Le P. Cantalamessa met en garde contre la banalisation de l’Eucharistie

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Homélie du dimanche 18 juin

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ROME, Vendredi 16 juin 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 14, 12…26

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ 15 Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? » Il leur répondit : « C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. »
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.

© AELF

Solennité du Très Saint Corps et Sang du Christ

Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas

Je crois que le plus important lors de la fête du Corpus Domini n’est pas d’illustrer tel ou tel aspect de l’Eucharistie mais de réveiller chaque année l’étonnement et l’émerveillement devant le mystère. La fête est née en Belgique, au début du XIIIe siècle ; les monastères bénédictins furent les premiers à l’adopter ; Urbain IV l’étendit à toute l’Eglise en 1264, en raison, semblerait-il également de l’influence du miracle eucharistique de Bolsena, vénéré aujourd’hui à Orvieto.

Quel besoin y avait-il d’instituer une nouvelle fête ? L’Eglise ne rappelle-t-elle pas l’institution de l’Eucharistie le Jeudi Saint ? Ne la célèbre-t-elle pas chaque dimanche, ou plus encore chaque jour de l’année ? Le Corpus Domini est en fait la première fête qui n’a pas pour objet un événement de la vie du Christ, mais une vérité de foi : la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Elle répond à un besoin : celui de proclamer une telle foi de manière solennelle ; elle sert à écarter un danger : celui de s’habituer à cette présence et à ne plus y faire attention, méritant ainsi le reproche que Jean-Baptiste adressait à ses contemporains : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas » (Jn 1, 26).

Ceci explique la solennité et la visibilité extraordinaires que cette fête a acquises dans l’Eglise catholique. Pendant longtemps la seule procession de tout le christianisme et la plus solennelle fut celle du Corpus Domini.

Aujourd’hui les processions ont céder le pas aux cortèges et aux sit-in (en général de protestation) ; mais si la chorégraphie externe a disparu, le sens profond de la fête et la motivation qui l’a inspirée restent intacts : conserver l’émerveillement devant le plus grand et le plus beau des mystères de la foi. La liturgie de la fête reflète fidèlement cette caractéristique. Tous ses textes (lectures, antiennes, chants, prières) sont imprégnés d’un sens d’émerveillement. Plusieurs d’entre eux se terminent pas un point d’exclamation : « Ô banquet sacré au cours duquel on reçoit le Christ ! » (O sacrum convivium), « Ô victime de salut ! » (O salutaris hostia).

Si la fête du Corpus Domini n’existait pas, il faudrait l’inventer. Le danger que courent aujourd’hui les chrétiens par rapport à l’Eucharistie, est celui de la banaliser. Il fut un temps, on ne la recevait pas aussi souvent et elle supposait le jeûne et la confession. Aujourd’hui, pratiquement tout le monde communie. Soyons clairs : ceci est un progrès, il est normal que la participation à la messe comporte également la communion. C’est pour cette raison qu’elle existe. Tout ceci comporte cependant un risque mortel. Saint Paul dit : « Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il ne discerne le Corps » (1 Co 11, 27-28).

Je crois que c’est une grâce salutaire pour un chrétien d’avoir pendant un certain temps peur de communier, de trembler à l’idée de ce qui est sur le point de se produire et de répéter sans cesse, comme Jean-Baptiste : « Toi, tu viens à moi ! » (Mt 3, 14). Nous ne pouvons recevoir Dieu que comme « Dieu », c’est-à-dire en lui conservant toute sa sainteté et sa majesté. Nous ne pouvons pas domestiquer Dieu !

Les prédicateurs, dans l’Eglise, ne devraient pas avoir peur – maintenant que la communion est devenue une chose aussi habituelle et aussi « facile » – d’utiliser parfois le langage de l’Epître aux Hébreux et de dire aux fidèles : « Mais vous vous êtes approchés… d’un Dieu Juge universel… de Jésus médiateur d’une alliance nouvelle, et d’un sang purificateur plus éloquent que celui d’Abel (He 12, 22-24). Dans les premiers temps de l’Eglise, au moment de la communion retentissait un cri dans l’assemblée : « Celui qui est saint, qu’il communie, que celui qui ne l’est pas se repentisse ! ».

Saint François d’Assise n’avait pas fait de l’Eucharistie une habitude. Il en parle toujours avec un étonnement rempli d’émotion. « Que l’humanité soit remplie d’angoisse, que l’univers tout entier tremble, que les cieux exultent lorsque sur l’autel, dans les mains du prêtre, c’est le Christ Fils de Dieu vivant… Ô admirable hauteur et étonnante complaisance ! Ô humilité sublime » ! Ô humble sublimité, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi jusqu’à se cacher sous l’apparence du pain ! »

Mais la cause de notre émerveillement face au mystère eucharistique ne doit pas être tant la grandeur et la majesté de Dieu mais plutôt sa complaisance et son amour. L’Eucharistie est avant tout cela : mémorial de l’amour dont il n’existe pas de plus grand : donner sa vie pour ses amis.

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ZENIT Staff

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