Le point de vue de Joseph Ratzinger sur cinq « questions disputées »

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« Jésus de Nazareth », un livre « historique »

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ROME, Jeudi 10 mars 2011 (ZENIT.org) – « Ce livre très dense se lit malgré tout d’un seul trait », commence par dire le cardinal Marc Ouellet du livre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI publié aujourd’hui, 10 mars 2011. Après une lecture qui n’est pas sans susciter une émotion profonde, il y voit un « livre historique » et une « œuvre charnière », « inaugurant une nouvelle ère de l’exégèse théologique », une œuvre « libérante ». Il discerne cinq « questions disputées » sur lesquelles l’auteur prend position.

« Ce livre aura un effet libérateur pour stimuler l’amour de la Sainte Écriture, pour encourager la lectio divina et pour aider les prêtres à prêcher la Parole de Dieu », estime le cardinal canadien.

Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, et ancien rapporteur du synode des évêques sur la Parole de Dieu, a présenté ce soir au Vatican, le deuxième tome du livre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI sur « Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la résurrection ».

Il y voit « plus qu’un livre » : « c’est un témoignage émouvant, fascinant, libérateur », pour « experts » et « fidèles ».

Parmi les « questions cruciales », il discerne « la question du fondement historique du christianisme qui traverse les deux tomes de l’œuvre ; ensuite la question du messianisme de Jésus, suivie de la question de l’expiation des péchés par le Rédempteur, qui fait problème pour beaucoup de théologiens ; la question également du Sacerdoce du Christ en rapport avec sa Royauté et son Sacrifice qui ont tant d’importance pour la conception catholique du sacerdoce et de la Sainte Eucharistie ; la question enfin de la résurrection de Jésus, son rapport à la corporéité et son lien avec la fondation de l’Église. » Une liste qui « n’est pas exhaustive ».

« J’identifie les questions ci-dessus, dit-il, comme des nœuds à dénouer en exégèse comme en théologie, afin de reconduire la foi des fidèles à la Parole de Dieu elle-même, comprise dans toute sa force et sa cohérence, malgré les conditionnements théologiques et culturels qui bloquent parfois l’accès au sens profond de l’Écriture ».

La méthode et le lien avec le judaïsme

Citant l’oeuvre du cardinal Ratzinger « La foi chrétienne, hier et aujourd’hui » (Einführung in das Christentum), le cardinal Ouellet explique que « le christianisme étant la religion du Verbe incarné dans l’histoire, il est indispensable pour l’Église de tenir aux faits et aux événements réels, justement parce qu’ils contiennent des « mystères » que la théologie doit approfondir en utilisant des clefs d’interprétation qui ressortent au domaine de la foi ».

Il souligne cette méthode : « Son exégèse interprète les faits réels d’une façon analogue au traité sur « les mystères de la vie de Jésus » de saint Thomas d’Aquin, « guidé par l’herméneutique de la foi, mais en tenant compte en même temps et de manière responsable de la raison historique, nécessairement contenue dans cette même foi » (Introduction). »

Il souligne aussi « l’intérêt du Pape pour l’exégèse historico-critique qu’il connaît bien et dont il extrait le meilleur pour approfondir les événements de la Dernière Cène, la signification de la prière à Gethsémani, la chronologie de la passion et particulièrement les traces historiques de la résurrection ».

Mais, souligne-t-il, « il ne manque pas de dénoncer au passage le manque d’ouverture d’une exégèse pratiquée trop exclusivement selon la « raison », mais son propos principal demeure d’éclairer théologiquement les faits du Nouveau Testament avec l’aide de l’Ancien Testament et vice-versa, d’une façon analogue mais plus rigoureuse que l’interprétation typologique des Pères de l’Église ».

Et de souligner que « le lien du christianisme avec le judaïsme apparaît renforcé par cette exégèse qui s’enracine dans l’histoire d’Israël ressaisie dans son orientation vers le Christ ».

Il cite « la prière sacerdotale de Jésus », qui est « par excellence une méditation théologique » et « acquiert chez lui une toute nouvelle dimension grâce à son interprétation éclairée par la tradition juive du Yom Kippour. »

Le messianisme de Jésus

A propos de Jésus en tant que Messie, le cardinal Ouellet souligne que l’auteur réfute l’interprétation d’un Jésus « révolutionnaire » ou «  maître de morale », « prophète eschatologique », « rabbi idéaliste », « fou de Dieu », « partisan engagé pour les marginaux de l’époque », « un messie en quelque sorte à l’image de son interprète influencé par les idéologies dominantes. »

L’exposé de Benoît XVI est « bien enraciné dans la tradition juive », souligne le cardinal canadien et ainsi il « unit le religieux et le politique, mais en soulignant à quel point Jésus opère la rupture entre les deux domaines » : « Le pape illustre avec force et clarté les dimensions royale et sacerdotale de ce messianisme, dont le sens est d’instaurer le culte nouveau, l’adoration en Esprit et en Vérité, qui implique toute l’existence, personnelle et communautaire, comme une offrande d’amour pour la glorification de Dieu dans la chair ».

