Le pape prie pour un jeune: ce n'est pas un "exorcisme"

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La foi en Jésus Sauveur au coeur de la prière de l’Eglise

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Le Vatican dément que le pape François ait fait une prière d’exorcisme, dimanche matin, 19 mai, place Saint-Pierre, près de l’Arc des cloches, après la messe de Pentecôte, lorsqu’il a imposé les mains à un jeune homme en fauteuil accompagné d’un prêtre, le père Juan Rivas, L.C., qui prononce, lui, le mot « exorcisme » en s’adressant au pape.

Mais de l’enregistrement, on n’arrive pas à comprendre s’il dit au pape que le jeune aurait besoin d’un exorcisme. Sur sa page Facebook, il indique que le jeune était tourmenté.

Le pape a posé une main puis les deux mains sur la tête du jeune homme, priant profondément. Le jeune s’est alors détendu en se laissant aller contre le dossier du fauteuil, au lieu d’être tendu en avant, selon les images et le son diffusés par la télévision catholique italienne TV2000.

En réponse aux questions des journalistes à propos de ce soi-disant « exorcisme », le  directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, sj, déclare: « Le Saint-Père n’a pas eu l’intention d’accomplir un exorcisme. Mais, comme il le fait souvent pour les personnes malades et souffrantes qu’on lui présente, il a simplement eu l’intention de prier pour une personne souffrante qui lui avait été présentée. »

Un geste d’attention spéciale

Pour sa part, le directeur de TV2000, M. Dino Boffo, déclare sur cette chaîne catholique: « Le pape a accompli un geste d’attention spéciale et une bénédiction particulière pour le jeune, ce n’était pas un exorcisme. »

« En tant que directeur, je ne peux que me référer au pacte de transparence et de confiance qui existe avec les téléspectateurs et j’admets que cet épisode a créé en moi un certain malaise et des regrets, pour avoir involontairement déterminé la diffusion d’une nouvelle vraie mais vraie seulement en partie, et en partie non vraie, parce que le pape ne se reconnaît pas dans le mot « exorcisme ». »

Il ajoute: « Je ne me défausse sur personne et j’assume mes responsabilités, et je présente mes excuses pour avoir atteint la vérité des faits et pour les personnes impliquées, en particulier au Saint-Père. Nous ne voulions pas le charger d’un geste qu’il n’avait pas l’intention d’accomplir. Cet épisode qui apparaît aujourd’hui sur les journaux ne nous fait pas faire bonne figure, mais nous servira de leçon. Et ne se renouvellera pas. »

Le geste du pape est en effet un geste de prière d’intercession et de bénédiction envers une personne qui le demande.

Jésus pratiqua l’exorcisme, et il a confié à ses Apôtres l’autorité pour chasser les démons (cf. Mc 3, 15). L’exorcisme est une prière officielle de l’Eglise confiée dans le diocèse par l’évêque à un prêtre expérimenté qui doit avant tout procéder à un discernement pour établir si les troubles manifestés par une personne sont d’origine naturelle ou spirituelle. Il y a, en France par exemple, plus d’une centaine de prêtres qui exercent ce ministère au nom de leur évêque. L’évêque de Rome a bien sûr le pouvoir de l’exercer.  

Une prière liturgique

Le Rituel des exorcismes a été revu dans le cadre de la réforme liturgique voulue par Vatican II. L’édition latine a été promulguée par Jean-Paul II en novembre 1998. L’édition française, de janvier 2006, a fait l’objet d’une présentation par le Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle sous le titre: L’Exorcisme dans l’Église catholique (Desclée/Mame). Il distingue les formules « déprécatives » – prières adressées à Dieu pour qu’il délivre le fidèle de tout mal – et les formules « impératives » – adjurations adressées par le prêtre exorciste au démon pour le chasser.

La présentation du rituel affirme : « Puisque l’action nuisible et contraire du diable et des démons affecte les personnes, les choses et les lieux et se manifeste de diverses manières, l’Église, toujours consciente que ces jours sont mauvais a prié et prie pour que les hommes soient libérés des embûches du diable » (p. 6).

Selon le catéchisme de l’Eglise catholique, « l’exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l’emprise démoniaque, et cela par l’autorité spirituelle que Jésus a confiée à son Église » (n. 1673). 

