Les familles, modèles de portes ouvertes pour l'Eglise

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Un couple australien auditeur au synode

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« Les familles, qui sont des églises domestiques, sont souvent pour l’Église les modèles naturels de ces portes ouvertes dont parle Evangelii gaudium », estiment Romano et Mavis Pirola, directeurs du Conseil catholique australien pour le mariage et la famille (Australian Catholic Marriage and Family Council).

Les époux australiens, auditeurs au synode des évêques sur la famille (5-19 octobre 2014), sont intervenus à l’ouverture de la deuxième Congrégation générale, lundi après-midi, 6 octobre, en présence du pape François.

« L’église domestique a beaucoup à apporter à l’Église au sens large dans son rôle évangélisateur : par exemple, l’Église est constamment tendue entre sa tâche de soutenir la vérité tout en exprimant sa compassion et sa miséricorde. Les familles sont sans cesse confrontées à cette tension », ont-ils souligné.

Ils ont rendu hommage à l’exemple de nombreuses familles qui « comprennent les fondements de ce qu’enseigne l’Église » dans leur vie quotidienne et qui sont « modèle d’évangélisation pour les paroisses ».

Les époux Pirola ont donné un exemple d’annonce de l’amour de Dieu au monde : « Nous avons des amis qui étaient en train de planifier leur réunion de famille pour Noël lorsque leur fils homosexuel leur a dit qu’il voulait amener aussi son partenaire chez eux. Ils croyaient fermement dans l’enseignement de l’Église et ils savaient que leurs petits-enfants les verraient accueillir dans leur famille leur fils avec son partenaire. Leur réponse peut se résumer en quelques mots : ‘C’est notre fils’… ».

Dans leur vie de famille ‘compliquée’, les familles ont besoin « d’être accompagnées sur leur chemin, d’être accueillies, écoutées et surtout, d’être confirmées ». Et les prêtres peuvent aussi « apprendre de l’église domestique », ont-ils ajouté en invitant « à entrer dans la vie des autres et à apprendre d’eux, tout en partageant avec eux ».

Il s’agit aussi de « reconnaître que nous avons tous quelque chose de cassé dans nos vies. Comprendre ce qui est cassé en nous aide énormément à réduire notre tendance à juger les autres, ce qui est un véritable frein pour l’évangélisation ».

Romano et Mavis ont proposé un « paradigme nuptial » pour la spiritualité chrétienne, qui s’appliquerait « à tout le monde, célibataires ou personnes mariées, mais qui partirait du mariage pour comprendre la mission ».

Ils ont aussi souligné que « le mariage est un sacrement conjugal dont l’expression la plus complète est l’union conjugale » : « Nous croyons que, tant que les couples mariés n’honoreront pas l’union conjugale comme une partie essentielle de leur spiritualité, il leur sera extrêmement difficile d’apprécier la beauté d’enseignements tels que ceux d’Humanae Vitae. Nous avons besoin de nouvelles manières et d’un langage adapté pour toucher les cœurs. »

A.K.

Témoignage de Romano et Mavis Pirola

Il y a cinquante-sept ans, en regardant dans une pièce, j’ai vu une belle jeune femme. Nous avons appris à nous connaître avec le temps et nous avons franchi l’immense pas de nous engager l’un envers l’autre dans le mariage. Nous avons rapidement découvert que notre nouvelle vie ensemble était extrêmement complexe. Comme dans toutes les autres vies de couples mariés, nous avons vécu ensemble des temps merveilleux et aussi des moments de colère, de frustration et de pleurs ainsi que la crainte tenace que notre mariage ne soit un échec. Et pourtant, nous sommes là, mariés depuis cinquante-cinq ans et toujours amoureux. C’est certainement un mystère.

L’attraction que nous avons éprouvée au début et la force qui nous a continuellement unis entre nous était d’abord conjugale. Les petites choses que nous faisions l’un pour l’autre, les appels téléphoniques et les messages d’amour, la façon dont nous planifions notre journée en fonction de l’autre et ce que nous avons partagé, tout cela était l’expression extérieure de notre désir d’intimité entre nous.

L’arrivée de chacun de nos quatre enfants fut une joie immense pour laquelle nous remercions encore le Seigneur tous les jours. Bien sûr, les complexités de notre rôle de parents ont comporté de grandes récompenses et des défis. Nous avons passé des nuits éveillés, à nous demander où nous nous étions trompés. Notre foi en Jésus était importante pour nous. Nous allions à la messe ensemble et nous considérions l’Église comme un guide. Occasionnellement, nous avons regardé les documents de l’Église mais ils nous semblaient venir d’une autre planète avec un langage difficile1 et pas tellement en lien avec nos propres expériences.

