Les défis du Conseil pontifical pour les communications sociales

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Entretien avec son président Mgr Claudio Maria Celli

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ROME, Vendredi 2 novembre 2007 (ZENIT.org) – Nommé président du Conseil pontifical pour les communications sociales par Benoît XVI, en juin dernier, Mgr Claudio Maria Celli illustre, dans cet entretien à ZENIT, les premiers projets de son dicastère.

Zenit – Votre première mission à l’étranger vous a conduit, Mgr Celli, au Honduras pour diriger la réunion continentale du Réseau informatique en Amérique latine (RIAL). A une époque où les nouveaux médias « traînent », pour ainsi dire, derrière eux, toute la société, vous avez commencé votre mandat à l’étranger en vous confrontant à la culture numérique. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Mgr Celli – Cela a été pour moi une expérience très positive. Je suis particulièrement lié au Honduras. C’est d’ailleurs au Honduras que j’ai commencé en 1970 ma carrière au Saint-Siège. J’y étais allé comme secrétaire de la Nonciature apostolique. Aujourd’hui, la providence a voulu que ma première « sortie » en qualité de président du Conseil soit au Honduras pour une rencontre latino-américaine. C’était la dixième rencontre du Réseau informatique de l’Eglise en Amérique latine. Je suis ravi de cette expérience.

Tout d’abord j’ai pu noter une grande compétence technique. Mais j’ai surtout senti qu’il existait un sens profond de l’Eglise. C’est-à-dire, que j’ai eu l’impression de découvrir, au gré des interventions, qu’il y avait une conscience profonde de ce que signifie « être membre » de l’Eglise et de travailler dans l’Eglise et avec l’Eglise pour le bien de l’humanité sur ces terres. Et cela a été très positif pour moi.

Zenit – Quel est le défi de l’Eglise dans le nouveau contexte de l’ère numérique ?

Mgr Celli – C’est une chose très étrange. Les moyens de communication sociale constituent un défi, dans la mesure où il ne s’agit plus d’avoir ou de ne pas avoir un moyen. Car nous vivons désormais dans une culture numérique, dans un contexte de culture numérique. Dans un de ses livres, le cardinal Carlo Maria Martini nous a fait touché du doigt que la réalité numérique est l’air que nous respirons tous les jours. Donc, il s’agit quelque part d’un défi, puisqu’on se retrouve à devoir faire face à une réalité que nous devons comprendre et servir, que nous devons, dirais-je, aimer. Il est donc nécessaire que nous soyons présents, et ce Réseau informatique de l’Eglise en Amérique latine est une réponse à cette question. C’est la raison pour laquelle au Honduras j’ai parlé de « diaconie de la culture numérique ».

Zenit – Il s’agit d’une nouvelle frontière de la mission…

Mgr Celli – Cette rencontre continentale était la première rencontre après la Vème Conférence générale des Evêques de l’Amérique latine à Aparecida et le document d’Aparecida demande à tous les disciples de Jésus Christ d’être des missionnaires. Moi j’ai traduit cette missionnarité par l’expression « diaconie de la culture numérique », qui met en relief cette attitude de service. Il est là le défi. Un défi que nous devons affronter là où l’homme se trouve à vivre cette contextualité. Ces moyens de communication sociale constituent en même temps une grande opportunité de soutien dans la diffusion du message évangélique. Le Pape Pie XII, dans une de ses interventions, parlaient des moyens de communication de son temps, disant qu’ils étaient un « don de Dieu » . Imaginez s’il vivait aujourd’hui. Il est indéniable que ces moyens offrent de très grandes possibilités à tous ceux qui veulent être missionnaires.

Donc, nous voyons que c’est bien un don, une occasion magnifique, mais aussi un défi. Nous touchons-là le cœur de la question. En Amérique latine j’ai été content de voir qu’il existe une réalité vivante, agissante, qui ne touche pas seulement tel ou tel pays. Les participants présents provenaient de pays allant du Mexique jusqu’au Brésil. Tout le monde parlait de ce qu’il faisait mais j’ai trouvé surtout qu’il y avait beaucoup d’ingéniosité, car l’un des thèmes forts du RIIAL est de faire en sorte que ce service des moyens de communication sociale arrive à toucher les régions les plus pauvres. Ce qui n’est certainement pas le cas d’autres continents. Mais je vous confesse que lorsque je me trouvais en Amérique latine et que je me rendais compte de toutes ces richesses et de toutes ces potentialités, je me posais des questions par exemple sur l’Afrique.

En effet, je voudrais regarder aussi vers l’avenir. Je pense que le Conseil devra accorder une grande attention à l’Afrique. Car c’est un continent qui se trouve dans une situation de grand retard. Il est vrai qu’il existe plusieurs ‘Afrique’, car une chose est l’Afrique du sud, et une autre celle que représentent d’autres pays, où sont présents de graves problèmes. Mais il y a un problème : alors que le RIIAL en Amérique latine peut agir avec facilité, peut mener à bien son travail, car il utilise deux langues seulement ( seul le Brésil parle le portugais), l’Afrique a internationalement parlant trois grandes langues, le français, l’anglais et le portugais, et une multitude d’idiomes qui, indubitablement, posent problèmes dans l’exécution de certains services.

Le pape Jean-Paul II, en définissant le titre du RIIAL, fut un grand visionnaire: il parla du Réseau informatique de l’Eglise en Amérique latine comme s’il voulait indiquer que ce réseau de l’Eglise devait être également présent dans d’autres pays. Et nous y pensons. Donc j’observe avec beaucoup d’espoir ce que nous sommes entrain de faire, en ce moment, en Amérique latine.

