Le pape parle à ses séminaristes du Latran (I/II)

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Fête de Notre Dame de Confiance, lectio divina

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Le véritable optimisme, c’est celui qui sait que « l’Eglise est l’avenir », qu’elle « renait toujours de nouveau « , que le christianisme « commence toujours de nouveau », souligne Benoît XVI devant ses séminaristes.

Le pape a en effet rencontré les séminaristes du diocèse de Rome, le 8 février 2013, lors d’une visite au grand séminaire de Rome, à la veille de la fête de Notre Dame de la Confiance, sainte patronne du séminaire (cf. Zenit du 8 février 2013).

Quelque 190 séminaristes du monde entier – le séminaire « romain » étant « universel » – en soutanes noires, attendaient le pape dans la chapelle du séminaire, dans une atmosphère détendue, aux accents de fébrilité.

A son arrivée, il a été accueilli par le cardinal vicaire Agostino Vallini et par le recteur, don Concetto Occhipinti.

Le pape a ensuite donné une lectio divina sur le teste de la première Lettre de saint Pierre apôtre (1 P, 1,3-5), pour les séminaristes du Grand séminaire et du Petit séminaire de Rome, du vénérable Collège capranicien, du collège diocésain « Redemptoris Mater » et du séminaire de Notre Dame du divin amour.

Lectio divina de Benoît XVI (I/II)

Eminence,

Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers amis,

C’est pour moi une grande joie, chaque année, d’être ici avec vous, de voir tant de jeunes cheminer vers le sacerdoce, attentifs à la voix du Seigneur, voulant suivre cette voix et cherchant la route pour servir le Seigneur à notre époque.

Nous avons écouté trois versets de la Première lettre de saint Pierre (cf. 1,3-5). Avant d’entrer dans ce texte, il me semble important d’être vraiment attentifs au fait que c’est Pierre qui parle. Les deux premiers mots de la Lettre sont : « Pierre, apôtre » (Petrus apostolus) (cf. v.1) : c’est lui qui parle, il parle aux Eglises d’Asie et il appelle les fidèles « étrangers de la Dispersion…, élus » (ibidem). Réfléchissons un peu sur ce point. Pierre parle et, comme on l’entend à la fin de la Lettre, il parle de Rome, qu’il a appelée « Babylone » (cf. 5,13). Pierre parle : c’est presque une première encyclique, par laquelle le premier apôtre, vicaire du Christ, parle à l’Eglise de tous les temps.

Pierre, apôtre. Celui qui parle, donc, est celui qui a trouvé en Jésus-Christ le Messie de Dieu, qui a parlé le premier au nom de l’Eglise future : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant » (cf. Mt 16,16). Celui qui parle est celui qui nous a introduits dans cette foi, celui à qui le Seigneur a dit : « Je te transmets les clés du Royaume des cieux » (cf. Mt 16,19), à qui il a confié son troupeau après sa résurrection, en lui disant par trois fois : « Pais mon troupeau, mes brebis » (cf. Jn 21,15-19). Celui qui parle, c’est aussi l’homme qui est tombé, qui a renié Jésus et qui a eu la grâce de voir le regard de Jésus, d’être touché dans son cœur, d’avoir trouvé le pardon et d’avoir été renouvelé dans sa mission. Mais ce qui est important surtout, c’est le fait que cet homme, rempli de passion, du désir de Dieu, du désir du Royaume de Dieu et du Messie, cet homme qui a trouvé Jésus, le Seigneur et le Messie, soit aussi l’homme qui a péché, qui est tombé et cependant qui est demeuré sous le regard du Seigneur, et demeure ainsi responsable de l’Eglise de Dieu, demeure chargé par le Christ, demeure porteur de son amour.

C’est Pierre l’apôtre qui parle, mais les exégètes nous disent ceci : il n’est pas possible que cette Lettre soit de Pierre, parce que le grec utilisé est trop bon pour être celui d’un pêcheur du lac de Galilée. Et ce ne sont pas seulement le langage et la structure de la langue qui sont excellents, mais aussi la pensée qui est déjà assez mûre, avec des formules concrètes dans lesquelles sont condensées la foi et la réflexion de l’Eglise. C’est pourquoi ils disent : il y a déjà là un niveau de développement qui ne peut pas être celui de Pierre. Comment répondre ? Il y a deux positions importantes : d’abord, Pierre lui-même, c’est-à-dire la Lettre, nous donne une clé parce qu’à la fin de cet écrit, il est dit : « Je vous écris ces quelques mots par Silvain ». Ce mot par [dia] peut signifier plusieurs choses : il peut signifier que c’est lui (Sylvain) qui transporte, qui transmet ; il peut vouloir dire qu’il a aidé à la rédaction ; il peut vouloir dire que ce fut lui, réellement, l’écrivain pratique. Dans tous les cas, nous pouvons en conclure que la Lettre elle-même nous indique que Pierre n’était pas seul pour l’écrire, mais qu’il exprime la foi d’une Eglise qui est déjà dans un cheminement de foi, une foi de plus en plus mûre. Il n’écrit pas seul, comme un individu isolé, il écrit avec l’aide de l’Eglise, de personnes qui l’aident à approfondir la foi, à entrer dans la profondeur de sa pensée, de son caractère raisonnable, de sa profondeur. Et ceci est très important : Pierre ne parle pas en tant qu’individu, il parle au nom de l’Eglise (ex persona Ecclesiae), il parle en tant qu’homme d’Eglise, certainement comme une personne, avec sa responsabilité personnelle, mais aussi comme une personne qui parle au nom de l’Eglise : ce ne sont pas seulement des idées privées, comme celles d’un génie du XIXème siècle qui voudrait exprimer seulement ses idées personnelles, originales, que personne n’aurait pu dire avant lui. Non. Il ne parle pas comme un génie individualiste, mais il parle précisément dans la communion de l’Eglise. Dans l’Apocalypse, dans la vision initiale du Christ, il est dit que la voix du Christ est la voix des grandes eaux (Ap 1,15). Cela veut dire que la voix du Christ réunit toutes les eaux du monde, porte en soi toutes les eaux vives qui donnent vie au monde ; c’est une Personne, mais c’est justement en cela que consiste la grandeur du Seigneur, qui porte en soi tout le fleuve de l’Ancien Testament, et même de la sagesse des peuples. Et ce qui est dit ici du Seigneur vaut, d’une autre manière, aussi pour l’apôtre, qui ne peut pas dire seulement sa propre parole mais qui porte en lui-même, réellement, les eaux de la foi, les eaux de toute l’Eglise, et c’est précisément ainsi qu’il donne une fertilité et une fécondité, et c’est précisément ainsi qu’il est un témoin personnel qui s’ouvre au Seigneur et qui devient ainsi large et ouvert. Et ceci est donc important.

Il me semble important aussi que, dans la conclusion de cette Lettre, soient nommés Sylvain et Marc, deux personnes qui font aussi partie des amitiés de saint Paul. Ainsi, à travers cette conclusion, le monde de saint Pierre et celui de saint Paul se rejoignent : ce n’est pas une théologie exclusivement pétrinienne contre une théologie paulinienne, mais c’est une théologie de l’Eglise, de la foi de l’Eglise, dans laquelle il y a une diversité, certainement, de tempéraments, de pensées, de styles dans la manière de parler de Paul et de Pierre. Il est bon qu’il y ait cette diversité, même aujourd’hui, des différents charismes, de différents tempéraments qui, cependant, ne sont pas opposés et qui sont unis dans une foi commune.

Je voudrais encore ajouter quelque chose : saint Pierre écrit de Rome. C’est important : nous avons déjà ici l’évêque de Rome, nous avons le point de départ de la succession, nous avons déjà le point de départ du primat concrètement situé à Rome, non seulement confié par le Seigneur, mais situé ici, dans cette ville, dans cette capitale du monde. Comment Pierre est-il venu à Rome ? C’est une question sérieuse. Les Actes des Apôtres nous racontent qu’après s’être enfui de la prison d’Hérode, il est allé dans un autre endroit (cf. 12,17) – eis eteron topon -, on ne sait pas dans quel autre lieu ; certains parlent d’Antioch
e, d’autres de Rome. Dans tous les cas, dans ce chapitre, il est dit aussi qu’avant de s’enfuir, il a confié l’Eglise judéo-chrétienne, l’Eglise de Jérusalem, à Jacques et, tout en la confiant à Jacques, il demeure Primat de l’Eglise universelle, de l’Eglise des païens, mais aussi de l’Eglise judéo-chrétienne. Et ici, à Rome, il a trouvé une grande communauté judéo-chrétienne. Les liturgistes nous disent que, dans le Canon romain, il reste des traces d’un langage typiquement judéo-chrétien ; nous voyons donc que se trouvent à Rome les deux parties de l’Eglise : la partie judéo-chrétienne et la partie pagano-chrétienne, unies, expression de l’Eglise universelle. Et pour Pierre, certainement, le passage de Jérusalem à Rome est le passage à l’universalité de l’Eglise, le passage à l’Eglise des païens et de tous les temps et toujours, aussi, à l’Eglise des juifs (alla Chiesa anche sempre degli ebrei). Et je pense qu’en se rendant à Rome, saint Pierre n’a pas seulement pensé à ce passage, Jérusalem/Rome, Eglise judéo-chrétienne/Eglise universelle. Il s’est certainement aussi souvenu des paroles que Jésus lui avait adressées, que rapporte saint Jean : « A la fin, tu iras là où tu ne veux pas aller. On te ceindra, on te fera étendre les mains » (cf. Jn 21,18). C’est une prophétie de la crucifixion. Saint Pierre savait que sa fin serait celle du martyre, que ce serait la croix. Et ainsi, sa « sequela » du Christ serait totale. Par conséquent, en allant à Rome, il est certainement allé au martyre : à Babylone, l’attendait le martyre. Le primat a donc ce contenu de l’universalité, mais aussi un contenu martyrologique. Depuis le commencement, Rome est aussi le lieu du martyre. En allant à Rome, Pierre accepte à nouveau cette parole du Seigneur : il va vers la Croix, et nous invite à accepter nous aussi l’aspect martyrologique du christianisme, qui peut prendre des formes très diverses. Et la croix peut prendre des formes très diverses, mais personne ne peut être chrétien sans suivre le Crucifié, sans accepter aussi le moment du martyre.

Après ces considérations sur l’auteur, quelques mots aussi sur les personnes auxquelles le message est adressé. J’ai déjà dit que saint Pierre définit ceux à qui il écrit par les paroles « eklektois parepidemois », « étrangers de la Dispersion…, élus » (cf.1P 1,1). Nous nous trouvons à nouveau face à ce paradoxe de la gloire et de la croix : élus, mais dispersés et étrangers. Elus : c’était le titre de gloire d’Israël : nous sommes les élus, Dieu a élu ce petit peuple, non parce que nous sommes grands, dit le Deutéronome, mais parce qu’il nous aime (cf. 7,7-8). Nous sommes élus : maintenant, saint Pierre transfère cela à tous les baptisés, et le véritable contenu des premiers chapitres de sa Première lettre est que les baptisés rentrent dans les privilèges d’Israël, ils sont le nouvel Israël. Elus : il me semble qu’il vaut la peine de réfléchir sur ce mot. Nous sommes élus. Dieu nous a connus depuis toujours, avant notre naissance et notre conception ; Dieu m’a voulu comme chrétien, comme catholique, il m’a voulu comme prêtre. Dieu a pensé à moi, il m’a cherché parmi des millions, parmi tant de personnes, il m’a vu et il m’a élu, non pas pour mes mérites, que je n’ai pas, mais à cause de sa bonté ; il a voulu que je sois porteur de son élection, qui est aussi toujours une mission, surtout une mission, et une responsabilité envers les autres. Elus : nous devons être reconnaissants et joyeux pour ce fait. Dieu a pensé à moi, il m’a élu comme catholique, comme porteur de son évangile, comme prêtre. Il me semble que cela vaut la peine de réfléchir plusieurs fois sur ceci, et de rentrer à nouveau dans ce fait de son élection : il m’a élu, il m’a voulu ; maintenant, je réponds.

Peut-être pouvons-nous, aujourd’hui, être tentés de dire : nous ne voulons pas nous réjouir d’avoir été lus, ce serait du triomphalisme. Ce serait du triomphalisme de penser que Dieu m’a élu parce que je suis vraiment grand. Ce serait vraiment du triomphalisme et une erreur. Mais me réjouir parce que Dieu m’a voulu n’est pas du triomphalisme mais de la gratitude, et je pense que nous devons réapprendre à accueillir cette joie : Dieu a voulu que je sois né ainsi, dans une famille catholique, que j’ai connu Jésus dès mon enfance. Quel don que d’avoir été voulu par Dieu, au point d’avoir pu connaître son visage, d’avoir pu connaître Jésus-Christ, le visage humain de Dieu, l’histoire humaine de Dieu dans ce monde ! Etre joyeux parce qu’il m’a élu pour être catholique, pour être dans son Eglise, là où existe l’unique Eglise (susbistit Ecclesia unica) ; nous devons être joyeux parce que Dieu m’a fait cette grâce, si belle, de connaître la plénitude de la vérité de Dieu et la joie de son amour.

(à suivre)

© Libreria Editrice Vaticana

Traduction de Zenit: Hélène Ginabat


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ZENIT Staff

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