Les aventures de Brésillac et Borghero, comme un « Mission 2 »

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L’arrivée des premiers missionnaires au « Dahomey »

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ROME, vendredi 18 novembre 2011 (ZENIT.org) – Chaleur humaine – chants, acclamations, danses, musique, courses dans les rues – et chaleur de la météo – 37 ° C – ont marqué l’arrivée de Benoît XVI au Bénin, ce 18 novembre, à 15 h 03, 150 ans après les premiers missionnaires. Ceux-ci ont vécu une aventure dont on pourrait faire un film qu’on intitulerait « Mission 2 », suggère le P. Mandirola, SMA.

Le pape vient en effet offrir à l’Afrique son exhortation apostolique post-synodale « Africae Munus », « L’engagement de l’Afrique », mais aussi célébrer les 150 ans de l’annonce de l’Evangile dans ces terres qui faisaient alors partie du « Vicariat apostolique du Dahomey ».

Une terre dangereuse

Le P. Renzo Mandirola, de la Société des Missions africaines, a publié le journal du premier missionnaire, le P. Francesco Borghero – écrit en français (« Journal de Francesco Borghero, premier missionnaire du Dahomey (1861-1865) », éditions KARTHALA).

Il explique comment il a fallu à l’époque convaincre le Saint-Siège d’envoyer des prêtres dans une région redoutée pour les sacrifices humains. Un roi redoutable règnait, sa garde couchait à terre autour de lui: le moindre intrus aurait dû enjamber leurs corps et se serait fait prendre. Il croyait que son royaume tirait sa force du sang humain répandu. Mais comme ailleurs en Afrique, c’étaient les maladies qui décimaient les missionnaires, Rome finit par consentir.

“Africae Munus” sera symboliquement signée demain, samedi 19 novembre, à Ouidah, lieu de l’arrivée des premiers missionnaires, de la Société des missions africaines, fondée par un évêque français, Mgr Melchior de Marion Brésillac.

Deux rêves et un anneau

En effet, c’est le 28 août 1860 que le Saint-Siège a érigé ce qui était alors le « vicariat apostolique du Dahomey », entre les fleuves Volta et Niger, et qu’il l’a confié à la Société des missions africaines. Le 2 décembre 1860, le P. Francesco Borghero est nommé supérieur ad intérim du Vicariat apostolique. En sa qualité de chef de mission, le 5 janvier 1861, il part de Marseille avec les PP. Francisco Fernandez (espagnol) et Louis Edde (français). Ils passent par les Canaries, Dakar, Freetown – où le P. Edde meurt -, et ils arrivent le 18 avril 1961 à Ouidah : le Bénin a célébré en avril les 150 ans de leur arrivée.

Le rêve de Mgr Brésillac était réalisé. Le premier rêve. Car le second, insiste le P. Mandirola, c’était de voir non seulement des prêtres autochtones, mais une « hiérarchie autochtone », ce qui se réalisera quand Mgr Bernardin Gantin (1922-2008) deviendra évêque : il a été consacré comme évêque auxiliaire de Cotonou en 1957 par le cardinal Eugène Tisserant. Jean XXIII le nomma archevêque en 1960, et il participa au Concile Vatican II. Symboliquement, la Société des Missions africaines lui a donné l’anneau épiscopal de Mgr Brésillac.

Mais combien le fondateur n’a-t-il pas désiré aller apporter lui-même l’Evangile au Dahomey ! Le P. Mandirola explique que Mgr de Marion Brésillac (1813-1859) était parti pour l’Inde, en tant que membre des Missions étrangères de Paris (MEP), en 1842.

Du comptoir à la mission

Or, en 1845, il est nommé évêque, et il quitte l’Inde pour Rome afin de s’expliquer sur sa méthode, en 1854. En 1855, le pape Pie IX accepte sa démission.

Or, c’est, explique le P. Mandirola, « dans le couvent des capucins de Versailles » que le Gardien, le P. Ambroise de Bergérac, « le met en contact avec M. Régis, qui a des comptoirs sur la côte ouest de l’Afrique et qui verrait d’un bon œil l’arrivée de missionnaires catholiques ». Ainsi, « à la fin de l’année 1855 il part pour Rome, pour présenter le projet ».