Le fait que le RIIAL œuvre dans cette étroite collaboration entre le Conseil pontifical pour les communications sociales et l’épiscopat latino-américain, me plait beaucoup. Le président de la Commission des moyens de communication du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) était présent, et durant cette semaine de travaux en commun, nous avons constaté une profonde entente. Je pense que cette entente servira à ouvrir de nouvelles possibilités de travail. Nous n’en sommes qu’aux débuts, et une entente aussi profonde entre l’épiscopat latino-américain et le Conseil pontifical est vraiment porteuse de fruits abondants pour l’avenir.

Zenit – Aujourd’hui il se pose un nouveau défi pour la justice sociale: la marginalisation de ceux qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies. Dans votre discours au Honduras, vous avez parlé d’ « info-pauvreté ». Dans quelle mesure ce phénomène interpelle-t-il l’Eglise et le Conseil pontifical pour les communications sociales ?

Mgr Celli – C’est une réalité. L’analphabétisme de jadis, qui est une des tragiques conséquences de la pauvreté sociale et économique, revêt aujourd’hui un autre aspect, celui de l’« info-pauvreté ». Ce n’est pas au Conseil de résoudre cela. Mais ce que le Conseil peut faire en union avec l’Eglise latino-américaine – et le RIIAL a des projets en ce sens- c’est de chercher à offrir sa contribution pour surmonter ces nouvelles barrières. Car plus nous laissons de personnes à l’écart, plus grande sera la pauvreté dans le monde. Si nous aidons ces personnes, si nous les éduquons correctement, en leur apprenant aussi à se servir des moyens de communication, elles pourront enrichir le cheminement même de l’humanité.

Zenit – Quels sont les projets futurs du Conseil pontifical pour les communications sociales ?

Mgr Celli – En ce moment nous pensons encore à brève échéance, c’est-à-dire aux premiers six mois de l’année prochaine – également en raison de notre transfert i
mminent à Via della Conciliazione, 5 –. Au cours de ces derniers mois j’ai rencontré beaucoup de personnes. La rencontre au Honduras fut d’ailleurs riche en ce sens; mais également ici à Rome, j’ai eu l’occasion de rencontrer des représentants des épiscopats et des personnes intéressées à la question. Une chose qui me parait également importante est ma première rencontre avec les Facultés de communication sociales des universités ecclésiastiques romaines.

Cinq universités étaient présentes, quatre pontificales et une catholique. Il y avait la Grégorienne avec les jésuites, il y avait les salésiens, l’Opus Dei avec la Sainte-Croix, il y avait le Latran et la LUMSA. Nous nous sommes promis de nous revoir régulièrement, car j’estime que le Conseil pontifical a besoin d’être accompagné et soutenu par une profonde réflexion académique. Justement parce que le Conseil veut travailler dans ce service, dans cette « diaconie de la culture ».

Je peux annoncer qu’après Pâques nous souhaitons organiser un congrès mondial des facultés de communication sociales des universités catholiques disséminées à travers le monde, car nous devons retrouver le sens de cette présence. Il y a des certitudes, il y a des acquis très positifs, mais je pense que l’un des défis que nous devons affronter ensemble est celui de regarder vers l’avenir et de voir de quelle manière l’univers académique, spécialement celui d’inspiration catholique, est en mesure d’apporter une aide positive. Je pense donc qu’après Pâques, avant l’été, nous organiserons ce Congrès, auquel nous sommes déjà en train de travailler, consultant tous ceux qui opèrent déjà dans ce secteur.

Un deuxième sujet me parait important, celui d’une large réflexion sur la théologie de la communication. Nous en avons parlé. Au Honduras est née une proposition d’utiliser les nouvelles technologies en vue d’une recherche unanime sur l’utilisation propre des moyens de communication sociale. Donc en ce moment nous sommes en train d’étudier comment faire, mais ce sera certainement un sujet de fond.

L’autre projet, par contre, que nous aborderons avant l’été consiste en une rencontre, toujours au niveau international, avec les radios catholiques, présentes à travers le monde et qui, selon les évêques que j’ai rencontrés en cette période, offrent un grand service. Mais là aussi tout est à redécouvrir.

L’année prochaine sera marquée par le synode des évêques sur le grand thème de la parole de Dieu dans la vie de l’Eglise. Et la question que nous devrons nous poser est comment nos moyens de communication sociale œuvrent-ils afin que cette parole arrive à toucher un nombre toujours plus important de personnes et puisse féconder nos terres. Nous organiserons donc probablement une rencontre internationale des radios catholiques à travers le monde.

Mais une autre grande inquiétude m’habite et nous devrons la vérifier au fur et à mesure : il s’agit de l’attention envers celui qui marche seul dans la vie, le cœur parfois empreint d’une profonde nostalgie de Dieu. Alors je pense que nos moyens de communication sociale comme les journaux, les revues, la radio et la télévision, en cette heure de relativisme, d’incertitudes, de doutes, mais parfois aussi de grande nostalgie, peuvent constituer un bon soutien. Il faut être proches de ceux qui marchent sur la route de la vie et qui ont encore du mal à comprendre, ne connaissent pas ou ne savent pas.

Voilà, en quelque sorte les idées que nous avons en tête pour le moment. Nous les approfondirons petit à petit, en cours de réalisation.

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ZENIT Staff

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