Dans notre vie commune, nous avons été d’abord influencés par notre engagement avec d’autres couples mariés et quelques prêtres, surtout dans des mouvements de spiritualité laïcs, en particulier les Équipes Notre-Dame et Worldwide Marriage Encounter2. Le principe était d’écouter dans la prière les histoires des autres en étant acceptés et confirmés dans le contexte de l’enseignement de l’Église. On ne discutait pas beaucoup de la loi naturelle mais pour nous, c’était des exemples de ce que le pape Jean-Paul II a plus tard considéré comme l’une des principales ressources de l’Église pour l’évangélisation3.

Progressivement, nous avons vu que la seule chose qui distingue notre relation sacramentelle de toute autre bonne relation fondée sur le Christ était l’intimité conjugale et que le mariage est un sacrement conjugal dont l’expression la plus complète est l’union conjugale. Nous croyons que, tant que les couples mariés n’honoreront pas l’union conjugale comme une partie essentielle de leur spiritualité, il leur sera extrêmement difficile d’apprécier la beauté d’enseignements tels que ceux d’Humanae Vitae. Nous avons besoin de nouvelles manières et d’un langage adapté pour toucher les cœurs.

Comme le suggère l’Instrumentum laboris, l’église domestique a beaucoup à apporter à l’Église au sens large dans son rôle évangélisateur4. Par exemple, l’Église est constamment tendue entre sa tâche de soutenir la vérité tout en exprimant sa compassion et sa miséricorde. Les familles sont sans cesse confrontées à cette tension.

Prenons l’exemple de l’homosexualité. Nous avons des amis qui étaient en train de planifier leur réunion de famille pour Noël lorsque leur fils homosexuel leur a dit qu’il voulait amener aussi son partenaire chez eux. Ils croyaient fermement dans l’enseignement de l’Église et ils savaient que leurs petits-enfants les verraient accueillir dans leur famille leur fils avec son partenaire. Leur réponse peut se résumer en quelques mots : ‘C’est notre fils’. Quel modèle d’évangélisation pour les paroisses qui ont à faire face à ce genre de situations dans leur entourage ! C’est un exemple concret de ce que dit l’Instrumentum laboris à propos du rôle d’enseignement de l’Église et de sa mission principale qui consiste à faire connaître au monde l’amour de Dieu5.

D’après notre expérience, les familles, qui sont des églises domestiques, sont souvent pour l’Église les modèles naturels de ces portes ouvertes dont parle Evangelii gaudium6.

Une de nos amis, divorcée, dit qu’elle ne se sent pas toujours pleinement acceptée dans sa paroisse. Pourtant, elle vient à la messe régulièrement et sans se plaindre, avec ses enfants. Pour sa paroisse, elle devrait être un modèle de courage et d’engagement dans l’adversité. Nous apprenons de ces personnes à reconnaître que nous avons tous quel
que chose de cassé dans nos vies. Comprendre ce qui est cassé en nous aide énormément à réduire notre tendance à juger les autres, ce qui est un véritable frein pour l’évangélisation.

Nous connaissons une veuve âgée qui vit avec son fils unique. Il a une quarantaine d’années, il est trisomique et souffre de schizophrénie. Elle s’occupe de lui d’une manière impressionnante et la seule crainte qu’elle exprime est de savoir qui prendra soin de lui quand elle n’en sera plus capable. Dans notre vie, nous sommes touchés par de nombreuses familles comme celles-ci. Ces familles comprennent les fondements de ce qu’enseigne l’Église. Elles pourraient profiter davantage de meilleurs enseignements et programmes.

Toutefois, ce dont elles ont besoin avant tout c’est d’être accompagnées sur leur chemin, d’être accueillies, écoutées et surtout, d’être confirmées7.

L’Instrumentum laboris note que la beauté de l’amour humain reflète l’amour divin comme nous l’enseigne la tradition biblique à travers les prophètes. Mais leur vie de famille était chaotique et remplies de drames compliqués. Oui, la vie de famille est ‘compliquée’. Mais la paroisse, qui est la « famille des familles » l’est aussi.

L’instrumentum laboris se demande comment « ces… prêtres [peuvent être] mieux préparés… pour présenter les documents de l’Église concernant le mariage et la famille. »8. À nouveau, un des moyens pourrait être d’apprendre de l’église domestique. Comme le disait le pape Benoît XVI, « cela exige un changement de mentalité concernant particulièrement les laïcs, en ne les considérant plus seulement comme des « collaborateurs » du clergé, mais en les reconnaissant réellement comme « coresponsables » de l’être et de l’agir de l’Église »9. Cela nécessiterait aussi un plus grand changement d’attitude pour les laïcs.

Nous avons huit merveilleux petits-enfants qui sont uniques. Nous prions pour chacun d’eux, en disant leur nom, parce qu’ils sont tous les jours exposés aux messages déformés de la société moderne ; même lorsqu’ils sont sur le chemin de l’école, ces messages apparaissent sur les panneaux d’affichage ou sur leurs smartphones.

