Pope Francis officiates at the Benediction of the Blessed Sacrament

ANSA - ANGELO CARCONI

Le pain des pèlerins

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Pour la fête diu Saint-Sacrement, Mgr Francesco Follo, Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, propose ce commentaire théologique et spirituel des lectures de la messe.

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Fête du Saint-Sacrement – Année B –  7 juin 2015 – Lectures:

Ez 24, 3-8; Ps 115; He 9, 11-15; Mc 14, 12-16. 22-26.

            1) Présence dans le monde, pour le sauver

            En ce dimanche, où nous fêtons le Saint-Sacrement[1], fête de louange et de remerciement, l’Eglise célèbre non seulement l’Eucharistie mais elle la porte aussi en procession solennellement, annonçant publiquement que le sacrifice du Christ est pour le salut du monde entier. Il faut apporter le Christ sur les routes du monde car Celui que les espèces fragiles de l’Hostie voilent est venu précisément sur terre pour être «  la vie du monde » (Jn 6, 51).

            Cette procession fait de nous des « annonceurs », autrement dit des missionnaires, et des personnes marchant vers une sainte destination, c’est-à-dire des pèlerins.

            Nous sommes missionnaires parce qu’en marchant unis autour du Corps de Celui qui est le Seigneur du cosmos et de l’histoire, nous apportons le Christ au monde entier et avec Lui l’annonce de cette paix qu’Il nous a laissée et que le monde ne peut donner.  Notre procession eucharistique nous permet de témoigner, humblement et joyeusement, que cette petite Hostie blanche, portée par le prêtre avec dévotion, renferme la réponse aux interrogations les plus pressantes. On y trouve le soulagement à la plus atroce des souffrances. En gage, il y a la satisfaction de cette soif brûlante de bonheur et d’amour que chacun porte en soi, dans le secret de son cœur.

            Nous sommes pèlerins parce que nous allons vers la patrie éternelle, la patrie céleste. Nous sommes pèlerins non seulement par souci de l’éternel,  comme tout être humain, mais aussi par vocation. Jésus Christ nous appelle à partager son amitié et sa mission. Nous ne sommes pas seuls dans notre pèlerinage: le Christ marche avec nous. Pèlerin, Il renouvelle la présence de Dieu sur les routes du monde, il est le Pèlerin des pèlerins sur la route d’Emmaüs. Emmaüs désigne l’endroit où Jésus se rompt lui-même comme Pain de la vie, Pain des anges, Pain des pèlerins « panis angelorum, factus cibus viatorum – »   (Séquence de la messe d’aujourd’hui) qui nous donne la force de reprendre le chemin avec Lui, pour Lui, en Lui.

            Donc pour accomplir le chemin de la vie, sur lequel repose tout le sens de la procession d’aujourd’hui, il faut se nourrir de l’Eucharistie, de ce Pain des anges qui s’est fait nourriture pour les hommes, affamés de vérité, d’amour et de liberté.

            Etonnés de la très grande proximité du Christ qui habite nos Eglises, qui est dans nos mains et qui n’attend rien d’autre que pouvoir demeurer en nous, il nous faut juste nous nourrir de Lui qui «  a pris notre chair et  notre sang pour que Sa chair et Son sang puissent être notre vie » (Card. John Henri Newman).

            Essayons d’avoir le même étonnement que la Vierge Marie qui contemplait le visage du Christ avec extase, à Bethléem comme à Jérusalem. Du Berceau à la Croix, la Vierge n’a jamais cessé de regarder avec foi et amour le visage du Fils et de le serrer dans ses bras avec pitié, après sa naissance et après sa mort. Que notre Mètre céleste soit ce modèle d’amour qui inspire notre adoration eucharistique ! De cette manière nous vivrons «  l’Eucharistie non pas comme un simple geste de dévotion, mais comme un geste de vie, un geste qui a de l’influence sur la vie » (Mgr Livio Melina[2]).

         2) Présents à la PRESENCE.

            Le mystère[3] eucharistique a trois aspects: sacrifice, communion et présence. La Fête-Dieu célèbre surtout un de ces aspects, celui de la présence réelle. Nous ne pouvons pas et ne devons pas séparer les trois aspects de ce mystère, mais cela ne nous empêche pas de réfléchir principalement au mystère de la présence réelle, pour être présents  à cette Présence, qui se donne à nous totalement.

