Le renouvellement du baptême, réponse à la sécularisation, selon Kiko Argüello (II)

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Entretien avec l’un des initiateurs du Chemin Néocatéchuménal

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ROME, Mercredi 30 juillet 2008 (ZENIT.org) – Dans cette seconde partie de l’entretien accordé à ZENIT dans le cadre de l’approbation définitive des statuts du Chemin Néocatéchuménal, l’espagnol Kiko Argüello explique quelques caractéristiques de cet itinéraire catéchuménal, comme les séminaires « Redemptoris Mater », la liturgie et les familles en mission.

La première partie de l’entretien a été publiée mardi 29 juillet.

ZENIT – Dans les célébrations liturgiques, le Chemin Néocatéchuménal introduit une série de nouveautés qui, dans certains cas, ont provoqué des frictions, comme le changement de lieu du rite de la paix, la manière de recevoir la Communion ou les célébrations nocturnes, la veillée pascale, où la messe dure jusqu’à l’aube. Pourriez-vous expliquer ces changements ?

Kiko Argüello – Ces changements ne sont pas une nouveauté, mais correspondent un retour à d’anciennes traditions. Dans toute l’Eglise d’Orient, le rite de la paix a lieu après la prière des fidèles, en suivant la phrase de l’Evangile « Avant de présenter ton offrande à l’autel, va te réconcilier avec ton frère ».

Vu que notre itinéraire est un itinéraire catéchuménal ouvert à tous ceux qui appartiennent à l’Eglise, dans une communauté chrétienne où apparaissent nos problèmes et nos défauts les plus profonds, le rite de la paix, en la présence du corps du Christ, était compliqué car les fidèles se déplaçaient beaucoup pour aller pardonner ou se réconcilier avec leurs frères. Nous nous sommes alors demandés s’il était possible de transférer le rite au moment actuel comme on le faisait dans le rite ambrosien, pour ne pas rompre la solennité du moment de la communion. Et cela a été parfaitement compris.

Quant à la veillée pascale, le Concile lui-même a favorisé le retour à sa pratique. Beaucoup de théologiens et liturgistes ont insisté sur l’importance de cette nuit blanche, la nuit de Pâques, de notre salut. Célébrer cette nuit-là a aidé beaucoup de nos frères à Madrid, par exemple, qui partaient en vacances après le vendredi saint (Jours fériés en Espagne) à vivre d’une autre façon la semaine sainte.

En cela, comme dans tant d’autres domaines, nous avons toujours agi avec de bonnes intentions, en cherchant à aider l’homme d’aujourd’hui à redécouvrir sa foi et à vivre l’Evangile.

ZENIT – Une des critiques que l’on fait aux communautés du Chemin est de « vivre » en marge de la paroisse.

Kiko Argüello – C’est justement le contraire ! Le Chemin naît dans la paroisse, vit dans la paroisse et à son service. Les statuts définitifs indiquent même que les messes célébrées par les communautés néocatéchuménales font partie de la pastorale liturgique de la paroisse et qu’elles sont ouvertes à quiconque souhaite y participer.

Vivre sa foi dans une petite communauté est très important ; les frères se connaissent, s’aident aussi sur le plan financier, prient ensemble. Un des plus grands problèmes de l’homme moderne est la solitude. Il y a beaucoup de gens qui vivent seuls dans les villes. Comme aux premiers temps du christianisme, le témoignage des chrétiens à travers l’amour réciproque est nécessaire. C’était ce qui surprenait les païens qui disaient : « Regardez comme ils s’aiment ». Comme dit saint Paul, le chrétien est appelé à aimer son prochain, mais surtout son frère dans la foi.

Il faut aussi tenir compte du fait que beaucoup de ceux qui entrent au Chemin s’étaient éloignés de la foi, ce sont les « fils prodigues » qui rentrent à la Maison du Père, et il faut avoir des sentiments de miséricorde à leur égard afin que leur foi mûrisse et qu’ils puissent intégrer pleinement la paroisse. Ainsi, l’œuvre des curés de paroisses, qui doivent expliquer cela et faire en sorte qu’il n’y ait pas de suspicion, est très importante.