Le respect de l’autorité parentale, religieuse ou séculière, a disparu. Les parents apprennent donc à entrer dans la vie de leurs enfants, à partager avec eux leurs valeurs et leurs espoirs et aussi à recevoir d’eux. Ce processus qui consiste à entrer dans la vie des autres et à apprendre d’eux, tout en partageant avec eux, est au cœur de l’évangélisation. Comme l’a écrit Paul VI dans Evangelii nuntiandi, « les parents non seulement communiquent aux enfants l’Évangile mais peuvent recevoir d’eux ce même Évangile profondément vécu. »10. C’est exactement notre expérience.

En fait, nous nous faisons l’écho d’une suggestion de l’une de nos filles sur ce qu’elle appelle un « paradigme nuptial »11 pour la spiritualité chrétienne, qui s’applique à tout le monde, célibataires ou personnes mariées, mais qui partirait du mariage pour comprendre la mission. Avec un fondement biblique et anthropologique, il permettrait d’éclairer l’instinct vocationnel, expérimenté par toute personne, pour la générativité et l’intimité. Cela nous rappellerait que nous sommes tous créés pour la relation12 et que le baptême dans le Christ signifie appartenir à son Corps, et nous conduit vers une éternité avec Dieu, communion d’amour trinitaire.

Traduction de Zenit, Constance Roques

1 Nous sommes surpris de voir que dans n’importe quelle pharmacie, nous pouvons acheter des comprimés dans une boîte contenant un feuillet qui explique en détails des informations scientifiques complexes sur le médicament, dans un langage laïc simple et sur lequel on peut s’appuyer en cas de litige au tribunal. Il y a un besoin urgent d’une semblable approche des documents du Magistère. Un exemple concret a été donné par le Pr. Jane Adolphe à la XXIè Assemblée générale du Conseil pontifical pour la famille (CPF), les 23-25 octobre 2013. La charte des droits de la famille du CPF est un beau ‘document d’Église’, comprenant des références d’Église approfondies. Elle est donc généralement perçue comme un ‘document d’Église’ et rarement citée dans les cercles séculiers. Le Pr. Adolphe a ré-écrit le document, reprenant les mêmes points mais avec des références entièrement séculières, permettant ainsi au document d’avoir des chances d’être cité par des organisations séculières comme les Nations Unies et donc aussi d’être lu dans le monde public.

2Nous avons aussi été profondément influencés par notre engagement au sein d’organisations ou de mouvements de spiritualité laïcs, comme le Renouveau charismatique, le Centre de renouveau pastoral et matrimonial, le mouvement Antioch Youth et les Focolari, ou par les contacts que nous avons eus avec eux.

3 Pape Jean-Paul II, Ecclesia in Asia, 46 (1999) : « La famille n’est pas seulement l’objet du souci pastoral de l’Église ; elle est aussi pour l’Église l’un des agents d’évangélisation les plus efficaces. »

4 Instrumentum laboris, IIIè Assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur le thème : Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation, Cité du Vatican, 2014. N° 4 : « Aussi l’Église, pour comprendre pleinement son mystère, regarde-t-elle la famille humaine qui le manifeste d’une façon authentique. »

5 Instrumentum laboris, IIIè Assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur le thème : Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation, Cité du Vatican, 2014. Préface, paragraphe 2. [L’assemblée] est appelée à réfléchir sur le chemin à suivre, pour communiquer à tous les hommes la vérité de l’amour conjugal et de la famille, en répondant à ses multiples défis (cf. EG 66). La famille est une ressource inépuisable et une source de vie pour la pastorale de l’Église; par conséquent, sa tâche primordiale est l’annonce de la beauté de la vocation à l’amour, véritable potentiel aussi pour la société. »

6 Pape François, Evangelii gaudium, 46 (2013).

7 Quand les gens sont confirmés dans le bien qu’ils font, ils le font mieux. D’où la valeur de la déclaration de saint Jean-Paul II : « Famille, deviens ce que tu es » (FC, 17).

8 Instrumentum laboris, IIIème Assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur le thème : « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation », Cité du Vatican, 2014. N. 12 : « que ces mêmes prêtres soient mieux préparés et plus responsables pour expliquer la Parole de Dieu et pour présenter les documents de l’Église concernant le mariage et la famille. »

9 Pape Benoît XVI, 26 mai 2009, Discours à l’ouverture du congrès ecclésial du diocèse de Rome.

10 Pape Paul VI, 1975, Evangelii nuntiandi, 71.

11 Teresa Pinola, Family life in a post-conciliar patoral agenda, Auste Journal of Theology, 2012, 19:2

12 Pape Jean-Paul II, Audience générale, « La signification nuptiale du corps », 9 janvier 1980.

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Romano Pirola

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