            «Chaque fois que nous faisons preuve de foi en la Présence réelle du Christ, nous faisons un acte beaucoup plus grand  que celui d’Israël qui a traversé la Mer Rouge. Dans ce cas-là, Israël est passé d’une terre d’exil à une terre de liberté. Nous, grâce à l’eucharistie,  nous passons de ce monde au monde du Père. (D. Divo Barsotti)

            Le 15 octobre 2005, lors d’une rencontre entre Benoît XVI et les enfants de la première communion, André posa cette question: « Ma catéchiste, en me préparant au jour de ma première communion, m’a dit que Jésus est présent dans l’Eucharistie. Mais comment ? Je ne le vois pas ! ». Benoît XVI répondit: « En effet, nous ne le voyons pas, mais il y a tant de choses que nous ne voyons pas et qui existent et sont essentielles. Par exemple, nous ne voyons pas notre raison, toutefois, nous avons la raison. Nous ne voyons pas notre intelligence, et pourtant nous l’avons. En un mot, nous ne voyons pas notre âme et toutefois, elle existe et nous en voyons les effets, car nous pouvons parler, penser, décider…  De même, nous ne voyons pas, par exemple, le courant électrique ; toutefois, nous voyons qu’il existe, nous voyons que ce micro fonctionne, nous voyons les lumières. En un mot, ce sont précisément les choses les plus profondes, qui soutiennent réellement la vie et le monde, que nous ne voyons pas, mais nous pouvons en voir et en ressentir les effets. Nous ne voyons pas l’électricité, le courant, mais nous voyons la lumière. Et ainsi de suite. Nous ne voyons donc pas non plus le Seigneur ressuscité avec nos yeux, mais nous voyons que là où est Jésus, les hommes changent, deviennent meilleurs. Il se crée une plus grande capacité de paix, de réconciliation, etc. Nous ne voyons donc pas le Seigneur lui-même, mais nous en voyons les effets : c’est ainsi que nous pouvons comprendre que Jésus est présent ; comme je l’ai dit, les choses invisibles sont précisément les plus profondes et les plus importantes. Allons donc à la rencontre de ce Seigneur invisible, mais fort, qui nous aide à bien vivre ».

            Le cœur de la réponse de Benoît XVI va droit au but : «  Les choses invisibles sont précisément les plus profondes et les plus importantes ». Au fonds, c’est le secret que révèle le renard au Petit Prince du joli récit d’Antoine de Saint-Exupéry: « Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »[4].

            Tout à l’heure j’ai proposé la Vierge Marie comme modèle de personne adorant le Présent, le Fils de Dieu qui avait pris sa chair. Maintenant je propose en exemple une autre Marie: Marie Madeleine. Présentons-nous au Christ dans le tabernacle comme cette femme se présenta aux pieds du Seigneur et se mit à écouter sa parole » (Lc 10, 39). Celle-ci était certainement plus contente de voir Jésus que d’écouter ses paroles. Le saint visage de cet homme, son regard, son sourire, son pardon, touchait le cœur de Marie Madeleine. C’est le même Jésus dans le Très Saint Sacrement. Mettons-nous tout simplement à ses pieds, comme Marie, dans la joie d’être avec Lui.

            Il y a aussi l’exemple d’un paysan, paroissien du Saint curé d’Ars. Cet humble et modeste travailleur de la terre, après une journée dans les champs, passait du temps à l’église et regardait le tabernacle sans ouvrir la bouche. A la question de son saint curé
: « Que dites-vous en ce moment d’adoration? », le paysan répondit: «  Je le regarde et il me regarde ». Quand Jésus a regardé une âme,   Il lui donne sa divine ressemblance – disait sainte Thérèse d’Avila – mais il faut que cette âme  ne cesse de fixer sur lui seul ses regards. Quand saint Pierre, en marchant sur les eaux quitta le Christ du regard pour regarder la tempête, il commença à couler. Pierre apprit la leçon et nous enseigne encore aujourd’hui à fixer le regard sur le visage du Seigneur « comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 Pt 1,19). Si nous donnons du temps au Christ, dans nos prières et tout particulièrement dans l’adoration, nous aurons en don le Christ lui-même qui nous tend la main et nous tire hors de l’eau.

            « L’adoration, dans son essence, est un baiser à Jésus, dans lequel je dis: « Je suis à toi et je prie afin que toi aussi, tu demeures toujours avec moi » » (Benoît XVI). L’adoration du saint sacrement est toujours une préparation et un acte de grâce de la messe. Celle-ci constitue le moment de choix pour développer et faire grandir en nous le don de soi, complètement. En effet l’adoration eucharistique ne signifie pas seulement se mettre à genou devant la présence du Christ dans le sacrement, mais également de nous unir au don pur et parfait de notre Sauveur. L’adoration eucharistique nous donne le désir et la force de nous mettre sans hésitation dans les mains de Dieu, de nous abandonner totalement et joyeusement à Lui.