L’Église catholique distingue l’exorcisme « mineur » – qui a lieu par exemple lors du baptême des petits enfants et au cours du catéchuménat – et l’exorcisme « majeur » ou solennel. Le Catéchisme classe ce dernier parmi les « sacramentaux » – au même titre que les bénédictions et les consécrations –. Il s’agit d’une prière liturgique – prière officielle de l’Eglise – et il suit un rituel bien établi. 

Un discernement affiné

Surtout, il suppose auparavant des entretiens de discernement, pour établir l’origine (naturelle ou pas) du mal dont souffre la personne qui demande l’exorcisme: il s’agit donc d’un ministère d’écoute, de compassion et de prière. 

Le diagnostic affiné porte notamment sur l’identification de la cause de cette situation et de la forme du tourment pour que la personne ne risque pas ensuite de retomber dans les mêmes difficultés mais sache les éviter : « infestations » des lieux ou des objets, oppressions – action du diable sur les sens – ou obsessions – tentation permanente sur la pensée -, du fait de différentes influences (1).

Si l’origine non naturelle est confirmée, l’exorcisme se déroule selon un rite prévu par l’Eglise: c’est la prière de l’Eglise qui obtient la libération, au nom du Christ.

Jésus est Seigneur

Comme les autres sacramentaux – usage du signe de la Croix, de l’eau bénite, de l’huile sainte, des rameaux bénis, etc -, ce n’est pas un rite magique: la prière d’exorcisme suppose la foi dans le Christ Seigneur et Sauveur, et dans son amour qui bannit la peur.

Un évêque africain, Mgr Isidore de Souza (+1999), archevêque de Cotonou, au Bénin, a raconté cet épisode au congrès missionnaire de Lisieux en 1984: lors de la veillée pascale, il posait les questions rituelles pour le renoncement aux pratiques contraires à la foi et au bien de l’homme et le renouvellement de la profession de foi: « Renoncez-vous à Satan »?  Et l’assemblée répondait d’une seule voix: « Oui… oui, nous renonçons ».

L’archevêque a perçu que cette réponse était trop « facile ». Il a posé la question de façon plus spécifique: « Renoncez-vous aux amulettes que vous portez autour des reins, des mains? » Silence. L’archevêque insiste. Silence. Il insiste: l’assemblée sourit. 

Il a attendu la fin de la célébration pour demander à un jeune servant de messe, dans la sacristie, la raison de ces rires et de ce silence. Celui-ci lui a répondu quelque chose comme: « Jésus, il est gentil; mais le sorcier, il est méchant, si on rejette ces amulettes ».

L’archevêque a conclu en substance: il faut libérer les populations de la peur qui les tient prisonniers et seul Jésus, Seigneur et Sauveur, mort et ressuscité, vivant au milieu de nous, peut le faire. La catéchèse, l’évangélisation doivent faire comprendre que Jésus est Seigneur et qu’ils n’ont rien à craindre, que son amour a définitivement vaincu la mort et la haine, recommandait l’archevêque. 

La prière de l’exorcisme suppose cette foi, cette confiance, dans le Rédempteur de l’homme dont l’amour libère. 

***** 

NOTE

(1) Ces phénomènes peuvent se manifester comme conséquences d’une pratique intense d’ésotérisme religieux ; de spiritisme ; de méditation passive ; de divination en vue de prédictions (mancies) ; de dérives sectaires ; d’appartenance à une société secrète initiatique gnostique ; de pratique de ‘channeling’ ; de « déplacements d’énergie » ; d’occultisme ; d’ouverture de « chakras » ; de participation à certaines « thérapies alternatives énergétiques » ; de conjuration magique de
maladies ; de maléfices liés à des conflits ; d’imposition des mains au-dessus du corps ; de musiques incitant à l’ultraviolence destructrice, aux orgies, aux profanations, etc, parfois lors d’un recours à des gourous, voyants, mages, médiums, marabouts, chamans, sorciers, envoûteurs et désenvoûteurs, « transmetteurs d’énergies »… (Cf. Zenit du 8 avril 2011, http://www.zenit.org/fr/articles/le-rite-la-formation-d-un-exorciste-au-vatican)

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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