Le Père Werenfried, “un géant de la charité”, par Didier Rance

Print Friendly, PDF & Email

Un hommage prévu à Notre-Dame de Paris le 5 février (18 h 15)

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

CITE DU VATICAN, Mardi 4 février 2003 (ZENIT.org) – A la veille de la messe qui sera célébrée à Notre-Dame de Paris par le cardinal Jean-Marie Lustiger à la mémoire du fondateur de l’Aide à l’Eglise en détresse, décédé le 31 janvier (cf. ZF030131) nous publions, avec l’aimable autorisation de l’AED, cet hommage rendu au P. Werenfried van Straaten par Didier Rance (cf. www.aed-France.org). Un hommage aussi aux quelque 700.000 bienfaiteurs de l’AED auxquels le P. van Straaten a lancé un appel sur son lit de mort.

« UN GEANT DE LA CHARITE »
Le Père Werenfried

« Un géant de la charité » : ce titre s’est imposé au journaliste français Jean Bourdarias lorsqu’il a achevé d’écrire un livre sur le Père Werenfried, qui lui a permis de suivre le fondateur de l’AED (Aide à l’Eglise en détresse) jusqu’au fond de la Sibérie, et dans six décennies de l’histoire de l’Eglise et du monde au XXe siècle. Mais qui est le Père Werenfried ? Philippe van Straaten nait le 17 janvier 1913 à Mijdrecht, un petit village près d’Amsterdam, la capitale des Pays-Bas, dans une famille d’instituteurs. Ses deux autres frères deviendront aussi prêtres. Après des études classiques, il entre à l’abbaye prémontrée de Tongerlo, en Flandre belge où il reçoit le nom de Werenfried (celui qui apporte la paix).

Durant la guerre et lors de la libération de la Belgique, il fait l’expérience de la haine et de la violence, ce qui le pousse à se consacrer à la prédication de l’amour et de la réconciliation : « Après la guerre, j’ai vu les ruines causées, l’amour trahi. Alors j’ai ressenti comme vocation personnelle de restaurer l’amour dans mon peuple et en Europe. C’est en ce sens que j’ai fondé un petit périodique, en 1944 » Cette première expérience lui donne l’audace, à Noël 1947, de publier dans le bulletin de l’abbaye de Tongerlo un éditorial appelant à aider les ennemis de la veille, les Allemands, et plus précisément les millions de réfugiés expulsés d’Europe de l’Est qui vivent dans des conditions plus que précaires dans des camps de personnes déplacées. Et il commence à prêcher dans les villages voisins de l’Abbaye sur le même thème, demandant à la fois la prière pour les ennemis d’hier, et une aide humanitaire et pastorale pour ceux qui connaissent à leur tour la détresse. La réponse est extraordinaire – même dans les villages flamands qui ont eu à subir les exactions et les représailles nazies. A Vinkt, où tous les hommes et jeunes avaient été fusillés – 85 au total-, les veuves lui donnent les vêtements de leurs maris suppliciés ! Un mouvement de solidarité se développe, qui ne s’arrêtera plus avant d’avoir atteint tous les continents.

L’originalité du père Werenfried n’est pas uniquement dans son courage à prêcher l’amour et la réconciliation. Dès le début, il pense non seulement aux secours matériels mais aussi aux besoins spirituels des réfugiés. Il m’a dit à ce sujet : « J’ai commencé à ramasser du lard pour les prêtres Allemands. Nous leur avons envoyé des tonnes de lard dans des colis, et aussi pour les enfants. Les 32 novices de Tongerlo enlevaient chaussettes et chaussures et travaillaient dans des montagnes de lard pour faire des colis de deux kilos. On les acheminait à Anvers et de là à Francfort puis Königstein où il y avait un séminaire pour la diaspora allemande. Le trajet prenait six semaines. En hiver c’était possible mais pas en été. Alors, j’ai demandé un petit cochon, vivant, aux fermiers, pas seulement un morceau de lard, du ventre et du dos. L’Association des Paysans a été d’accord et ils sont allés dans les villages, on estampillait les « cochons de Werenfried » et quand ils arrivaient à l’abattoir, on disait: « Ah, c’est le cochon de Werenfried « , et on donnait l’argent à Werenfried… » Il lance en 1949 l’opération des prêtres sac-au-dos et celle des chapelles roulantes.