            Les Vierges consacrées vivant dans le monde sont un parfait exemple du don de soi. Ces femmes manifestent par leur vie que leur cœur croit et adore. Elles témoignent qu’il est possible de vivre eucharistiquement en s’offrant totalement au Christ – Epoux eucharistique. Ces femmes témoignent que toute consécration au Seigneur ne saurait s’exprimer sans se donner entièrement à Lui. « le Mystère eucharistique a aussi un rapport intrinsèque avec la virginité consacrée, en tant qu’elle est expression du don exclusif de l’Église au Christ, qu’elle accueille comme son Époux avec une fidélité radicale et féconde. Dans l’Eucharistie, la virginité consacrée trouve inspiration et nourriture pour sa donation totale au Christ » (Benoît XVI,  Sacramentum Caritatis, 81).

            Par leur existence qui se nourrit du Corps du Christ, les femmes consacrées montrent que la virginité n’est pas seulement être capable de s’offrir complètement à Dieu, mais savoir accueillir le don de Dieu, le choix de Dieu.

            Par leur vie alimentée par l’Eucharistie, elles sont des témoins visibles de l’amour de Dieu invisible, montrant dans la simplicité de la vie quotidienne que la vie humaine peut devenir eucharistie. Elles montrent que la prière devient vie et la vie devient prière.

Lecture (quasi) Patristique

SAINT THOMAS D’AQUIN

(Opusculum 57, in festo Corporis Christi, lect. 1-4)

Le mystère de l’Eucharistie.

Le Fils unique de Dieu, voulant nous faire participer à sa divinité, a pris notre nature afin de diviniser les hommes, lui qui s’est fait homme.

En outre, ce qu’il a pris de nous, il nous l’a entièrement donné pour notre salut. En effet, sur l’autel de la croix il a offert son corps en sacrifice à Dieu le Père afin de nous réconcilier avec lui ; et il a répandu son sang pour qu’il soit en même temps notre rançon et notre baptême : rachetés d’un lamentable esclavage, nous serions purifiés de tous nos péchés.

Et pour que nous gardions toujours la mémoire d’un si grand bienfait, il a laissé aux fidèles son corps à manger et son sang à boire, sous les dehors du pain et du vin.

Banquet précieux et stupéfiant, qui apporte le salut et qui est rempli de douceur ! Petit-il y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l’on ne nous propose plus, comme dans l’ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement ? 

Aucun sacrement ne produit des effets plus salutaires que celui-ci : il efface les péchés, accroît les vertus et comble l’âme surabondamment de tous les dons spirituels !

Il est offert dans l’Église pour les vivants et pour les morts afin de profiter à tous, étant institué pour le salut de tous. Enfin, personne n’est capable d’exprimer les délices de ce sacrement, puisqu’on y goûte la douceur spirituelle à sa source et on y célèbre la mémoire de cet amour insurpassable, que le Christ a montré dans sa passion.

Il voulait que l’immensité de cet amour se grave plus profondément dans le cœur des fidèles. C’est pourquoi à la dernière Cène, après avoir célébré la Pâque avec ses disciples, lorsqu’il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce sacrement comme le mémorial perpétuel de sa passion, l’accomplissement des anciennes préfigurations, le plus grand de tous ses miracles ; et à ceux que son absence remplirait de tristesse, il laissa ce sacrement comme réconfort incomparable.


[1] Cette fête, dans sa forme historique, est apparue au 13ème siècle et s’est largement développée dans les communautés catholiques du monde entier. Toutefois, on peut déjà voir un début de cette fête dans la première « procession » que les apôtres avaient formée. Après avoir entouré le Christ, ils sont sortis du cénacle pour se diriger vers le mont de mont des oliviers, emportant dans leurs cœurs l’eucharistie. C’était le Jeudi saint.

[2] Mgr Livio Melina, Professeur de théologie morale, est Président de l’Institut Jean-Paul II pour les Etudes sur le mariage et la famille, à Rome.

[3] Pour un croyant,  le “mystère” n’est pas quelque chose d’obscur, où il n’y a rien à comprendre. Au contraire, il s’agit de quelque chose de si profond qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir. Nous ne pouvons jamais dire avoir atteint le fond.

[4] A. de Saint-Exupéry, le Petit prince,  Milano 1979, p. 98.

 

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ZENIT Staff

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