bénédictin en France, ce qui n’est pas rien. Ensuite, le renouveau de la liturgie – avec des écrits fondamentaux comme l’Année liturgique, pour ne citer que celui-là – et dont l’élément le plus visible – ou le plus audible, en tout cas le plus connu du grand public – est le chant grégorien puisqu’il a fait entreprendre à ses moines de savantes recherches dans toute l’Europe pour reconstituer ce chant traditionnel de l’Église d’Occident. Enfin, est-il besoin de rappeler qu’aujourd’hui, la Congrégation de Solesmes ne compte pas moins de trente-deux monastères de moines et de moniales de par le monde.

Zenit – On voit chaque année à l’approche de l’été des reportages sur les « vacances » à l’abbaye : saint Benoît attire aujourd’hui un nouveau type de personnes, des laïcs, et des non-croyants, ce qui semble un paradoxe dans une société de plus en plus sécularisée. Pourquoi Benoît attire-t-il encore aujourd’hui ?

Nathalie Duplan – Sans vouloir l’offenser, je ne sais pas si c’est saint Benoît – dont les gens ignorent souvent la vie et la Règle – qui attire. Je pense que c’est plutôt la vie monastique cloîtrée qui exerce une certaine fascination, par son rythme et son mode. Le choix de vie radical des moines, notamment des Bénédictins, la beauté et la solennité de la liturgie, surtout à Solesmes, révèlent une manifestation tangible, bien que parfois incompréhensible, de la divinité de Dieu. Certes rationnel, l’homme aspire au sacré, au recueillement, à la transcendance, qui plus est dans un monde qui devient de plus en plus matérialiste. Des « vacances » à l’abbaye permettent donc à certains d’assouvir, en partie, cette recherche. Et plus si affinités…

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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