Le président de « Cor Unum » explique l’action de l’Eglise en Haïti

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Entretien avec le cardinal Paul Josef Cordes

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ROME, Lundi 17 janvier 2010 (ZENIT.org) – Après la tragédie qui s’est abattue sur Haïti, « les yeux du monde » se sont ouverts sur l’un des pays les plus pauvres de l’Occident « dont les longues souffrances étaient toutes quasiment tombées dans l’oubli ». « Cette tragédie montre que nous dépendons les uns des autres et que nous devons nous soucier de nos frères et sœurs qui souffrent », a déclaré le cardinal Paul Josef Cordes, président du Conseil pontifical « Cor Unum », dicastère du Vatican chargé de coordonner les agences caritatives d’aide catholiques, dans cet entretien à ZENIT.

ZENIT – Que savez-vous des dommages provoqués par le tremblement de terre?

Card. Cordes – Au début, la communication était difficile, mais nous commençons à recevoir des rapports des agences catholiques qui opèrent directement sur place, comme l’agence humanitaire internationale des évêques catholiques des Etats-Unis, le Catholic Relief Services (CRS), les représentants nationaux de Caritas envoyés à Haïti par leurs évêques, la Croix-Rouge internationale, la Confédération internationale de la société de Saint Vincent de Paul.

Certains faits sont connus par les médias (pertes en vies humaines, destruction de maisons, etc). Pour ce qui nous concerne spécifiquement, le nonce apostolique à Saint Domingue a été le premier à établir le contact avec l’archevêque Bernardito Auza, nonce apostolique à Haïti. Mgr Auza nous tient informés des pertes subies par l’Eglise, à la fois en termes de vie et de dommages structurels. L’archevêque de Port-au-Prince, Monseigneur Miot, qu’il a décrit comme « bon », « toujours souriant », est mort en étant projeté de son balcon par la force de la secousse. D’autres prêtres, des religieux et au moins neuf séminaristes sont encore coincés sous les décombres. La cathédrale, la chancellerie, et toutes les églises paroissiales ont été détruites. Mgr Auza fait le tour des établissements catholiques et autres, dont un grand nombre sont en ruine, pour exprimer la solidarité de l’Eglise et du Saint-Père.

ZENIT – Quels sont les besoins immédiats ?

Card. Cordes – Toute catastrophe naturelle est unique, mais notre longue expérience des désastres précédents (par exemple le tsunami, le cyclone Katrina) montre deux phases distinctes :

A court terme : il faut du personnel pour sauver des vies, répondre aux nécessités les plus urgentes (eau, nourriture, création d’abris, prévention de maladies), rétablir l’ordre ;

A long terme : reconstruction, aide spirituelle et psychologique, en particulier quand l’intérêt des médias s’estompe.

Le pape Benoît XVI a lancé un appel à toutes les personnes de bonne volonté, qui doivent se montrer généreuses et concrètes pour répondre aux nécessités immédiates de nos frères et soeurs qui souffrent en Haïti (Audience générale, 13 janvier 2010). Il est important d’offrir une aide tangible à travers les institutions caritatives de l’Eglise catholique. Dans le monde entier, de nombreuses initiatives sont prises et encouragées dans ce sens. Ainsi, la Conférence épiscopale italienne a établi la date du 24 janvier comme journée de prière et de charité pour le peuple de Haïti. Les ambassades nationales près le Saint-Siège offrent le sacrifice de la messe pour nos frères et soeurs qui souffrent. Nous devons intercéder par la prière et pas seulement intervenir avec de l’argent pour les souffrances de Haïti.

ZENIT – Que fait concrètement le Saint-Siège/Conseil pontifical Cor Unum ?

Card. Cordes – Dans son appel à l’aide, le pape Benoît XVI a demandé spécifiquement que l’Eglise catholique se mobilise immédiatement à travers ses institutions caritatives. Plusieurs organisations catholiques sont déjà à l’œuvre, offrant notamment du personnel spécialisé (par exemple, les Caritas nationales d’Allemagne, d’Irlande, de Suisse, de France, d’Autriche, l’Ordre de Malte). La Croix-Rouge internationale est à l’œuvre par l’intermédiaire de son bureau à Port-au-Prince. De tous, nous recevons quotidiennement des rapports mis à jour.

Comme il est d’usage chaque fois que se produit une situation de ce type, une seule agence a la charge de coordonner les initiatives de secours. C’est ainsi que, dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre, notre Conseil pontifical est entré directement en contact avec le Catholic Relief Services (CRS). Nous leur avons demandé de coordonner la réponse à ce niveau compte tenu du fait qu’ils disposent déjà d’un personnel en Haïti, qui compte 300 membres, de leur longue histoire de plus de 50 ans dans le pays, ainsi que de leur expérience passée pour faire face à des catastrophes de cette ampleur dans le monde, et de leurs ressources. Le Président des CRS nous a assuré : « Nous sommes impliqués et disposés à informer et coordonner la réponse de l’Eglise de toutes les façons possible, pour que cette réponse puisse apparaître comme un signe efficace de l’amour de Dieu ».

