Le Royaume de Dieu, c’est la richesse qui ne passe pas

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Méditation de l’Evangile du dimanche 3 février, par le P. Cantalamessa

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ROME, Vendredi 1 février 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 3 février, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5, 1-12

Quand Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :
« Heureux les pauvres de coeur :
le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux :
ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent :
ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice :
ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux :
ils obtiendront miséricorde !
Heureux les coeurs purs :
ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix :
ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :
le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

 

© Copyright AELF – Paris – 1980 – 2006  tous droits réservés

 

Heureux les pauvres de cœur !

L’Evangile de ce dimanche est le passage des Béatitudes et commence par cette phrase célèbre : « Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux ! ». L’affirmation « heureux les pauvres de cœur » est aujourd’hui souvent mal comprise, voire même citée avec une certaine ironie comme une chose que l’on ne peut faire croire qu’aux ingénus. Et d’ailleurs Jésus n’a jamais dit simplement : « Heureux les pauvres de cœur ! » ; il n’a jamais envisagé dire une chose pareille. Il a dit : « Heureux les pauvres de cœurs : le Royaume des cieux est à eux », ce qui est très différent. On fait une interprétation complètement fausse de la pensée de Jésus et on la banalise lorsqu’on ne cite que la moitié de sa phrase. Il ne faut pas séparer la béatitude de sa raison. Pour donner un exemple grammatical, ce serait comme énoncer une proposition subordonnée sans proposition principale. Supposons que quelqu’un dise : « Si aujourd’hui vous semez… » ; que comprend-on ? Rien ! Mais s’il ajoute : « demain vous récolterez », subitement, tout devient clair. Ainsi, si Jésus avait dit simplement : « Heureux les pauvres ! », la phrase semblerait absurde, mais lorsqu’il ajoute « le Royaume des cieux est à eux », tout devient compréhensible.

Mais qu’est-ce que ce fameux royaume des cieux qui a réalisé la vraie « inversion de toutes les valeurs » ? C’est la richesse qui ne passe pas, que les voleurs ne peuvent voler et que la teigne ne peut consumer. C’est la richesse qu’on ne laisse pas à d’autres le jour de la mort mais qu’on emporte avec soi. C’est le « trésor caché », la « perle précieuse » qu’il vaut la peine de tout donner pour avoir, dit l’Evangile. En d’autres termes, le royaume de Dieu est Dieu lui-même.

Sa venue a provoqué une sorte de « crise de gouvernement » de portée mondiale, une réorganisation radicale. Elle a ouvert de nouveaux horizons. Un peu comme, au 15ème siècle, on découvrit qu’il existait un autre monde, l’Amérique, et les puissances qui détenaient le monopole du commerce avec l’orient, comme Venise, se retrouvèrent subitement désorientées et entrèrent en crise. Les anciennes valeurs du monde – l’argent, le pouvoir, le prestige – ont été transformées, relativisées, même si elles n’ont pas été reniées, à cause de la venue du royaume.

Qui est riche, désormais ? Un homme qui a mis de côté une somme d’argent importante ; mais au cours de la nuit une dévaluation de la monnaie de 100% s’est produite ; le matin, il se lève et ne possède plus rien, même s’il ne le sait peut-être pas encore. Les pauvres en revanche sont avantagés par la venue du royaume de Dieu car, n’ayant rien à perdre, ils sont plus prompts à accueillir la nouveauté et ne craignent pas le changement. Ils peuvent tout investir dans la nouvelle monnaie. Ils sont plus disposés à croire.

Nous sommes amenés à raisonner différemment. Nous croyons que les changements qui comptent sont les changements visibles et sociaux, et non ceux qui se produisent dans la foi. Mais qui a raison ? Au siècle dernier, nous avons connu de nombreuses révolutions de ce type, mais nous avons également vu qu’au bout d’un certain temps, elles finissent aisément par reproduire, avec d’autres acteurs, la situation d’injustice qu’elles disaient précisément vouloir éliminer.

Il y a des niveaux et des aspects de la réalité que l’on ne peut pas saisir à l’œil nu, mais seulement avec l’aide d’une lumière spéciale. Aujourd’hui, les satellites artificiels prennent des photographies aux rayons infrarouges de régions entières de la terre. A la lumière de ces rayons, le panorama est complètement différent. L’Evangile, et en particulier notre béatitude des pauvres, nous donne une image du monde sous une « lumière directe », « aux rayons infrarouges ». Elle permet de saisir ce qui est au-dessous, ou au-delà de la façade. Elle permet de distinguer ce qui reste de ce qui passe.

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ZENIT Staff

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