ZENIT – Une autre question qui attire l’attention sont les images religieuses propres au Chemin, qui sont en réalité des icônes d’origine chrétienne et orientale que vous avez reproduites et contribuez à répandre. Pourquoi ce type d’art et non un autre ?

Kiko Argüello – Parce qu’il manque une synthèse, une inculturation de la foi, une esthétique qui, aujourd’hui, n’existe pas en occident. Il est très important que l’Eglise réfléchisse sur l’esthétique avec laquelle il pense évangéliser le monde.

Jadis, l’Eglise a eu son esthétique, dans l’art byzantin, dans le baroque, dans l’art roman ou le gothique. Aujourd’hui, cela n’existe plus, on construit des paroisses qui, esthétiquement parlant, n’ont aucune signification. L’Eglise vit ce même égarement culturel que connaît l’art en occident.

Nous avons vu que récupérer la tradition est très important. Jusqu’à la Renaissance, jusqu’à Cimabue, l’esthétique orientale et occidentale étaient communes. Avec Giotto commence une séparation qui dure encore aujourd’hui, et la raison principale vient de ce que l’art occidental a perdu ses canons, mais pas l’orient. Auparavant, un artiste ne pouvait peindre l’art sacré comme il voulait, car les visées n’étaient pas simplement esthétiques mais également évangélisatrices. Aussi devait-il se baser sur un canon.

La récupération de ce type d’art dans le Chemin obéit donc à deux questions : la première, récupérer le canon, la seconde jeter des ponts avec l’Eglise d’Orient. C’est pourquoi il est très important pour nous que les temples reflètent une esthétique précise qui renvoie à l’art oriental, où les peintures forment une « couronne mystérieuse », rassemblant les moments les plus importants de la vie du Christ, où l’Eucharistie rend présent le Ciel sur la terre… Peu à peu, avec beaucoup de difficultés, nous avons récupéré cet aspect-là.

ZENIT – Ce rapprochement avec l’Eglise orientale a-t-il une signification œcuménique qui n’existait pas au tout début du Chemin ?

Kiko Argüello – En effet, nous sommes surpris par les miracles que nous voyons. Nous n’aurions jamais pensé pouvoir ouvrir des séminaires, et déjà nous en avons à peu près 70, tout comme nous n’aurions jamais imaginé notre mission « ad gentes »….

Même l’Eglise orthodoxe, qui est présente dans cette région, s’est montré intéressée, car elle a vu que notre catéchèse est la même et elle s’est identifiée à notre esthétique, parfaitement orientale. Les orthodoxes sont venus voir la peinture murale du Jugement dernier que nous avons peinte à Domus Galilaeae et ils se sont sentis chez eux, dans le même état d’esprit. Ils étaient très surpris et se demandaient ce qui se passait dans l’Eglise catholique. Et ce qui arrive est tout simplement ce que disait le Concile Vatican II, l’esprit qui anime le pape, la communion entre les Eglises.

ZENIT – Comment est née la Domus Galilaeae, la maison que le Chemin a ouvert en Galilée, sur le Mont des Béatitudes?

Kiko Argüello – Cette maison, construite sur les terres de la Custodie de Terre Saine, est née du désir d’accueillir les frères de la communauté qui terminaient leur Chemin (la dernière étape de cet « itinéraire baptismal » consiste à renouveler solennellement ses promesses de baptême la nuit de Pâques devant l’évêque, après quoi la communauté entière effectue un pèlerinage de plusieurs jours en Terre Sainte).

Mais en cela aussi nous avons été dépassés, car cette Maison se révèle un pont imprévu entre l’Eglise catholique et le peuple juif. Cette année, nous avons reçu la visite de quelque 700 cars de juifs et ces derniers ont été surpris de voir que nous y tenions la Torah, les Dix commandements, en relation avec les Béatitudes, que nous chantons le Sheema (un chant qui recueille en hébreu
le premier commandement de la loi de Dieu : « Ecoute Israël, tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton esprit »).