AU SERVICE DE L’EGLISE PERSECUTEE

1950 marque le tournant décisif dans l’action du père Werenfried. Tout en poursuivant l’aide pastorale pour les réfugiés, il se rend compte que l’amour ne peut s’arrêter aux frontières du Rideau de Fer qui coupe désormais en deux l’Europe. Il organise un congrès des Chrétiens d’Europe de l’Est qui ont réussi à fuir la persécution .

“Roumains, Croates, Tchèques et Slovaques racontèrent les horreurs de la destruction physique et spirituelle opérée par les communistes. Un haut dignitaire hongrois, un prélat polonais, un prêtre russe barbu, un Ukrainien fougueux parlèrent, avec tristesse ou avec emportement, chacun selon son propre tempérament, du calvaire des pasteurs bâillonnés et des troupeaux anéantis dans leur pays respectifs. Ils énumérèrent pieusement, fidèlement, les sanglants sacrifices en un bilan amer et glorieux. Les farouches plaintes de l’Albanie et des Etats baltes fendaient l’âme. Un évêque chinois exilé clôtura le poignant défilé des témoins. On fit des plans pour un proche avenir : notre Oeuvre [qui ne prendra ne nom d’’Aide à l’Eglise en Détresse que plus tard] serait élevée au niveau d’une Internationale de la Charité créée pour réconforter les peuples de l’Est. L’Europe serait invitée à intensifier ses offensives de prière pour l’Est.”

Le père Werenfried commence alors à aider, le plus souvent clandestinement, derrière le Rideau de fer. En 1956, il est à Budapest et rencontre le cardinal Wyszinski à Rome la même année. Cette aide difficile, délicate, parfois totalement clandestine, le fait voyager à l’Est incognito.

DANS LE TIERS-MONDE

Mais le père Werenfried n’est pas homme à s’enfermer dans une tâche, aussi importante soit-elle que celle d’aider les Eglises persécutées dans les pays communistes. En 1957, à l’occasion d’un pèlerinage en Terre sainte, il découvre la misère des réfugiés chrétiens palestiniens et leur promet son aide. En 1959, il découvre à Calcutta une certaine « Soeur Thérèse », la future Mère Teresa, alors inconnue, et publie aussitôt un article prophétique sur elle, tout en lui promettant aussi son aide. La même année, il voyage dans le Sud-Est asiatique et décide d’apporter une aide pastorale importante aux réfugiés de Corée, de Chine et du Vietnam.

Mais voici qu’une nouvelle dimension s’ouvre à son action, de façon bien involontaire d’ailleurs, les voies du Seigneur ne sont pas celles des hommes. Le père Werenfried raconte lui-même : « En 1960, j’ai écrit  » On m’apelle le Père au Lard », traduit en six langues. J’ai envoyé l’édition italienne à tous les évêques qui avaient étudié à Rome, pour leur demander de l’argent. Et en particulier à tous ceux d’Amérique latine. Ce fut l’action la moins réussie de ma vie. Non seulement, ils ne m’ont pas envoyé d’argent, mais beaucoup m’en ont demandé. Le Cardinal de Rio m’a écrit que ce serait meilleur marché de faire une « action préventive », plutôt que d’aider les victimes du communisme. Je suis alors allé en Amérique latine ».

Il en revient bouleversé par la misère et l’exploitation que subissent les pauvres de ce continent : « Il y avait là le capitalisme comme au XIXème siècle et la menace communiste. Et entre les deux, l’Eglise avec un peuple analphabète et qui manquait de prêtres. L’Eglise donnait les sacrements mais n’évangélisait pas. J’ai été un peu partout, même à dos d’âne. Et nous avons aidé, par exemple, pour la cathédrale des ondes de Dom Araujo Sales à Rio. J’ai visité six pays d’Amérique latine et j’ai vu toute cette misère, tous les prêtres et évêques héroïques. C’est pourquoi nous avons commencé à aider, mais toujours dans le domaine pastoral ».