La rédemption et l’expiation des péchés

Troisième question disputée : « Le sérieux de la rédemption et la place que doit y occuper ou pas l’expiation des péchés ». Les interprétations modernes opposent parfois un « Dieu cruel » à un « Dieu miséricordieux », « l’autonomie des personnes » et « une expiation vicaire », par un autre de nos péchés. Le pape éclaire la question sous plusieurs angles, et « montre comment la miséricorde et la justice vont de pair » dans le cadre de « l’Alliance » entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’humanité.

Le cardinal Ouellet pose la question : « Un Dieu qui pardonnerait tout sans se soucier de la réponse que doit fournir sa créature aurait-il pris au sérieux l’Alliance et surtout le mal horrible qui empoisonne l’histoire du monde ? »

Il répond par ce passage du livre : « Dieu lui-même ‘boit le calice’ de tout ce qui est terrible et il rétablit ainsi le droit par la grandeur de son amour qui, à travers la souffrance, transforme les ténèbres ».

Le livre « invite à la réflexion et surtout à la conversion » car « il faut y investir sa liberté pour découvrir le sens profond de l’Alliance qui engage justement la liberté de chaque personne ».

Le sacerdoce du Christ

A propos du sacerdoce du Christ, le livre montre que Jésus ne peut pas être seulement « un laïc investi d’une vocation prophétique », qui, certes, « n’appartenait pas à l’aristocratie sacerdotale du Temple » et « vivait en marge de cette institution fondamentale du peuple d’Israël » mais n’était pas pour autant une figure « étrangère au sacerdoce et sans rapport avec lui ».

Le cardinal Ouellet souligne ces passages clef de la réponse de Benoît XVI : « Le commentaire de la prière sacerdotale de Jésus est d’une grande profondeur et mène le lecteur à des pâturages qu’il n’avait pas imaginés. L’institution de l’Eucharistie apparaît dans ce contexte d’une beauté lumineuse qui rejaillit sur la vie de l’Église comme son fondement et sa source permanente de paix et de joie ».

« L’auteur se tient au plus près des analyses historiques les plus poussées mais il dénoue lui-même des apories comme seule une exégèse théologique peut le faire. On termine le chapitre sur la Dernière Cène non sans émotion et dans l’admiration », ajoute le cardinal Ouellet.

La résurrection de Jésus

Enfin, à propos de la résurrection, « sa dimension historiq
ue et eschatologique, son rapport à la corporéité et à l’Église », le pape affirme : « La foi chrétienne tient par la vérité du témoignage selon lequel le Christ est ressuscité des morts, ou bien elle s’effondre » (ch. IX, 1).

« Le pape, précise le cardinal Ouellet, s’insurge contre les élucubrations exégétiques qui déclarent compatibles l’annonce de la résurrection du Christ et la permanence de son cadavre dans le tombeau. Il exclut ces théories absurdes en signalant que le tombeau vide, même s’il n’est pas une preuve de la résurrection, dont personne n’a été directement témoin, demeure un signe, un présupposé, une trace laissée dans l’histoire par un événement transcendant. « Seul un événement réel d’une qualité radicalement nouvelle était en mesure de rendre possible l’annonce apostolique, qui ne peut être expliquée par des spéculations ou des expériences intérieures mystiques ».

La résurrection de Jésus, c’est une « mutation décisive », un « saut de qualité » qui inaugure « une nouvelle possibilité d’être homme ». Le pape souligne « l’importance historique de la résurrection » manifestée « dans le témoignage des premières communautés qui ont créé la tradition du dimanche comme signe identitaire d’appartenance au Seigneur ».

« La célébration du Jour du Seigneur, qui dès le début distingue la communauté chrétienne, est pour moi, dit le Saint-Père, une des preuves les plus puissantes du fait que, ce jour-là, quelque chose d’extraordinaire s’est produit – la découverte du tombeau vide et la rencontre avec le Seigneur ressuscité » (IX, 16).

Il affirme que « la rencontre avec le Seigneur ressuscité est mission et donne sa forme à l’Église naissante ».

« Chaque fois que nous participons à l’Eucharistie dominicale, commente le cardinal Ouellet, nous allons à la rencontre du Ressuscité qui revient vers nous, dans l’espérance que nous rendions ainsi témoignage qu’Il est vivant et qu’Il nous fait vivre. N’y a-t-il pas là de quoi refonder le sens de la messe dominicale et de la mission ? »

Il conclut son intervention sur l’invitation de Benoît XVI au dialogue.

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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