Nous savons par le nonce apostolique à Haïti que des réunions ont eu lieu avec les CRS et Caritas Haïti à la nonciature de Port-au-Prince pour faire face aux besoins locaux d’urgence. Il est essentiel que l’Eglise locale soit entendue. C’est pourquoi nous sommes heureux que les évêques haïtiens qui ont réussi à se déplacer aient pu participer à ces réunions.

ZENIT – La foi offre-t-elle une aide dans une catastrophe de cette ampleur ?

Card. Cordes – La foi des gens qui ont souffert dans cette catastrophe jouera un rôle essentiel, non seulement pour atténuer leurs blessures physiques et leurs pertes, mais aussi pour leur permettre d’affronter la dimension spirituelle et le sens qu’il y a à découvrir dans cette catastrophe. En visitant les zones dévastées et en parlant avec les survivants, beaucoup rendent grâce à Dieu pour les avoir épargnés, et pour l’assistance généreuse de leur famille, leurs amis, leurs proches et des Eglises du monde entier. Compte tenu du pourcentage élevé de la population catholique (80% des Haïtiens sont catholiques), la foi et la présence/témoignage concrets de l’Eglise auront un rôle très important à jouer dans la tragédie actuelle.

Notre Conseil pontifical Cor Unum a déjà prévu que la prochaine rencontre de la Fondation Populorum Progressio se tiendrait à Saint Domingue en juillet prochain. La Fondation, instituée par le pape Jean-Paul II, a pour but de venir en aide aux populations indigènes d’Amérique latine et des Caraïbes. Par le passé, nous avons beaucoup aidé Haïti et nous continuerons à le faire. Bien entendu, notre proximité spirituelle est d’une importance capitale. A cette occasion, nous célèbrerons certainement l’Eucharistie avec des évêques venant de plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes.

Sans la foi, cette tragédie se convertirait en un désastre complet. C’est pourquoi, il sera essentiel pour nos frères et sœurs de prier ensemble, de constater que des chrétiens du monde entier partagent leur fardeau comme membres de la famille de Dieu, d’expérimenter la compassion de notre Saint-Père. Ce sont des sources d’espérance et d’énergie. Dans sa première encyclique Deus Caritas est, le pape nous invite à nous rappeler saint Augustin qui donne à notre souffrance la réponse de la foi : « Si comprehendis, non est Deus » – « si tu le comprends, alors il n’est pas Dieu ». Le Saint-Père ajoute : « les chrétiens continuent de croire, malgré toutes les incompréhensions et toutes les confusions du monde qui les entoure, en la «bonté de Dieu et en sa tendresse pour les hommes» (Tt 3,4) » (n.38).

ZENIT – Pensez-vous que du bien sorte de cette tragédie ?

Card. Cordes – C’est une catastrophe qui a causé d’imm
enses pertes en vies humaines et d’immenses souffrances. Il faudra de nombreuses années pour que la nation puisse se reconstruire physiquement et pour que la population se ressaisisse. C’est pourquoi l’Eglise doit rester présente, même lorsque les autres s’en vont.

Mais nous pouvons déjà voir le bien surgir des ruines. Les yeux du monde s’ouvrent sur les pays les plus pauvres de l’hémisphère occidental, ceux dont les longues souffrances étaient toutes quasiment tombées dans l’oubli. Cette tragédie montre que nous dépendons les uns des autres et que nous devons nous soucier de nos frères et sœurs qui souffrent, comme nous l’avons fait à l’occasion du tsunami et du cyclone Katrina. Ainsi nous devons faire en sorte que l’assistance nécessaire apportée aujourd’hui à Haïti continue à long terme, par exemple en mettant en place de meilleures structures locales pour Caritas et en renforçant les liens avec les ministères en charge du développement des gouvernements des pays plus riches et avec les agences d’aide.

Nous sommes témoins et entendons parler de nombreux actes héroïques et désintéressés accomplis pour sauver des vies et porter secours aux personnes en danger. Il y a aussi des milliers de personnes qui, venues de tous les coins du monde et sans rechercher des honneurs, s’emploient à assister tous ceux qui en ont besoin. Des gens se consacrent spirituellement et matériellement à aider les pauvres et ceux qui souffrent. Dans les prochains jours et les prochaines semaines, je suis convaincu que nous rencontrerons au milieu de cette catastrophe de nombreux exemples positifs.

Surtout, c’est avec une espérance confiante en Jésus Crucifié et le Seigneur ressuscité que les chrétiens affrontent le présent. Dans son encyclique Spe Salvi, le pape Benoît XVI nous dit comment supporter les souffrances du moment en mettant notre espérance dans l’avenir. Ce n’est pas que les chrétiens sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant. « C’est seulement lorsque l’avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable » (Spe Salvi n.2).

Propos recueillis par Jesús Colina

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne

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ZENIT Staff

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