« Le 4 janvier 1856, raconte l’archiviste, il présente à la « Propagande » (aujourd’hui, Congrégation pour l’évangélisation des peuples, ndlr) un rapport « au sujet d’une nouvelle mission à établir dans le Royaume du Dahomey ». La Propagande, à travers son secrétaire, Mgr Barnabò, lui demande de fonder un Institut qui puisse assurer une continuité à son travail en Afrique ».

Fondation de la Société des missions africaines

Il ne tarde pas, et il revient à la charge pour le Dahomey : « Le 8 décembre 1856 il fonde à Lyon la Société des missions africaines (SMA). Puis il demande avec insistance à la Propagande « le Dahomey », à 6 reprises : 4 janvier 1856, 26 février 1856, 23 juin 1856, 20 juillet 1856, 6 août 1856, 12 novembre 1856, 13 décembre 1856. De guerre lasse, le 3 mars 1857 il se dit prêt à accepter une autre mission, « sauf à nous charger plus tard du Dahomey si vous le désirez ».

La réponse de la Propagande le trouve disponible, continue le P. Mandirola : « Le 27 avril 1857 et le 12 septembre le cardinal Barnabò lui signifie que ce ne sera pas le Dahomey mais la Sierra Leone son nouveau champ d’apostolat. Ce n’est pas ce qu’il voulait, mais il accepte et il en écrit à la Propagande en ces termes : « Aussitôt, Éminence, j’ai fait part de ces lettres à mes associés, et j’ai le plaisir de vous faire savoir qu’unanimement ils sont entrés dans l’esprit qui animera, j’espère, toujours notre Société, en déposant instantanément le désir que nous avions de commencer notre œuvre par le Dahomey, afin d’entrer purement et simplement dans les vues de la S.C. de la Propagande. Nous accepterons donc avec joie la mission de Sierra Leone ».

Apporter l’Evangile au Dahomey

Il ne cessera d’espérer apporter l’Evangile au Dahomey, jusqu’à ses derniers instants : « Mgr de Marion Brésillac ne verra pas le Dahomey, explique l’historien, mais il ne cessera d’espérer y aller. Le premier groupe de la SMA (Reymond, Bresson et le frère Eugène) part de Marseille le 3 novembre 1858. Le deuxième (Brésillac, Riocreux et frère Gratien) part de Brest le 11 mars 1859. Le 18 juin 1859, une semaine avant à sa mort, il a encore le courage d’écrire au P. Augustin Planque, qui lui succèdera : « Malgré tout cela, j’irai seul, si c’est possible, le mois prochain, faire un voyage au Dahomey pour voir s’il ne vaudrait pas mieux fonder là un centre ».

Une bande dessinée publiée aux éditons du Signe retrace l’aventure de Mgr Brésillac, que l’on pourrait intituler « Mission 2 », tellement elle est extraordinaire : « Melchior de Marion Brésillac et la Société des missions africaines ».

Une pépinière pour l’Afrique

Brésillac, Borghero, Gantin: leur zèle pour l’annonce de l’Evangile sera rappelé éloquemment par la signature de l’exhortation apostolique de Benoît XVI à Ouidah. Il faut aussi ajouter, aux archevêques auxquels le pape a rendu hommage dès le premier jour de son voyage, en la cathédrale de Cotonou – Mgr Christophe Adimou (archev. de 1971 à 1990) et Mgr Isidore de Sousa (archev. de 1990 à 1999) -, le nom de Mgr Louis Parisot, SMA, vicaire apostolique du Dahomey et de Ouidah et premier archevêque de Cotonou (1935-1955), auprès duquel le cardinal Gantin a voulu reposer. C’était pour lui un père et un maître. Ils reposent auprès du séminaire Saint-Gall de Ouidah, une pépinière pour les prêtres et les évêques du continent, qui accueille aujourd’hui plus de 500 grands séminaristes.

En allant se recueillir sur la tombe du cardinal Gantin, le pape retrouve un ami. Il l’a confié aux journalistes dans le voyage de Rome à Cotonou. Le jeune évêque africain était présent lorsque le P. Joseph Ratzinger a été consacré archevêque de Munich et Freising en 1977 : un de ses prêtres était étudiant du nouvel archevêque. Et ils ont longtemps collaboré à la curie romaine, piliers du pontificat de Jean-Paul II. Benoît XVI voit en lui un « modèle d’évêque » à prop
oser à tous, spécialement à l’Eglise en Afrique.

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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