Le ministre du tourisme israélien est venu faire notre connaissance et nous a demandé d’où nous venait cet amour pour le peuple juif. Je lui ai répondu que pour les chrétiens, l’histoire du peuple juif est comme un « catéchuménat » qui porte au Christ, et que les racines du christianisme sont donc juives. Dans le Chemin résonnent avec force les paroles de Jean Paul II selon lesquelles les juifs sont « nos frères aînés dans la foi », évitant de les juger, vu que saint Paul lui-même explique que sur eux s’est posé comme un « voile » afin qu’ils ne reconnaissent pas le Messie jusqu’à ce qu’entrent les gentils.

ZENIT – Un autre des aspects caractéristiques du Chemin est, comme vous disiez, son caractère missionnaire, avec la création de séminaires diocésains missionnaires « Redemptoris Mater » ou les familles en mission. Pourriez-vous expliquer en quoi cela consiste ?

Kiko Argüello – Les « Redemptoris Mater » sont des séminaires diocésains, de l’évêque, avec cette particularité, comme le signalait l’ancien archevêque de Madrid, le cardinal Suquía, que le diocèse doit respirer « à deux poumons, un diocésain et l’autre pour le monde ». Le Concile Vatican II, aux articles 9-10 de la Presbyterorum Ordinis, dit que dans l’ordination de chaque prêtre il doit y avoir « la sollicitude de toutes les Eglises ».

Les séminaristes d’un « Redemptoris Mater » savent qu’ils peuvent être envoyés n’importe où dans le monde, selon la demande des évêques. Ces séminaires dépendent de l’évêque, nous, nous n’avons aucune autorité sur le clergé.

Quant aux familles en mission, l’initiative est née après le Synode des évêques d’Europe en 1985, quand Jean Paul II, en analysant la situation de la sécularisation en occident, surtout en ce qui concerne la destruction de la famille, dit aux évêques, de façon surprenante, que l’Esprit Saint était déjà en train de répondre à cette nécessité et qu’il était nécessaire de mettre de côté les modèles d’évangélisation de toujours et voir où l’Esprit allait susciter la réponse. Depuis, les familles du Chemin sont allées là où les évêques le leur demandaient.

De là dérive la « mission ad gentes », la mission « parmi les nations » de ces dernières années. Le pape avait aussi parlé de revenir au premier modèle apostolique qui naît autour de maisons ou de petites communautés. Dans les actes des apôtres nous trouvons plusieurs de ces petites communautés. Nous au Chemin nous avons vu que revenir à ce modèle est très important, surtout en ces lieux où la sécularisation a effacé toute trace du christianisme, pour une nouvelle « <i>implantatio ecclesiae ». Ce sont comme toujours les évêques qui demandent cette mission, et les différentes familles partent avec leurs enfants, accompagnées d’un prêtre.

Nous avons par ailleurs éprouvé le besoin d’envoyer des « communautés en mission », autrement dit des communautés qui ont terminé leur cheminement, qui ont déjà mûri dans leur foi, et qui sont envoyées, à la demande des curés, dans des paroisses en difficulté, pour les aider. Par exemple, à Rome on compte 12 communautés qui se sont offertes au vicariat pour aller dans les paroisses de la périphérie qui ont le plus besoin d’aide.

ZENIT – L’approbation des statuts suppose donc un point d’arrivée, mais également un point de départ. Qu’attendez-vous maintenant ?

Kiko Argüello – Ce qui nous attend maintenant c’est de pouvoir nous offrir aux évêques, avec la garantie déjà qu’il s’agit de quelque chose de l’Eglise, pour la nouvelle évangélisation. Ce qui nous attend c’est de faire un bond vers la nouvelle évangélisation, car le bonheur consiste à donner sa vie pour les hommes, et c’est à cela que nous chrétiens sommes appelés.

Propos recueillis par Inmaculada Álvarez

Traduction française : Isabelle Cousturié

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ZENIT Staff

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