Le père Werenfried lance alors de nombreuses actions de soutien à l’Eglise de ce continent. Parmi
elles, l’action « Aide et Espoir » qui aide des dizaines de milliers de pauvres des bidonvilles à avoir un logement décent, et une chapelle au milieu des quartiers les plus pauvres. En 1965, c’est l’Afrique qu’il découvre, lors d’un voyage au Congo (Zaïre). Il y fonde un Institut religieux, celui des Filles de la Résurrection (qui comptent aujourd’hui neuf sœurs martyres), et commence à soutenir des projets pastoraux sur tout le continent. Les Compagnons-Batisseurs, dont il est aussi le fondateur, travaillent sur tous les continents.

Pour suivre ce développement à l’échelle du monde, l’Aide aux Prêtres de l’Est est devenue dès le début des années 60 l’Aide à l’Eglise en détresse (AED). L’aide aux Eglises persécutées à l’Est se poursuit, en particulier pour celles qui vivent totalement dans les catacombes, en Ukraine ou en Roumanie. En 1978, un cardinal polonais, aidé depuis longtemps par l’AED, accède au siège de saint Pierre. Grâce à Jean Paul II, le travail pastoral du Père Werenfried et de son Oeuvre dans le monde entier est mieux reconnu en Occident. En 1984 l’AED est érigée en Association publique universelle de l’Eglise catholique avec pour mission un « mandat de l’Eglise dans le secteur de la charité fraternelle envers les Eglises locales les plus souffrantes et nécessiteuses ». Dans le Tiers Monde, de grandes actions pastorales sont lancées ou soutenues par le Père Werenfried : l’opération AMA (400 camions pour l’Amazonie), la Bible de l’Enfant (40 millions d’exemplaires à ce jour) et d’autres…

A NOUVEAU LA RECONCILIATION

A partir de 1981, le père Werenfried quitte la tête de l’AED, mais il en demeure l’âme et l’inspirateur jusqu’à ce jour. En 1989, les libérations de l’Est l’enthousiasment. Il est à Bucarest dès Noël, et accompagne le cardinal Lubachivskyj en Ukraine lorsque celui-ci y retourne après un demi-siècle d’exil. Il pousse l’AED à entreprendre une aide sur une grande échelle pour soutenir la reconstruction des Eglises persécutées, surtout celles qui sortent des catacombes : construction de séminaires, soutient de tous les séminaristes de l’Est, envoi de millions de Bible. En 1991, le père Werenfried est l’invité spécial de Jean-Paul II au Synode pour l’Europe. Attristé par l’absence des orthodoxes et par les polémiques stériles entre les Eglises, il lance en 1992 un grand mouvement de réconciliation et de soutien pastoral à la Russie orthodoxe. Parfois mal perçue en Occident, cette action est soutenue par le chef de l’Eglise catholique d’Ukraine. Après avoir rencontré le patriarche de Moscou, le père Werenfried organise cette collaboration qui va se développer rapidement malgré un contexte difficile.

L’aide au Tiers-Monde se développe parallèlement, surtout en Afrique. Enfin, en 1998, le père Werenfried décide de lancer une nouvelle action à l’échelle internationale, destinée, cette fois-ci, à promouvoir la culture de vie face à la culture de mort, et le soutien aux familles chrétiennes du monde entier. Aujourd’hui dans sa quatre-vingt-neuvième année, le Père Werenfried vit près du Siège International de l’AED, et enthousiasme toujours ses visiteurs par son sens de l’Eglise et sa volonté de relever les défis les plus fous, quand il y voit un appel de Dieu. Parmi les derniers, outre la collaboration avec les orthodoxes malgré toutes les difficultés, la construction du séminaire de Lviv pour l’Ukraine catholique, et un petit catéchisme, complément de la Bible de l’Enfant, destiné lui aussi à être publié en des dizaines de millions d’exemplaires.

Didier Rance

© AED

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel