"Le pape et la paix", par Mgr Martino

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La position du pape et du Saint-Siège

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CITE DU VATICAN, Mardi 18 mars 2003 (ZENIT.org) – L’Osservatore Romano en français du 16 mars publie cette traduction intégrale de l’analyse de la position du pape et du Saint-Siège, par Mgr Renato Raffaele Martino, président du conseil pontifical Justice et paix, sous le titre: « Le Pape et la paix ».

– Le pape et la paix par Mgr Martino –

L’opinion publique, bien que selon les modalités qui lui sont propres, c’est-à-dire parfois de manière attentive, d’autres fois de façon quelque peu distraite, a été sans aucun doute vivement intéressée par les trois aspects principaux de l’activité de l’Eglise catholique à propos de la paix: le très récent Magistère du Saint-Père, l’incessante activité diplomatique du Pape lui-même et du Saint-Siège, en particulier à travers les missions confiées au Cardinal Etchegaray à Bagdad et au Cardinal Laghi à Washington, et enfin, la journée du 5 mars, Mercredi des Cendres, journée de prière et de jeûne confiée à l’intercession de Marie « Regina Pacis ». Les trois éléments, même considérés de façon individuelle, ont porté à un niveau « élevé » le débat sur la paix en ces heures de tension et de forte inquiétude, mais ils doivent leur valeur la plus authentique et leur signification la plus profonde à leur lien réciproque.

Les trois lignes d’intervention – Magistère, activité diplomatique, prière et jeûne – possèdent une « valeur ajoutée » constituée par leur intime corrélation, par le fait d’être trois aspects qui se soutiennent et s’illuminent réciproquement. Ils doivent être saisis comme un unique « ensemble » et, de cette façon, peuvent constituer un point de départ significatif dans la pédagogie de la paix.

Au cours de ces derniers jours, le Magistère du Pape s’est concentré sur la paix comme « don spécial du Ressuscité » (Rosarium Virginis Mariae, n. 40). De cette façon, la paix n’a pas été éloignée mais rapprochée et rendue proche de l’homme; de cette façon, la paix a été libérée des idéologies et de toute instrumentalisation possible et donc, a été rendue véritablement « possible ». Enraciner la paix en Dieu et la considérer avant tout comme un don de Lui signifie d’un côté la rendre « indisponible » aux manipulations partisanes, et, précisément pour cela, la mettre à la disposition des hommes, en faire une chose pleinement humaine. La paix vient d’en-Haut, c’est pourquoi elle est également à notre portée. Que cela ne semble pas un paradoxe. Solidement enracinée en Dieu, elle devient un aspect qui caractérise la foi chrétienne dans l’Emmanuel, dans le Dieu-avec-nous; elle acquiert une profondeur et pénètre les plis les plus profonds de notre être. Ramenée En-Haut, elle est rendue utilisable ici-bas, elle est libérée des idéologies pour devenir une chose des hommes, une chose à nous, une chose « à moi ».

Enracinée en Dieu, la paix acquiert souffle et liberté, elle devient une force attirante et convaincante, car elle devient « vocation ». La paix est également une question qui « me » concerne, elle m’interpelle moi aussi, précisément car elle n’appartient à personne en particulier, mais qu’elle est un don d’en-Haut. La verticalité se transforme en horizontalité. Plus la paix est fondée en Dieu, plus elle appartient à tous et pas seulement à quelques-uns. Aucun drapeau ne peut s’en faire totalement l’interprète, aucune partie n’en est pleinement titulaire, aucun intérêt en jeu ne peut se passer de se confronter avec elle. Personne n’est exempt de fautes à son égard, même si toutes les fautes ne sont pas égales. La paix devient « mesure » et critère de discernement, elle devient, au sens étymologique, « agenda »: une liste de choses à faire, c’est-à-dire de devoirs. En tant que « don de Dieu », elle appartient à l’humanité, elle représente son bien commun. Elle est à la fois intraitable et indulgente, exigeante et disponible. Intraitable car elle ne tolère ni compromis mesquins, ni instrumentalisations; indulgente, car elle se place à la portée de tous, « même » des grands de la terre. Exigeante, car elle est faite pour des personnes convaincues et courageuses; disponible, car elle s’adapte au réalisme de la gradation et à la tolérance des faiblesses humaines.

C’est sur ce magistère que s’est insérée l’inlassable activité diplomatique du Pape lui-même et du Saint-Siège, qui ont rencontré les principaux acteurs mondiaux de la politique. Les journaux ont parlé, au cours de ces derniers jours, des deux dernières puissances mondiales qui demeurent: les Etats-Unis et l’opinion publique mondiale. A voir l’activité diplomatique du Pape et du Saint-Siège ces derniers jours, on pourrait avoir l’impression qu’une troisième « puissance » mondiale est à l’oeuvre. Mais il serait réducteur de considérer l’incessante activité diplomatique du Saint-Siège avec les yeux de l’habituelle politique internationale, selon le critère des Etats et des armées. La force de cette action diplomatique réside entièrement dans sa nature pastorale, d’annonce de la Bonne Nouvelle chrétienne au coeur des hommes. L’Eglise ne fait pas de politique, même lorsque le Pape rencontre les plus hauts chefs d’Etat dans des situations préoccupantes comme la situation actuelle. Mais lorsque l’Eglise annonce le Christ, véritable Paix, et lorsqu’elle s’engage à ne pas éteindre la conviction selon laquelle la paix, avant même d’être le fruit du travail des chancelleries, est un don de Dieu et le fruit de l’oeuvre d’hommes justes, alors cela ne peut manquer d’avoir également des répercussions « politiques » positives.
En troisième lieu, la prière et le jeûne du Mercredi des Cendres. Encore une fois, la contemplation chrétienne s’est révélée empreinte de réalisme. La prière pour la paix n’est pas une évasion, mais une immersion dans la vie, le jeûne pour la paix que le Pape a demandé le 5 mars dernier n’a pas été une tergiversation vide de sens: en gardant les yeux fixés sur le Christ, comme le dit la Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae (n. 40), nous pouvons devenir des bâtisseurs de paix. Le réalisme chrétien fonde la paix sur le « Dieu de la paix » et, précisément pour cela, en fait quelque chose que l’on peut utiliser ici et maintenant, une monnaie de dialogue et de confrontation, d’obstination en vue du bien commun, de courage créatif et également de sage réalisme.

Précisément parce que l’on reçoit la paix, – elle est, justement, un don -, précisément pour cela, elle est également entre nos mains. On ne la fabrique pas, on la fait plutôt germer ou fructifier. Et on la construit lentement, de sorte que le non à la guerre est également l’occasion de « réexaminer » le chemin qui l’a rendue possible. C’est garder les pieds sur terre dans la conscience que l’itinéraire vers la paix est long mais n’est pas impossible, que les résistances sont nombreuses, mais pas insurmontables, que le passé fait obstacle à l’avenir mais ne le compromet pas, et, surtout, qu’il n’existe pas « une » guerre, mais « des » guerres, celles sur lesquelles les médias pointent les projecteurs dans les moments d’urgence, mais également celles oubliées et celles qui demeurent cachées, celles couvertes par les intérêts et les idéologies, celles « tolérées » car politiquement correctes.

Par leur valeur ajoutée, ces trois éléments étroitement liés en un unique ensemble significatif constitueront selon toute probabilité un point de départ important pour la pédagogie de la paix dans le monde, un passage de la conscience morale de l’humanité à un niveau supérieur de maturité.

© L’Osservatore Romano – 18 mars 2003

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ZENIT Staff

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